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jeudi 4 décembre 2025

T1523/23: pas de prise en compte d'avantages du procédé de fabrication pour l'activité inventive du produit obtenu

L'afficheur revendiqué se distinguait de celui de D3 par le fait que les distances d et D étaient choisies dans des plages spécifiques. 

La Titulaire argumentait que cette caractéristique permettait d'obtenir des valeurs chromatiques stables, déviant peu de la cible. Il en résultait une augmentation de la productivité du procédé.

La Chambre considère qu'un effet technique ne peut être pris en compte que s'il est obtenu par l'objet revendiqué lui même, pas par son procédé de fabrication. Même si le procédé permet d’obtenir un ensemble d’afficheurs dont l’écart-type par rapport à la cible est réduit, pour un afficheur individuel ni la couleur cible ni l’écart ou la réduction de celui-ci ne sont perceptibles. Comme chaque afficheur présente des distances fixes dans les deux types de régions (R1 et R2), le fait que ces distances soient choisies de manière à ce que la somme des valeurs de chromaticité se situe sur des pentes de signe opposé n’a aucun effet pour cet afficheur individuel.

La Titulaire mettait en avant certaines décisions (par exemple T648/88 ou T1089/15) dans lesquelles un effet technique obtenu pour un procédé avait été pris en compte pour le produit. 

La Chambre n'est pas convaincue, et souligne que les décisions citées relèvent du domaine de la chimie, et concernent des cas où le concept inventif résidait dans une voie réactionnelle nouvelle et non évidente, dont le caractère non évident pouvait « se transmettre » aux produits intermédiaires.

Le cas d'espèce concerne un dispositif physique final, et non un composé intermédiaire dans un procédé chimique. Les relations entre le produit et le procédé sont totalement différentes.

Un produit nouveau ne peut être considéré comme inventif parce qu'il est produit par un procédé inventif. L'activité inventive de l'afficheur ne peut se déduire du caractère prétendument inventif de son procédé de fabrication, lequel n'a été ni revendiqué ni examiné.


Décision T1523/23

lundi 1 décembre 2025

JUB - Cour d'Appel - 25.11.2025 - méthode à suivre pour apprécier l'activité inventive et la suffisance de description

L'an dernier, la division centrale de la JUB avait annulé le brevet EP3666797 (Sanofi/Amgen). La Cour d'Appel décide au contraire de rejeter les demandes en nullité formées contre ce brevet.

La Cour en profite, ainsi que dans une autre décision du même jour (Meril/Edwards), pour indiquer la méthode à suivre par les instances de la JUB pour évaluer la suffisance de description et l'activité inventive. 

Sur l'activité inventive:

  • il faut d’abord établir le problème objectif, du point de vue de la personne du métier, avec ses connaissances générales, à la date pertinente du brevet. Cela doit être fait en déterminant ce que l’invention apporte à l’état de la technique, non pas en examinant les caractéristiques individuelles de la revendication, mais en comparant la revendication dans son ensemble, dans le contexte de la description et des dessins, en considérant ainsi également le concept inventif sous-jacent à l’invention (l’enseignement technique), lequel doit être fondé sur les effets techniques que la personne du métier comprend, sur la base de la demande, comme étant obtenus avec l’invention revendiquée.
La Cour cite sur ce dernier point la décision G2/21.
  • afin d’éviter un raisonnement a posteriori, le problème objectif ne doit pas contenir d’indices orientant vers la solution revendiquée.
On note ici que contrairement à l'approche problème-solution de l'OEB, le problème objectif est défini avant le choix du point de départ, et non spécifiquement à partir des effets techniques liés aux caractéristiques distinctives par rapport au point de départ.
  • la solution revendiquée est évidente lorsque, à la date pertinente, la personne du métier, partant d’un point de départ réaliste dans le domaine technique pertinent, et souhaitant résoudre le problème objectif, serait (et non seulement : pourrait) arrivée à la solution revendiquée. 
On retrouve ici le célèbre could/would.
  • le domaine technique pertinent est celui qui est lié au problème objectif à résoudre ainsi que tout domaine dans lequel le même problème ou un problème similaire se pose et dont il faut s’attendre à ce que la personne du métier du domaine spécifique ait connaissance.
  • un point de départ est réaliste si son enseignement aurait présenté un intérêt pour une personne du métier qui, à la date pertinente, souhaite résoudre le problème objectif. Cela peut par exemple être le cas si l’élément de l’état de la technique pertinent divulgue déjà plusieurs caractéristiques similaires à celles de l’invention revendiquée et/ou aborde le même problème sous-jacent ou un problème similaire à celui de l’invention revendiquée. Il peut y avoir plus d’un point de départ réaliste et l’invention revendiquée doit impliquer une activité inventive à partir de chacun d’eux.
Dans la décision Meril/Edwards, la Cour examine l'activité inventive à partir de 6 points de départ. 
  • la personne du métier n’a ni compétences inventives ni imagination et nécessite un indice ou une motivation qui, à partir d’un point de départ réaliste, l’oriente vers la mise en œuvre d’une étape suivante dans la direction de l’invention revendiquée. En règle générale, une solution revendiquée doit être considérée comme dépourvue d’activité inventive / évidente lorsque la personne du métier franchirait l’étape suivante suggérée par l’indice ou par simple routine, et arriverait à l’invention revendiquée.
  • pour qu’une activité inventive soit présente, il n’est pas nécessaire de démontrer une amélioration de l’enseignement technique tel que défini par les revendications du brevet par rapport à l’état de la technique. Une activité inventive peut également être reconnue si les revendications du brevet divulguent une alternative non évidente aux solutions connues dans l’état de la technique.

Dans l'affaire Sanofi/Amgen, la Cour pose également des principes concernant la notion d'espérance raisonnable de réussite, critère souvent utilisé en pharmacie ou biotechnologie:
  • une solution revendiquée est évidente si la personne du métier aurait franchi l’étape suivante en s’attendant à trouver une solution envisagée à son problème technique. C’est généralement le cas lorsque les résultats de l’étape suivante étaient clairement prévisibles ou lorsqu’il existait une espérance raisonnable de réussite.
  • la charge de la preuve que les résultats étaient clairement prévisibles ou que la personne du métier aurait raisonnablement attendu une réussite, c’est-à-dire que la solution qu’elle envisage en franchissant l’étape suivante résoudrait le problème objectif, incombe à la partie qui invoque la nullité du brevet.
  • une espérance raisonnable de réussite implique la capacité de la personne du métier à prédire de manière rationnelle, sur la base d’une évaluation scientifique des faits connus avant le début d’un projet de recherche, la conclusion réussie de ce projet dans des délais acceptables. 
  • Le fait qu’il existe une espérance raisonnable de réussite dépend des circonstances de l’affaire. Plus un domaine technique de recherche est inexploré, plus il est difficile de faire des prédictions quant à sa conclusion réussie et plus l’attente de succès est faible. Les difficultés pratiques ou techniques envisagées ainsi que les coûts liés à la vérification de l’obtention du résultat souhaité lors du franchissement d’une étape suivante peuvent également dissuader la personne du métier de franchir cette étape. En revanche, plus l’indice en faveur de la solution revendiquée est fort, plus le seuil pour une espérance raisonnable de succès est bas.
  • lorsque le titulaire du brevet avance et étaye suffisamment des incertitudes et/ou des difficultés pratiques ou techniques, la charge de la preuve que celles-ci n’empêcheraient pas la personne du métier d’avoir une espérance raisonnable de réussite incombe à la partie alléguant l’évidence.
  • le fait que d’autres personnes ou équipes travaillaient simultanément sur le même projet n’implique pas nécessairement qu’il existait une espérance raisonnable de réussite. Cela peut également indiquer qu’il s’agissait d’un domaine intéressant à explorer avec un simple espoir de réussir.

Concernant l'affaire Sanofi/Amgen, la Cour considère qu'à la date de priorité, la recherche scientifique dans le domaine du mécanisme d’action de PCSK9 n’avait pas atteint un stade où la personne du métier aurait pu raisonnablement prévoir qu’un anticorps bloquant l’interaction entre PCSK9 et LDLR serait thérapeutiquement efficace pour traiter ou prévenir les maladies mentionnées dans la revendication 1 ou pour réduire le risque associé à ces maladies. La personne du métier, sur la base d’une évaluation scientifique de l’état de la technique à la date de priorité, n’avait donc pas d'espérance raisonnable de succès quant au fait qu’une approche par anticorps produirait l’effet thérapeutique souhaité in vivo


Sur la suffisance

  • elle doit être évaluée sur la base du brevet dans son intégralité, du point de vue d'une personne du métier munie de ses connaissances générales à la date de dépôt ou de priorité.
  • le test à appliquer est de savoir si la personne du métier est capable de reproduit l'objet revendiqué sur la base du brevet sans effort inventif ni efforts indus. Une invention est suffisamment décrite si le brevet montre à la personne du métier au moins une manière (et pour des caractéristiques fonctionnelles, au moins un concept technique) de mette en œuvre l'invention revendiquée.
  • lorsqu’une revendication contient une ou plusieurs caractéristiques fonctionnelles, il n’est pas exigé que la description comprenne des instructions spécifiques sur la manière d’obtenir chacune des réalisations concevables entrant dans la ou les définitions fonctionnelles. Une protection équitable requiert que des variantes des modes de réalisation spécifiquement divulgués, qui sont également aptes à atteindre le même effet et qui n’auraient pas pu être envisagées sans l’invention, soient également couvertes par la revendication. Par conséquent, l’indisponibilité de certaines réalisations d’une revendication définie fonctionnellement est sans incidence sur la suffisance, tant que la personne du métier, grâce à la description, est en mesure d’obtenir des réalisations appropriées dans le cadre de la revendication.
  • une quantité raisonnable d’essais et d’erreurs ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de l’invention.


Décision UPC_CoA_528/2024 du 25.11.2025

Décision UPC_CoA_464/2024 du 25.11.2025

jeudi 27 novembre 2025

T866/24: la clarté des revendications dépendantes est de moins en moins examinée

L’Opposante soutenait que les caractéristiques peu claires à la base des modifications apportées à la revendication 1, fondées sur la description du brevet, s’appuyaient sur des formulations correspondantes peu claires provenant de la revendication dépendante 6 telle que délivrée. A ses yeux, soulever une objection au titre de l’article 84 CBE contre des caractéristiques peu claires issues de revendications dépendantes délivrées devrait dans de telles circonstances être admissible.

La Chambre partage les préoccupations de l’opposant. Selon sa propre perception, il existe une tendance récente à ce que les revendications dépendantes soient de moins en moins examinées au regard de la clarté lors de la procédure d’examen, bien que leur examen complet au titre de l’article 84 CBE n’ait pas été jugé « irréaliste » dans la décision G 3/14 (pt 32). Un tel examen complet est même expressément encouragé par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/24 (pt 20) 

La justification d’une telle indulgence peut résider dans l’hypothèse que la protection conférée par un brevet délivré est définie uniquement par les revendications indépendantes. Mais lorsque des revendications dépendantes sont ensuite ajoutées à une revendication indépendante au cours de la procédure d’opposition, les opposants se trouvent finalement confrontés à des caractéristiques de revendication peu claires qui, comme dans le cas présent, sont réputées avoir été examinées quant à la clarté, bien que de facto elles ne l’aient pas été. Néanmoins, elles ne peuvent être contestées au titre de l’article 84 CBE en raison des conclusions de la décision G 3/14.

La Chambre juge ce résultat insatisfaisant, car une revendication indépendante comportant des caractéristiques peu claires laisse beaucoup de place à l’imagination des lecteurs et lectrices. De plus, les caractéristiques peu claires tendent à échapper à une comparaison sensée avec l’état de la technique pertinent. En outre, puisque les opposants ne peuvent anticiper avec certitude quelle interprétation des revendications sera adoptée par la Chambre ou par un tribunal dans le cadre d’une procédure en contrefaçon, ils peuvent se sentir obligés de présenter différentes lignes d’argumentation pour toutes les interprétations potentielles. Interdire catégoriquement aux opposants, dans de tels cas, de soulever des objections de clarté au titre de l’article 84 CBE entraîne des complexités indues dans la discussion sur la nouveauté et l’activité inventive, au détriment non seulement des opposants, mais aussi des divisions d’opposition et des chambres de recours.


Décision T866/24

lundi 24 novembre 2025

T1044/23: un usage antérieur non reproductible peut être choisi comme état de la technique le plus proche

Résumé: des produits commerciaux non reproductibles peuvent être choisis comme état de la technique le plus proche. La mesure dans laquelle un produit non reproductible doit être modifié pour obtenir l'objet revendiqué, et le niveau de connaissances sur ce produit et sa fabrication requis pour y parvenir ne deviennent pertinents que pour les étapes ultérieures de l'approche problème-solution.

L'Opposante citait des résines commerciales DMDA comme art antérieur, préjudiciable à la nouveauté  s'agissant du brevet tel que délivré, et à l'activité inventive pour les requêtes subsidiaires 2 et suivantes.

La division d'opposition avait décidé que ces résines ne faisaient pas partie de l'état de la technique car leur procédé de fabrication n'était pas suffisamment décrit pour que la personne du métier puisse les reproduire.

Compte tenu de G1/23, la Chambre annule cette décision, la reproductibilité du produit commercial n'étant plus un critère pour l'appartenance à l'état de la technique. Les factures et certificats d'analyse soumis par l'Opposante montrent d'une part que les résines ont été commercialisées avant la date de priorité du brevet et d'autre part qu'elles divulguent les caractéristiques revendiquées.

La requête subsidiaire 2 restreignait la plage de densité à 0,955-0,970 (contre 0,952 pour les résines DMDA).

L'Opposante soutenait que ces résines ne pouvaient constituer un point de départ valable, étant donné que la personne du métier n'était pas capable de les reproduire.

La Chambre fait remarquer que G1/23 (95 et 96) n'exclut pas qu'un produit non reproductible puisse être choisi comme état de la technique le plus proche; cela dépend des circonstances de l'affaire.

D1 et D9 enseigne que les résines DMDA étaient des composition de polyéthylène utilisables en moulage par injection et donnant de bonnes résistances mécaniques. Ceci correspond au domaine technique et aux avantages alléguées par le brevet en cause. Cette information rend donc les résines DMDA comme pertinentes pour la personne du métier.

Même si ces résines n'étaient pas reproductibles, ceci ne constitue pas une raison pour les écarter, car la personne du métier peut modifier des résines commerciales, dans la limite de ces compétences, pour obtenir des propriétés différentes. La personne du métier aurait aussi pu analyser la composition des résines DMDA et essayer de reproduire certaines de leurs propriétés.

Les résines DMDA sont donc un point de départ réaliste.

La Chambre fait en outre remarquer qu'un produit commercial non reproductible, qui peut être utilisé, analysé et modifié, n'est pas comparable à un art antérieur défectueux ou spéculatif.

La question de savoir dans quelle mesure ces résines doivent ou peuvent être modifiées n'est pertinente que pour les étapes suivantes de l'approche problème-solution.

Le problème technique objectif est de fournir une composition de résine alternative. Ainsi, il n'y a pas besoin d'un pointeur particulier vers une augmentation de la densité.

La question pertinente est de savoir si la personne du métier aurait été capable d'identifier les moyens permettant d'aboutir à une composition telle que revendiquée, sans efforts indus. La personne du métier aurait certes su comment augmenter la densité de la résine, mais il n'est pas démontré qu'elle aurait pu maintenir sans difficulté les autres caractéristiques du polymère (MIE, MIF, ER...). 

La Chambre considère qu'il n'a donc pas été prouvé que la personne du métier aurait su comment modifier les résines DMDA afin d'atteindre une résine telle que revendiquée.

La résine de la requête subsidiaire 2 implique donc une activité inventive en partant des résines commerciales DMDA.


Décision T1044/23

jeudi 20 novembre 2025

T1469/24: opposition par un homme de paille

Le brevet en cause était à la fois soumis à une opposition et à une action reconventionnelle en nullité devant une division locale de la JUB.

L'Opposant était un mandataire en brevets européen, et agissait par ailleurs, devant la JUB, en tant que représentant des demandeurs à la nullité et défendeurs de l'action en contrefaçon.

La Titulaire demandait à ce que l'opposition soit rejetée comme irrecevable car l'utilisation d'un homme de paille constituait dans ce cas un contournement abusif de la loi, empêchant de savoir quelle société du groupe attaqué devant la JUB était réellement l'opposante.

La Chambre rappelle que G3/97 a donné deux exemples de contournement abusif de la loi: que l'opposante agisse pour le compte de la titulaire, ou pour contourner les obligations en terme de représentation par des mandataires agréés. Ceci ne s'applique pas au cas d'espèce.

Ces deux exemples ne sont pas exhaustifs. Mais il ressort de G3/97 que l'intérêt économique pour les titulaires de savoir qui attaque le brevet n'est pas protégé par les dispositions législatives de la procédure d'opposition. L'opposition est ouverte à toute personne, qui n'a pas à justifier d'un intérêt à agir.

Une opposition formée par un homme de paille n'est pas nécessairement recevable, mais on ne peut certes pas objecter une opposition simplement parce que l'opposantes agit en tant qu'homme de paille. Par ailleurs, la division d'opposition n'a pas à investiguer d'office sur cette question d'abus de procédure: la charge de la preuve revient à la partie qui prétend que l'opposition serait irrecevable, laquelle doit apporter une preuve claire et convaincante.

 Décision T1469/24

lundi 17 novembre 2025

T2615/22: pas de remise en cause en opposition d'une décision de la section de dépôt sur la restauration du droit de priorité

Dan la présente affaire, la section de dépôt avait fait droit à la requête en restauration du droit de priorité pour la demande parente. 

A l'issue de la procédure de recours dans le cadre de l'opposition contre le brevet parent, la Chambre avait décidé (T1482/21) (1) que la section de dépôt était compétente pour rendre une telle décision, et (2) que cette décision devenait immédiatement définitive, de sorte que la division d'opposition ou la Chambre de recours ayant à décider sur les questions de priorité dans des procédures subséquentes ne pouvaient la remettre en question.

Dans le cadre de la procédure d'opposition contre le brevet issu d'une division de cette demande parente, la même Chambre, dans une composition différente, confirme cette jurisprudence.

La section de dépôt était compétente en application de la règle 10 CBE, et l'examen au dépôt de l'article 90(1) CBE inclut l'examen formel pour l'attribution d'une date de dépôt, étant entendu que selon l'article 89 CBE la date de priorité compte comme date de dépôt dans certaines circonstances et que la déclaration de priorité doit de préférence être faite au moment du dépôt.

La Chambre ne partage pas l'opinion de l'Opposante selon laquelle il n'existerait pas de base légale quant au fait qu'une décision accordant une restauration des droits deviendrait finale et définitive. Si la section de dépôt fait droit à la requête, la demanderesse ne peut former un recours (article 107 CBE); cette décision, contre laquelle aucune partie ne peut former de recours devient donc immédiatement définitive. 

La procédure d'opposition n'est pas conçue pour être le prolongement de la procédure d'examen, de sorte qu'une division d'opposition n'a pas le pouvoir de réviser et d'annuler une décision procédurale prise en examen. L'opposition doit être fondée sur un nombre limité de motifs. Une division d'opposition peut révoquer un brevet ou rejeter une opposition, mais ne peut annuler une décision prise par la division d'examen ou par la section de dépôt. La décision de restauration du droit de priorité ne concerne pas l'examen d'exigences de fond de la CBE qui pourrait former un motif d'opposition. Elle ne concerne qu'une question procédurale qui a été décidée dans une procédure ex parte. Le fait que cette question procédurale puisse avoir un impact sur l'existence du brevet n'est pas pertinent. Il en est de même pour une décision de restauration concernant un délai de paiement de taxes, qui ne peut être révisée en opposition. Le fait de pouvoir réviser à tout moment une décision de la section de dépôt créerait une insécurité juridique considérable.


Décision T2615/22

jeudi 13 novembre 2025

T769/23: pas de "teach away" dans le cas d'une modification non-fonctionnelle

Le procédé de réduction de sons indésirables revendiqué se distinguait de celui de D2 par une caractéristique (e) selon laquelle "l'étape d'atténuation comprend en outre la détermination de l’atténuation de fréquences sélectionnées sur la base de la magnitude ou de la puissance de la différence entre les signaux des microphones gauche et droit, ou d’une valeur dérivée de cette magnitude ou puissance."

La Chambre considère que l'effet technique allégué d'amélioration du rapport signal-sur-bruit n'est pas obtenu de manière crédible sur toute la portée de la revendication. En effet, le simple fait de "déterminer" n'implique pas que la valeur déterminée soit appliquée d'une manière ayant un quelconque effet technique. Cette étape pourrait simplement servir un objectif non-technique, tel que l'enregistrement ou l'affichage d'une valeur à titre informatif, sans impact fonctionnel.

La Chambre reconnaît que dans un tel cas, il est usuel de reformuler le problème technique objectif comme étant de fournir une alternative, ce qu'a fait la division d'opposition. C'est notamment l'approche de T1179/16, selon laquelle la personne du métier prendrait dans ce cas en compte toute alternative connue dans le domaine technique, à moins que l'état de la technique le plus proche ne dissuade explicitement d'y recourir (teach away).

La présente Chambre est toutefois d'avis qu'une telle approche peut conduire à des paradoxes. Le teaching away présuppose en effet une raison technique pour éviter la caractéristique, ce qui n'est pas logique si la caractéristique en elle-même n'a pas d'effet technique. Pour la Chambre une caractéristique dépourvue d'effet technique ne peut faire l'objet d'un teach away

Il convient de faire la distinction entre des alternatives fonctionnelles et des modification non-fonctionnelles. Ce n'est que dans le premier cas que le problème doit être reformulé comme la fourniture d'une alternative. Dans l'autre cas, il faut appliquer l'approche de T1465/23, à savoir directement conclure à l'absence d'activité inventive, sans formuler de problème technique objectif qui serait artificiel.

La caractéristique (e) étant une modification non-fonctionnelle de D2, elle ne peut contribuer à une activité inventive.


Décision T769/23

lundi 10 novembre 2025

T1849/23: où la consultation de la description confère un sens plus large à la revendication

Dans cette décision, la description du brevet est utilisée par la Chambre pour donner à des caractéristiques un sens plus large que le sens littéral, car une interprétation littérale conduirait à exclure la seule mise en œuvre spécifique décrite dans le brevet.

Le dispositif de contrôle de la stabilité et de détection des oscillations d’une remorque revendiqué comprenait (1.3) un capteur de vitesse angulaire positionné et configuré pour mesurer la vitesse de la déflexion angulaire de la remorque (1.3.1) autour d’un point de pivot d’attelage et (1.3.2)  pour générer des signaux correspondants de vitesse de déflexion angulaire de la remorque. 


La Chambre reconnaît, comme le soutient la Titulaire, que lorsque la revendication est lue isolément, les caractéristiques 1.3.1 et 1.3.2 peuvent être interprétées littéralement, de sorte que le capteur de vitesse angulaire mesure la vitesse de l’angle formé par un axe passant par le point de pivot de l’attelage par rapport à un axe de référence.

Cependant, conformément à la décision G 1/24, la description et les dessins doivent toujours être consultés pour interpréter les revendications lors de l’évaluation de la brevetabilité, ce qui implique que l’interprétation des revendications doit prendre en compte à la fois le libellé de la revendication et le contenu de la description.

Or, le brevet divulgue un capteur gyroscopique comme seule mise en œuvre spécifique du capteur de vitesse angulaire revendiqué. Un tel capteur mesure la vitesse de lacet de la remorque, c'est-à-dire la vitesse de l’angle formé par un axe passant par le point de pivot de l’attelage par rapport à un axe de référence, lorsque la vitesse de lacet du véhicule tracteur est nulle ou négligeable (par exemple, lorsque le véhicule tracteur se déplace en ligne droite). 

Par conséquent, lorsqu’on consulte la description, la revendication ne peut être interprétée strictement comme exigeant la mesure de la vitesse de l’angle formé par un axe passant par le point de pivot de l’attelage par rapport à un axe de référence dans toutes les conditions ou mouvements du véhicule tracteur. Elle exige seulement que cette vitesse puisse être mesurée dans certaines conditions, par exemple lorsque la vitesse de lacet du véhicule tracteur est nulle ou négligeable.

Puisque le document D4 divulgue un capteur de vitesse de lacet monté sur la remorque qui mesure la vitesse de la déflexion angulaire autour du point de pivot de l’attelage lorsque le véhicule tracteur roule en ligne droite, il s’ensuit que les caractéristiques 1.3 à 1.3.2 sont connues de D4.


Décision T1849/23

lundi 3 novembre 2025

T883/23: la divulgation directe et non ambigüe de G2/98 n'est qu'une condition nécessaire

La revendication 1 de la requête principale portait sur l'irinotécan liposomal pour une utilisation dans un procédé de traitement du cancer du pancréas, par administration toutes les deux semaines de certaines doses précises de 4 substances, dont 60mg/m² d'irinotécan liposomal et 60mg/m² d'oxaliplatine . 

Le brevet démontre que la double sélection de 60mg/m² d'irinotécan liposomal et de 60mg/m² d'oxaliplatine permet d'obtenir une tolérance au traitement, contrairement à des doses plus élevées.

P1 décrivait en revendications 5 et 8 des doses de 60 ou 80mg/m² pour l'irinotécan liposomal et 60mg/m², 75mg/m² ou 85mg/m² pour l'oxaliplatine. Mais il faut procéder à une double sélection pour aboutir à la combinaison revendiquée.

P1 contenait en outre, dans le cadre d'une étude d’escalade/désescalade de dose, une proposition conditionnelle pour l'utilisation de ces doses, en tant qu'élément d'une étude à réaliser, mais les résultats de l'étude ne sont pas donnés. 

Pour la Chambre, cette proposition conditionnelle ne peut être considérée comme un pointeur vers cette combinaison comme étant la seule à être tolérable.

L'enseignement selon lequel la combinaison revendiquée est la seule à pouvoir être tolérée, à l'inverse des doses plus élevées, ne figure pas dans P1. a tolérance clinique de la combinaison revendiquée n'était révélée que dans la demande ultérieure et la Chambre considère cette tolérance comme une caractéristique fonctionnelle essentielle dans le cadre de l'article 54(5) CBE.

La Chambre fait en outre remarquer que la condition de divulgation directe et non ambiguë de G2/98 est une condition essentielle mais pas suffisante. Par exemple, la jurisprudence exige en outre une suffisance de description de l'invention dans le document de priorité.


Décision T883/23

mardi 28 octobre 2025

T1285/23: la division d'examen n'était pas compétente du fait de l'autorité de la chose jugée

Dans la décision J13/18, la Chambre de recours juridique avait jugé que la présente demande divisionnaire ne pouvait désigner GB comme Etat contractant car la désignation de cet Etat avait été retirée pour la demande parente.

Le déposant avait à nouveau demandé l'ajout de GB comme Etat contractant à la division d'examen, ce que cette dernière, à laquelle un juriste a été ajoutée, avait refusé par décision motivée, après tenue d'une procédure orale.

Le déposant argumentait que la décision J13/18 ne liait pas la division d'examen car sa requête était maintenant basée sur le principe de la bonne foi, que la Chambre juridique n'avait pas pris en compte. 

La Chambre rejette l'argument. La décision J13/18 est finale et ne peut être contestée. Rien dans la CBE ne permet d'annuler des décisions finales sur la base du principe de la bonne foi.

J13/18 a donc autorité de la chose jugée, ce qui constitue un obstacle absolu à toute action ultérieure impliquant la même prétention, demande ou cause d'action. Cet effet porte sur la question de la possibilité de désigner GB et ne peut être limitée par le raisonnement de la Chambre sur lequel la décision se base. 

Le déposant s'appuyait également sur la décision T2194/22, mais cette décision ne concerne pas un cas où la Chambre avait définitivement tranché une requête, puisque la question était de savoir si une division d'opposition pouvait après renvoi examiner au fond une requête qui n'avait pas été admise dans la procédure par une Chambre de recours. En outre, les faits avaient changé puisque de nouvelles objections avaient été soulevées.

La division d'examen n'était donc pas compétente pour décider sur la requête d'ajouter GB, de sorte que la décision est nulle et doit être formellement annulée.

La taxe de recours est en outre remboursée, car en prenant une décision, la division d'examen a donné l'impression au déposant qu'elle était compétente pour statuer ainsi.


Décision T1285/23

 
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