Deux articles récents traitent de la question des priorités multiples, c'est-à-dire de la possibilité pour
une même revendication de bénéficier de dates différentes.
Dans le dernier numéro d'epi information, Malcolm Lawrence consacre un article de 15 pages à ce sujet.
Dans le numéro d'octobre de la revue "Propriété Industrielle", Privat Vigand s'y intéresse également en commentant la décision T1222/11.
Dans son avis G2/98, la Grande Chambre a écrit au point 6.7 des motifs que "l'utilisation d'un terme ou d'une formule générique dans une
revendication pour laquelle des priorités multiples sont revendiquées
conformément à l'article 88(2) CBE, deuxième phrase est parfaitement
acceptable au regard des articles 87(1) et 88(3) CBE, à condition
qu'elle conduise à revendiquer un nombre limité d'objets alternatifs
clairement définis."
On peut facilement déduire de cette affirmation qu'une revendication portant explicitement sur "A ou B" (une revendication de type "OU") peut bénéficier pour l'objet A d'une première priorité P1 divulguant A et pour l'objet B d'une deuxième priorité P2 divulguant B.
Les choses se corsent lorsque la revendication définit un domaine, plus large ou plus restreint que celui défini dans la demande de priorité.
Imaginons par exemple que la demande prioritaire décrive un domaine allant de 0 à 100 tandis que la demande européenne revendique un domaine allant de 0 à 150. Une divulgation intercalaire (parfois la propre demande de priorité s'il s'agit d'une demande européenne) décrit la valeur de 80.
On pourrait être tenté d'appliquer le point 6.7 de G2/98 et de considérer que la revendication peut être lue "0-100 OU >100-150". La première alternative bénéficierait de la priorité et serait immunisée par rapport à la divulgation de 80, tandis que la deuxième alternative ne bénéficierait certes pas de la priorité mais serait au moins nouvelle au regard de cette divulgation.
La jurisprudence dominante ne va toutefois pas dans ce sens, considérant qu'un continuum de valeurs ne peut être considéré comme un "
nombre limité d’objets alternatifs clairement définis" (voir par exemple
T1877/08,
T476/09,
T1127/00). A moins d'avoir prévu dans la demande une position de repli pour le domaine 0-100, la demande peut être perdue.
Un petit nombre de décisions va toutefois à l'encontre de cette approche très stricte (
T665/00,
T1222/11), et interprète différemment le point 6.7, en considérant qu'un continuum peut être par la pensée divisé en un nombre d'alternatives pouvant chacune bénéficier d'une date différente.
La dernière décision prend en particulier en compte les travaux préparatoires, et notamment le Mémorandum M/48/1 de la FICPI (
en ligne sur le site de l'OEB) qui indiquait qu'un domaine 10-25 devrait pouvoir bénéficier pour le sous-domaine 15-20 d'une première priorité. Les sous-domaines 10-15, 15-20, et 20-25 représentent bien un nombre limité d'alternatives clairement définies, même si ces alternatives ne sont pas explicitement spécifiées dans la revendication.
La question reste donc ouverte. Une possibilité lorsqu'un domaine est élargi par rapport au domaine décrit dans la priorité serait d'individualiser explicitement les différentes alternatives dans la revendication, mais on peut imaginer qu'une revendication principale du type "10-15 ou 15-20 ou 20-25" pourrait s'attirer quelques objections de clarté ou de concision.