Je vais consacrer trois billets à cette décision intéressante à plusieurs aspects. Parlons aujourd'hui de nouveauté au regard d'un usage antérieur.
Le brevet en cause avait pour objet une poudre de résine PVDF pour un moulage par fusion caractérisée par sa distribution granulométrique particulière, sa masse volumique apparente et un angle de repos d'au plus 35°. L'angle de repos était déterminé selon un procédé décrit dans le brevet, utilisant un appareil de mesure de densité apparente décrit dans une norme japonaise.
L'Opposante faisait valoir un usage antérieur, en l'occurrence des poudres qu'elle avait vendues en 1993 et 2003.
La Chambre rappelle que selon l'avis G1/92, la composition chimique d'un produit fait partie de l'état de la technique dès lors que ce produit en tant que tel est accessible au public et qu'il peut être analysé et reproduit par la personne du métier, indépendamment de la question de savoir s'il est possible de déceler des raisons particulières pour analyser cette composition. Comme indiqué au point 1.4 de cet avis, si la personne du métier parvient à découvrir la composition ou la structure interne du produit et à la reproduire sans difficulté excessive, alors le produit et sa composition ou sa structure interne sont compris dans l'état de la technique.
Pour la Chambre, l'angle de repos est une propriété dépendant de la structure de la poudre mais pas une caractéristique de structure. Il s'agit donc d'une caractéristique extrinsèque (au sens du point 3 de l'avis G1/92) n'apparaissant que lorsqu'il y a interaction entre le produit et des conditions externes spécifiquement choisies. L'angle de repos ne peut donc être considéré comme ayant été divulgué par les ventes.
S'agissant de la structure interne, la Chambre note que les essais fournis ne contiennent que les informations relatives aux caractéristiques de la revendication 1, et ne décrivent pas complètement la distribution granulométrique, ni encore moins, à plus petite échelle, la structure du polymère (distribution de poids moléculaire, configuration des chaînes...).
La Chambre considère que les informations données ne sont pas suffisantes pour caractériser la structure interne des poudres vendues, et ne peuvent démontrer que la personne du métier aurait été capable de déterminer la structure interne du produit.
[NDLR: ce point est intéressant car on comprend ici que la Chambre exige que la personne du métier puisse déterminer l'intégralité de la structure d'un produit antérieur, donc y compris des caractéristiques ne figurant pas dans les revendications du brevet attaqué]
Enfin, l'Opposante n'a pas non plus convaincu la Chambre que la personne du métier aurait été en mesure de reproduire les poudres sans difficulté excessive. La structure complexe d'une poudre spécifique dépend des nombreuses conditions utilisées pour sa synthèse.
La Chambre considère en conclusion que la personne du métier n'aurait pas été en mesure, sans difficulté excessive, de déterminer la structure interne des poudres connues et de reproduire ces dernières.
Décision T1666/16
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lundi 20 avril 2020
T1666/16: analyse et reproduction d'un usage antérieur
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4 comments:
Je trouve cet avis G1/92 et toutes ces jurisprudences qui suivent totalement contraires à la lettre et à l'esprit de l'article 54 CBE.
L'article 54 demande juste que le produit antérieur soit accessible au public, pas que le public sache l'analyser en long/en large et sache facilement le reproduire à l'identique.
Un produit en vente est accessible au public.
On arrive ainsi à des situations totalement aberrantes où un tiers un peu malin analyse vos produits, les brevette et vient ensuite vous empêcher de les vendre, sous prétexte que vous n'avez pas divulgué son procédé de fabrication et l'intégralité de sa structure et composition.
C'est dans une telle situation que l'absence d'une instance de révision quant au fond des décisions des chambres de recours se fait cruellement sentir.
Il s'agit pour moi d'une interprétation très spécieuse de G 1/92. Pourquoi faut-il "que l'homme du métier puisse déterminer l'intégralité de la structure d'un produit antérieur, donc y compris des caractéristiques ne figurant pas dans les revendications du brevet attaqué". G 1/92 ne va pas jusque-là!
Ce n'est que si une autre CR devait prendre une décision contraire à celle-ci que la GCR pourrait être à nouveau saisie. Mais si une autre CR entonne le même refrain, il sera possible de dire "il est de jurisprudence constante"....
La possibilité prévue par la CBE 2000 d'une saisine pour raisons de procédure est notoirement insuffisante, car tout le volet "substance" est ignoré. La GCR a clairement étouffé dans l’œuf toute velléité de parler du fond dans les procédures selon l'Art 112a.
Ce manque d'instance de révision se fera également cruellement sentir lors de l'appréciation de la discrétion par les CR. Si les CR peuvent se permettre de juger de la façon dont les divisions de première instance appliquent leur pouvoir discrétionnaire, quelle instance va juger si les CR ont appliqué leur pouvoir discrétionnaire à bon escient? À 3 025 € la question, et même pour 2 705 € c'est un peu cher!
Cette décision est l'œuvre du démon. J'y vois sa signature.
Ah oui 666, excellent :-)
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