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mercredi 28 mai 2025

T428/23: l'incitation ne doit pas se trouver dans l'état de la technique le plus proche

La clôture revendiquée se distinguait de celle de D16 en ce que certaines section métalliques étaient faites d'un acier Corten. Le problème technique objectif était d'améliorer la résistance à la corrosion de la clôture. 

La division d'opposition avait trouvé que la solution impliquait une activité inventive car D16 n'incitait pas la personne du métier à modifier la clôture pour améliorer sa résistance à la corrosion. Plusieurs matériaux étaient cités, donc certains ont déjà une bonne résistance à la corrosion. Tout changement de matériau relevait d'une approche a posteriori.

Pour la Chambre, la personne du métier partant de D16 cherchant à améliorer la résistance à la corrosion n'aurait pas été dissuadée de chercher d'autres matériaux pour la seule raison que D16 en décrit déjà plusieurs, et le fait que certains des matériaux de D16 aient déjà de bonne propriétés anti-corrosion n'enseigne pas à la personne du métier qu'il s'agit des seuls matériaux utilisables dans le contexte de D16. 

La Chambre rappelle qu'il est erroné de considérer que l'état de la technique le plus proche doive fournir une incitation à le modifier pour justifier l'absence d'activité inventive. L'incitation se trouve généralement dans le deuxième document, que la personne du métier consulte pour résoudre le problème technique objectif. Une telle incitation est ce qui distingue la solution évidente (would) de la solution rétrospective (could).

Les propriétés anticorrosives de l'acier Corten faisaient partie des connaissances générales et constituaient une motivation à utiliser ce matériau pour améliorer la résistance à la corrosion. Une telle approche ne souffre d'aucun a posteriori.

Par ailleurs, la Titulaire n'a pas démontré qu'il existait un préjugé général contre l'utilisation de cet acier dans le contexte de D16. D7 enseigne au contraire l'utilisation d'acier Corten pour des éléments tubulaires comparables à ceux présents dans D16.

Décision T428/23

lundi 26 mai 2025

T1398/23: requête déposée le jour de la procédure orale en réponse à une nouvelle objection déposée deux mois avant

Le dernier jour fixé selon la règle 116(1) CBE, soit 2 mois avant la procédure orale devant la division d'opposition, l'Opposante avait soulevé une nouvelle objection de défaut de nouveauté au vu de D2, document utilisé jusque là comme document secondaire dans une attaque d'activité inventive. 

Le jour de la procédure orale, la division d'opposition avait été convaincue par cet argument, et la Titulaire avait alors déposé une nouvelle requête subsidiaire 2, que la division d'opposition n'avait pas admis dans la procédure. La division d'opposition faisait notamment remarquer que la requête subsidiaire 2 avait la même revendication 1 que la requête subsidiaire 14 précédemment déposée (mais dans cette dernière les autres revendications indépendantes avaient été supprimées).

La Chambre estime que la division d'opposition n'a pas correctement exercé son pouvoir d'appréciation.

En partant des faits pertinents en l'espèce, à savoir la nouvelle objection soumise le dernier jour possible et l'admission de cette nouvelle objection le jour de la procédure orale, le dépôt d'une nouvelle requête subsidiaire au cours de la procédure orale devait être considéré comme une réaction opportune et appropriée. Dans ce cas, l'admission de la nouvelle requête subsidiaire 2 ne relevait pas du pouvoir discrétionnaire de la division d'opposition, et la requête subsidiaire 2 devait être admise.

Ceci est d'ailleurs conforme aux Directives E-VI 2.2.2: lorsque les modifications ont été déposées en temps utile en raison d'un changement intervenu dans les faits de la cause, la division d'opposition n'est pas libre de ne pas tenir compte des modifications.

La requête subsidiaire 14 avait été déposée avant même d'avoir connaissance de la nouvelle objection, et ne pouvait donc être considérée comme une tentative de remédier à cette objection. Le droit de la Titulaire de répondre à une nouvelle objection par un nouveau jeu de revendications ne pouvait être épuisé par ce jeu de revendications qui se trouvait dans la procédure avant la dépôt de l'objection.


Décision T1398/23 (en langue allemande)

jeudi 22 mai 2025

T2108/22: alternatives et règle 80

La revendication 1 de la requête examinée contenait deux alternatives, une alternative A correspondant à la quatrième alternative de la revendication 6 telle que délivrée avec la revendication 3, et une alternative B basée sur la combinaison de la revendication 8 et d'un passage de la description.

La division d'opposition n'avait pas admis cette requête dans la procédure pour contrariété à la règle 80 CBE. La Chambre examine donc si elle peut admettre cette requête en recours en application de l'article 12(6) RPCR. 

Une revendication indépendantes comprenant deux alternatives équivaut à deux revendications indépendantes. Selon la jurisprudence, des modifications respectent la règle 80 CBE si elles sont "pertinentes et nécessaires", ou encore "appropriées et nécessaires", si elles servent à éviter la révocation du brevet, ou encore si elles peuvent être considérées comme une tentative sérieuse de réponse à un motif d'opposition.

Il ne fait pas de doute que chaque alternative est conforme à la règle 80 CBE, puisque chacune entend limiter la portée de la revendication et répondre à une objection de défaut de nouveauté.  En revanche, le fait de présenter deux alternatives est une modification supplémentaire, qui ne satisfait aucune des exigences de la jurisprudence. 

L'ajout d'une seule des alternatives était déjà une réponse suffisante à l'objection de nouveauté. L'ajout de l'alternative B n'est ni pertinent ni nécessaire. Il n'est pas motivé par un motif d'opposition mais par le souhait d'obtenir la protection la plus large possible. L'ajout d'une deuxième alternative conduit à complexifier la procédure, ce qui va à l'encontre des intérêts de l'opposante. Or les intérêts des deux parties doivent être mis en balance. 

La Chambre, tenant compte, d'une part, du fait que l'ajout d'une ou plusieurs revendications indépendantes n'est pas expressément autorisé par la règle 80 CBE, mais que la multiplication de revendications intrinsèquement indépendantes constitue une modification qui n'est ni pertinente ni nécessaire, contrairement à la règle 80 CBE, et, d'autre part, mettant en balance les intérêts contradictoires des parties, conclut que la revendication 1 avec deux alternatives est contraire à la règle 80 CBE.

Il existe effectivement des décisions ayant admis l'ajout de plusieurs revendications indépendantes (voir par exemple ici), mais il ressort de ces décisions que la conformité à la règle 80 CBE est à examiner au cas par cas.

La Chambre ne voit donc pas d'erreur dans l'exercice d'appréciation de la division d'opposition, et n'admet donc pas la requête dans la procédure de recours.

Décision T2108/22 (en langue allemande)

NDLR: la requête en question ayant été déposée avant la date limite selon la règle 116(2) CBE, elle n'était pas tardive, et il est surprenant qu'elle n'ait pas été admise dans la procédure sur le fondement de la règle 80 CBE. La règle 80 CBE est en effet une disposition de fond (T256/19). Une requête tardive peut ne pas être admise dans la procédure du fait qu'elle serait prima facie contraire à la règle 80 CBE, mais une requête soumise en temps utile devrait être admise dans la procédure, la décision sur la règle 80 CBE étant alors une décision sur le fond et non une décision discrétionnaire quant à la recevabilité de la requête.

lundi 19 mai 2025

T1193/23: ChatGPT n'est pas la personne du métier

La Titulaire avait demandé à ChatGPT d'interpréter plusieurs termes de la revendication 1. 

La Chambre considère que l'avis de ChatGPT n'est pas pertinent: c'est celui de la personne du métier dans le domaine considéré qui doit être pris en compte. 

La généralisation et l'utilisation croissante de chatbots basés sur des modèles linguistiques (LLM) et/ou sur l'« intelligence artificielle » ne justifient pas à elles seules l'hypothèse selon laquelle une réponse obtenue - qui repose sur des données d'apprentissage inconnues de l'utilisateur et peut en outre dépendre sensiblement du contexte et de la formulation précise de la ou des questions - reflète nécessairement correctement la compréhension de la personne du métier dans le domaine technique concerné (au moment pertinent).

La même conclusion a été tirée par une autre Chambre dans la décision T206/22, dans laquelle on trouve le considérant suivant :

Mis à part le fait qu'un tel chatbot ne saurait être assimilé à l'homme du métier, qui est un spécialiste d'un domaine technique bien défini, l'information utilisée par le chatbot pour déterminer son interprétation se fonde, du moins en principe, sur toute l'information qui est à sa dispo­sition, y compris des documents publiés bien après la date de priorité du brevet. Il ne s'agit donc pas d'une interprétation qui correspond nécessairement à ce que l'homme du métier aurait compris à la date de priorité.


Décision T1193/21 (en langue allemande)

jeudi 15 mai 2025

T298/22: combinaison de caractéristiques

La question était de savoir si la combinaison des caractéristiques 1.6 et 1.7b constituait une extension de l'objet au-delà de la demande telle que déposée.

La caractéristique 1.7a figurait en revendication 7 de la demande telle que déposée et dans le mode de réalisation des figures 1, 2 et 6. La caractéristique 1.7b provenait quant à elle des revendications 12 et 13 d'origine et était représentée dans le mode de réalisation des figures 12-16. Les deux caractéristiques 1.7a et 1.7b s'excluaient mutuellement, car le boîtier profilé 24 ne peut pas s'appuyer directement sur le rail 12 et en même temps être espacé par une entretoise 68.


Or la caractéristique 1.6 n'était enseignée en page 9 de la demande qu'en lien avec l'exemple de réalisation des figures 1-11, et pas avec celui de l'exemple des figures 12-16.

La Titulaire argumentait qu'en lisant d'autres parties de la description la personne du métier comprendrait implicitement que le passage de la page 9 s'appliquait aussi au mode de réalisation des figures 12-16.

La Chambre n'est pas de cet avis. Elle rappelle que pour déterminer si une combinaison de caractéristiques a été divulguée à l'origine, la norme de référence (gold standard) n'exige pas que la combinaison des caractéristiques puisse éventuellement être déduite de la description par la personne du métier ou que cette dernière puisse déduire la combinaison revendiquée à partir d'exécutions possibles de la divulgation, mais que la combinaison soit divulguée directement et sans équivoque. 

Les parties de la description citées par la Titulaire portent sur une caractéristique qui peut certes être satisfaite par la caractéristique 1.6, mais d'autres possibilités existent. La combinaison n'est donc pas décrite, ni directement ni sans équivoque.

Décision T298/22 (en langue allemande)

lundi 12 mai 2025

T617/20: requête en répartition des frais soumise après la fin du recours

La Titulaire et seule requérante avait retiré son recours 9 jours avant la procédure orale qui devait se tenir à Munich. 

L'Opposante 3, qui avait prévu de déplacer 7 personnes (deux mandataires, un mandataire en formation et quatre experts techniques venant de Chine) a alors demandé une répartition des frais en sa faveur, pour un montant total de 11k€.

Pour la Chambre, la requête en répartition des frais n'est pas irrecevable pour la seule raison qu'elle a été formée après la fin de la procédure de recours (contrairement à T1556/14, qui considérait qu'une telle requête n'était recevable que s'il n'était pas possible de la former avant la fin du recours). Une telle requête peut ouvrir une procédure auxiliaire pour trancher des questions découlant de la procédure de recours initiale, sans rouvrir la procédure au fond (R3/22T695/18). En outre la question de la répartition des frais est totalement déconnectée de l'issue du recours au fond.

La Chambre considère toutefois qu'une telle requête doit être formée dans un temps raisonnable. Si elle est formée dans un délai de 2 mois (qui est le délai standard selon la règle 132 CBE, et aussi celui de la règle 136(1) CBE, qui ouvre lui aussi une nouvelle procédure), elle devrait être recevable.

La requête en répartition des frais, soumise 1 mois après la fin de la procédure de recours, est donc recevable.

Elle est en revanche rejetée. Le simple fait que l'Opposante 3 aurait pu éviter certains coûts n'établit pas immédiatement que la Titulaire a agi de mauvaise foi à cet égard et devrait donc être tenue financièrement responsable. L'exercice des droits procéduraux, en particulier le droit de retirer le recours, ne constitue pas en soi un comportement coupable, à moins qu'il y ait des preuves d'un préjudice intentionnel. Une partie n'a pas l'obligation formelle de prendre des mesures plus actives dans le seul but d'éviter des coûts déjà prévus par les autres parties. Tout au plus, les parties doivent s'efforcer d'éviter des coûts supplémentaires. La reconnaissance d'une telle obligation formelle imposerait une charge irréaliste aux parties à la procédure devant l'OEB. 


Décision T617/20

mercredi 7 mai 2025

T602/24: les caractéristiques essentielles sont celles que la demanderesse considère comme essentielles pour sa protection

La requête principale avait été rejetée par la division d'examen sur le fondement de l'article 84 CBE car elle ne contenait pas toutes les caractéristiques essentielles pour atteindre la Tg de plus de 60°C revendiquée. La division d'examen faisait à ce titre remarquer qu'une composition exemplifiée dans D16 possédait toutes les caractéristiques structurelles revendiquées mais ne possédait pas une Tg supérieure à 60°C.

Contrairement à toute une ligne de jurisprudence selon laquelle l'article 84 CBE exigerait que toutes les caractéristiques essentielles pour résoudre le problème technique sous-jacent à la demande figurent dans la revendication principale, la présente Chambre considère que l'article 84 CBE et la règle 43 CBE ne portent que sur la forme des revendications

La référence aux "caractéristiques essentielles" dans la règle 43(3) CBE n'est donc qu'une question de forme. 

L'objet des revendications étant de définir l'objet de la protection demandée, les "caractéristiques essentielles" sont celles que la demanderesse considère comme essentielles pour sa protection, et non celles que la division d'examen considère comme suffisantes pour satisfaire aux exigences de fond. 

En outre il ressort des travaux préparatoires (aussi bien de la CBE 1973 que de la CBE 2000) qu'une portée "trop large" ne constitue pas une base pour une objection au titre de l'article 84 CBE en ce qui concerne les considérations de fond.

La Chambre considère que l'objection relevait plutôt de l'article 83 CBE, mais juge que les exigences de cet article sont respectées. 

Décision T602/24 (en langue allemande)

lundi 5 mai 2025

T1544/22: un développement détaillé d'arguments déjà présentés ne constitue pas une modification des moyens

La Titulaire avait envoyé, deux jours avant la procédure orale, des arguments très détaillés, illustrés par des figures, en soutien de l'activité inventive de la requête subsidiaire 2. 

L'Opposante demandait à ce que ces arguments ne soient pas admis dans la procédure, notamment car ils nécessiteraient l'avis d'un expert technique, ce qui n'était pas possible compte tenu du peu de temps avant la procédure orale, et car aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait leur dépôt à un stade aussi tardif.

La Titulaire répliquait que ces arguments venaient en réponse à l'opinion provisoire de la Chambre, et n'étaient qu'une version plus détaillée d'arguments déjà présentés plus tôt dans la procédure.

La Chambre est d'accord avec l'Opposante sur le fait que son opinion, et le fait qu'elle soit différente de celle contenue dans la décision attaquée, ne constituent pas un développement imprévisible de la procédure et ne constitue pas une circonstance exceptionnelle.

Elle considère toutefois que les nouvelles soumissions ne constituent pas un "fresh case".

La partie portant sur la requête subsidiaire 2 (pages 3 à 24) explique en détail un effet technique qui figurait à plusieurs reprises dans la réponse de la Titulaire, et ces questions ont été (certes brièvement) prises en compte dans la décision attaquée.  

Le courrier déposé tardivement ne fait donc que développer plus en détail ces arguments, et la Chambre considère qu'une telle précision des arguments précédemment, présentés, qui illustre davantage la position d'une partie doit être admise, en particulier lorsque, comme en l'espèce, la précision des arguments concerne des points sur lesquels l'avis préliminaire de la Chambre diffère de la décision attaquée. Dans le cas contraire, les parties ne pourraient que répéter leurs arguments avancés dans le mémoire exposant les motifs du recours et dans le mémoire en réponse.

En particulier, la procédure orale, à laquelle les parties ont un droit absolu en vertu de l'article 116 CBE, ne servirait à rien si de telles précisions n'étaient pas autorisées (T 247/20). 

Les arguments présentés dans le courrier tardif ne constituent donc pas une modification de moyens au sens de l'article 13 RPCR. 

La Chambre est d'accord avec l'Opposante sur le fait que présenter des arguments aussi détaillés à un stade aussi tardif place l'Opposante dans une position inutilement défavorable. En conséquence, elle a proposé à l'Opposante de requérir un report de la procédure orale, offre que l'Opposante a toutefois déclinée. 


Décision T1544/22

 
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