Cette décision est à ma connaissance la première dans laquelle la JUB se penche sur la brevetabilité et la contrefaçon d'un brevet de deuxième application thérapeutique.
Le brevet EP3536712 concerne une composition pharmaceutique particulière pour la réduction du taux de lipoprotéines (a) chez un certain type de patients (diagnostiqués ou identifiés comme à risque de développer des maladies cardiovasculaires ou des maladies occlusives thrombotiques, ayant un taux de Lp(a) sérique supérieur à 30mg/dL, et ne suivant pas un régime de statine).
Les juges considèrent qu'une nouvelle utilisation thérapeutique au sens de l'article 54(4) CBE peut aussi bien être une nouvelle indication, comme une maladie non encore traitée par la substance revendiquée, qu'une indication pour un nouveau groupe de patients. Afin de bénéficier de la "nouveauté fictive" de l'article 54(5) CBE, les revendications doivent se rapporter à une utilisation spécifique dans une méthode selon l'article 53c) CBE. La seule raison pour laquelle de telles revendications peuvent faire l'objet d'un brevet est la nouveauté (et l'activité inventive) de cette nouvelle utilisation.
En l'espèce, la réduction du taux de Lp(a) est considérée comme un "traitement thérapeutique", ce terme incluant l'atténuation ou la prévention d'un état pathologique, et pas nécessairement sa guérison complète. La composition était connue pour traiter le risque de maladies cardiovasculaires, mais en réduisant le taux de LDL, pas en réduisant le taux de Lp(a), et encore moins pour le type de patients visés.
Concernant l'activité inventive, le tribunal est d'avis qu'il doit exister une justification quant à la question de savoir si un document serait considéré par la personne du métier comme un point de départ réaliste. Dans le cas d'espèce un document BP19 est considéré comme un point de départ réaliste car il évalue des traitements destinés à réduire le taux de Lp(a).
En termes de contrefaçon, le contrefacteur présumé doit offrir ou mettre le produit médical sur le marché de manière à ce qu'il conduise ou puisse conduire à l'utilisation thérapeutique revendiquée, et ce, en sachant ou en étant raisonnablement censé savoir que c'est le cas.
Dans le cas d'espèce, en tant qu'élément objectif, il doit exister soit une prescription visant à abaisser les niveaux de Lp(a), soit des circonstances montrant qu'une telle utilisation peut être prévue. De plus, en tant qu'élément subjectif, le contrefacteur doit le savoir ou aurait raisonnablement dû le savoir.
En outre, les exigences d'un tel comportement ne peuvent être définies de manière abstraite, mais nécessitent une analyse de tous les faits et circonstances pertinents, par exemple le marché pertinent, la part de marché de l'utilisation revendiquée, ou encore les actions que le prétendu contrefacteur a prises, soit positivement, en encourageant l'utilisation revendiquée, soit négativement, en prenant des mesures pour empêcher le produit d'être utilisé selon le brevet.
En l'espèce, les juges ne sont pas convaincus que la mise sur le marché du "Repatha" conduit, ou pourrait conduire, à l'utilisation revendiquée. Selon le résumé des caractéristiques du produit (RCP), le médicament est approuvé pour abaisser le LDL-C et traiter l'hyperlipidémie mixte. Il y est aussi fait mention d'une diminution des taux de Lp(a), mais pas en lien avec des essais cliniques. Les médecins peuvent certes prendre note de cette information, mais leur décision de prescription sera basée sur les indications thérapeutiques pour lesquelles le médicament est approuvé.
Décision UPC_CFI_505/2024 du 13/5/2025