Cette décision clôt l'affaire dans laquelle la Grande Chambre avait été saisie sur la question de la possibilité de prendre en compte un effet technique démontré par des preuves post-publiées (G2/21).
D'un point de vue procédural, la Chambre décide qu'elle est liée par les conclusions déjà contenues dans la décision de saisine. La procédure donc limitée à l'application de la décision G2/21 et à toutes autres questions non traitées dans la décision de saisine, et les points préalablement traités ne sont pas rediscutés.
Sur la question de l'interprétation de G2/21, la Chambre considère que les brevetés ne peuvent invoquer des effets techniques à volonté. Une demande de brevet ne saurait protéger des inventions spéculatives réalisées seulement après la date de dépôt.
Selon G2/21, un effet technique peut être invoqué pour justifier l'activité inventive si la personne du métier, ayant en tête les connaissances générales et se fondant sur la demande telle que déposée, déduirait cet effet comme "(i) étant englobé dans l'enseignement technique et (ii) faisant partie de la même invention initialement divulguée". Il n'est pas question ici de plausibilité.
Pour la Chambre, "enseignement technique" et "invention initialement divulguée" doivent avoir le même sens: l'enseignement technique le plus large contenu dans la demande telle qu'elle a été déposée, en ce qui concerne l'objet revendiqué.
S'agissant du critère (i), l'effet technique n'a pas à être divulgué de manière littérale, il suffit qu'une personne du métier lisant la demande en ayant les connaissances générales à l'esprit reconnaisse cet effet comme nécessairement pertinent pour l'objet revendiqué.
Concernant le critère (ii), la question est de savoir si une personne du métier aurait des raisons légitimes de douter, à la lecture de la demande, que l'effet technique allégué est obtenu par l'objet revendiqué. Une preuve expérimentale n'est pas nécessaire ni même, comme pour le critère (i) une divulgation textuelle (divulgation verbale positive). Le critère (ii) ne correspond pas au "gold standard" de l'article 123(2) CBE. La Chambre choisit donc le critère de non-plausibilité ab initio.
Dans le cas d'espèce, l'effet technique allégué était une activité synergétique contre la pyrale du riz, pour une composition spécifique. Cet effet était prouvé par le document post-publié D21.
Il ressort de l'enseignement le plus large de la demande que la combinaison de deux composés peut résulter en un effet synergétique contre les insectes. L'effet technique allégué est englobé dans cet enseignement technique car les composés revendiqués sont des sous-familles et que la pyrale du riz est un insecte. Le critère (i) est donc rempli.
S'agissant du critère (ii), l'Opposante argumentait que la demande ne contenait aucune preuve expérimentale de l'effet allégué. Un seul exemple concernait la pyrale du riz, mais les composés n'étaient pas ceux maintenant revendiqués. La Chambre considère toutefois que compte tenu des similitudes de structure avec les composés revendiqués, une personne du métier n'aurait pas de raisons légitimes de douter du fait que l'effet synergétique serait conservé en remplaçant le composé de l'exemple par celui revendiqué. Il y aurait des raisons de douter si l'effet allégué était inconciliable avec les connaissances générales mais l'Opposante n'a rien prouvé à cet égard. On ne pouvait exiger de la Titulaire qu'elle fournisse au dépôt la preuve de la synergie pour toutes les combinaisons possibles contre tous les insectes possibles. Le brevet contient 8 combinaisons, testées contre 3 insectes différents.
La Titulaire est donc admise à se baser sur l'effet technique allégué.
1 comments:
T 116/18 appelle les commentaires suivants :
Je me permets d’attirer votre attention sur T 758/21, qui a été commentée dans un autre blog.
Bien que la GCR ait limité sa décision sur l’AI, T 758/21 applique G 2/21 également à la suffisance d’exposé, en sus de son application à l’AI. Ce n'est pas une surprise puisque les deux sont liés.
Si un effet n'est pas revendiqué, mais ne peut être obtenu, l'objection porte sur l'absence d'AI.
Si un effet est revendiqué, mais ne peut être obtenu, l'objection porte sur le manque de suffisance de l’exposé.
La GCR n'ayant pas aimé le terme "plausibilité", le nouveau mot est "crédibilité". Quel est le gain ?
T 681/21, également commentée dans un autre blog, indique clairement qu'un effet synergique ne peut être revendiqué ultérieurement, alors que rien n'a jamais été dit à propos d'un tel effet synergique...
Selon T 116/18, il suffit de divulguer n'importe quel type de synergie dans la demande telle qu'elle a été déposée, afin d'appliquer ultérieurement cet effet à une synergie qui n'a jamais été divulguée à l'origine.
Cela revient à dire qu'une fois qu'un concept général (synergie) a été utilisé dans la divulgation initiale, toute utilisation spécifique de ce concept (synergie pour les mites) relevant de la définition générale, mais non divulgué (car il concerne d'autres mites) peut être utilisé ultérieurement, même si cette synergie n'a pas été divulguée à l'origine.
J'aurais été prêt à accepter qu'en présence de résultats contradictoires des données expérimentales post-publiées du titulaire et de l'opposant, le bénéfice du doute revienne au titulaire. Voir T 72/04, T 808/05 ou T 1598/15.
En l'espèce, la comparaison était entre des pommes et des poires, et je ne suis pas convaincu que la décision T 116/18 soit correcte.
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