Les requêtes subsidiaires correspondaient à celles déposées en première instance, 2 mois avant la procédure orale, donc à la date butoir fixée selon la règle 116(1) CBE.
La division d'opposition ayant rejeté l'opposition, ces requêtes n'avaient pas fait l'objet de la décision, de sorte qu'elles ne respectaient pas le critère de l'article 12(2) RPCR (les moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours doivent porter sur les requêtes, les faits, les objections, les arguments et les preuves sur lesquels la décision attaquée était fondée). Selon l'article 12(4) RPCR toutefois, des moyens valablement soulevés et maintenus en première instance ne constituent pas une modification des moyens.
La question était donc de savoir si ces requêtes avaient été valablement déposées en première instance. Autrement dit, la Chambre doit décider si la division d'opposition aurait dû admettre ces requêtes dans la procédure, dans le cas où une décision sur la recevabilité aurait été nécessaire.
Les requêtes subsidiaires 5, 6 et 16 correspondaient à des requêtes déposées dans le délai de réponse au mémoire d'opposition (règle 79(1) CBE). Dans ce cas, ces requêtes devraient être admises, sauf cas très exceptionnels (par exemple un nombre déraisonnable de requêtes divergentes). La Chambre est ici en désaccord avec les Directives E-VI 2.1, pour lesquelles des requêtes déposées en réponse au mémoire d'opposition ne peuvent jamais être considérées comme tardives. La règle 81(3) et la règle 79(1) CBE mentionnent la possibilité de modifier, s'il y a lieu, le brevet, et donnent donc un pouvoir discrétionnaire à la division d'opposition.
S'agissant des requêtes déposées avant la date limite selon la règle 116(1) CBE, les Directives E-VI 2.2.2 considèrent qu'en règle générale elles ne peuvent pas être considérées comme déposées tardivement. La Chambre considère toutefois que leur admission n'est pas automatique.
Dans le cas d'espèce, la Chambre ne voit pas de raisons pour lesquelles ces requêtes n'ont pas été déposées plus tôt, surtout compte tenu du fait que l'opinion provisoire était en faveur de la Titulaire et que l'Opposante n'avait pas soumis de nouveaux arguments. L'objet de la procédure n'avait donc pas changé. Ces requêtes ont donc été déposées tardivement.
La Chambre souligne toutefois que les procédures devant les divisions d'opposition ont un caractère administratif. Un art antérieur très pertinent à première vue doit par exemple être admis dans la procédure même si déposé très tardivement, contrairement aux procédures de recours. De même, un breveté doit pouvoir défendre convenablement son brevet en redéfinissant ses positions de repli même à un stade avancé.
La Chambre passe en revue les critères possibles pour décider de la recevabilité.
Le défaut d'admissibilité manifeste est un critère mais la Chambre note à cet égard que selon les Directives H-II 2.7.1 ce critère ne s'applique que pour les requêtes déposées après la date butoir de la règle 116(2) CBE. La Chambre considère donc que ce critère ne peut à lui seul être décisif.
La possibilité pour l'Opposante de traiter les modifications est aussi un critère possible, mais d'une part les Directives considèrent aussi que ce critère ne s'applique qu'aux requêtes déposées après la date butoir et d'autre part une durée de 2 mois est suffisante. L'Opposante aurait dû demander un report de la procédure orale si elle avait considéré manquer de temps pour étudier ces requêtes.
D'autres critères sont possibles, par exemple la complexité des modifications, l'économie de la procédure (notamment la divergence des requêtes et leur aptitude à répondre à toutes les objections sans en soulever de nouvelles), ou encore la question de savoir si les requêtes sont motivées, critères souvent utilisés en recours, mais qui pourraient l'être aussi en première instance. La Chambre souligne toutefois que ces critères devraient être utilisés de manière plus souple qu'en recours. En particulier les critères de l'article 13(1) RPCR, qui s'appliquent à un stade avancé du recours, ne sauraient s'appliquer aussi strictement en procédure d'opposition.
L'Opposante pointait le manque de motivation et la divergence des revendications. La divergence était toutefois justifiée par la présence de trois attaques d'activité inventive. En outre les modifications étaient essentiellement basées sur des combinaisons de revendications dépendantes. Même si l'opinion était favorable à la Titulaire, la dépôt de ces requêtes subsidiaires constituait pour la Chambre une redéfinition des positions de repli possibles pour se défendre contre un possible changement d'avis de la division d'opposition pendant la procédure orale.
Les requêtes subsidiaires ont donc été valablement déposées en première instance.
7 comments:
Cette décision a été commentée sur un autre blog.
Elle est pour le moins étonnante.
Si la DO rejette l'opposition, elle n'a aucune raison de se préoccuper des requêtes auxiliaires (RA). Dans ce cas, forcer une DO de prendre une décision sur la recevabilité de ces RA n’a aucun sens.
Ce n’est pas du fait du titulaire que ces RA n’ont pas été reçues ou examinées par la DO. Si l’on suit le raisonnement de la CR, cela voudrait dire que si la RA1 est recevable et brevetable, celle-ci devrait aussi vérifier la recevabilité des autres RA qui ont été déposées mais dont il n’a pas été nécessaire de s’occuper. Qui dit mieux?
Que le titulaire présente à nouveau ces RA en réponse au recours de l’opposant, tombe sous le sens. S’il ne le faisait pas, la CR pourrait très vite lui dire qu’il s’agit de nouvelles requêtes et qu’il aurait fallu les déposer devant la DO.
Prétendre, comme le fait la CR, que ces requêtes ne font pas partie de la décision relève d'un formalisme des plus étriqués. Quoique le titulaire fasse, il aura tort. Le but est clair: déquiller le plus de requêtes en amont. La production des CR n'en sera que meilleure.
Toute requête soumise par le titulaire dans le délai selon la R 116(1) doit être recevable pour autant qu'elle soit correctement argumentée et ne contrevienne pas à la R 80.
Il n'existe pas de R 137(3) en opposition !
En matière de procédure les CR font de plus en plus fort. Pas pour le bien des usagers.
Le pire dans ce cas, est que la CR a néanmoins admis ces RA et a décidé que, tant le brevet que toutes ces RA, qui ne faisaient pas partie de la décision révisée, cf. Art 12(2) RPBA, n’étaient pas brevetables. Comme « logique » difficile de faire mieux.
Tout à fait d'accord avec le commentaire ci dessus : on a l'impression que cette CR fait tout pour ne rien avoir à étudier. Cette décision jette un doute terrible sur ce qui fait partie de la 1ère instance.
Le breveté a du avoir des sueurs froides lorsque la CR a décidé d'étudier si les requêtes (pourtant soumises avant la date de soumission écrites de la R116) pouvaient être admises dans la procédure.
Bref, même en soumettant en avance et à l'heure des requêtes, on n'est pas sûr de pouvoir les discuter en recours... En tant que mandataire, j'espère ne jamais avoir à expliquer cela à un client.
Je ne comprends pas les arguments en mode "cette CR fait tout pour n'avoir rien à étudier".
Au contraire, elle a admis les requêtes, et en prime elle a rédigé des pages entières sur l'application de l'article 12(4). Donc elle a bien et beaucoup bossé!
L'article 12(4) est clair: il faut que les requêtes non discutées aient été valablement déposées. L'opposant ayant soulevé cette objection il fallait bien que la CR y réponde, ce qu'elle fait ici en détail.
et j'ajoute sur la productivité: pas sûr que cette longue discussion sur l'article 12(4) et les critères de recevabilité des requêtes par les DO ait augmenté la productivité de la CR, au contraire.
Aux deux anonymes du 7 décembre,
La présente décision montre à l’envi qu’en matière de procédure les CR n’en font qu’à leur tête. Certaines sont très strictes, d’autres beaucoup indulgentes. Il y a à l’heure actuelle un effet de loterie quant à la procédure. Écrire plein de considérations sur l’Art 12(4) pour ensuite examiner les requêtes n’apparait pas très cohérent et a sans doute beaucoup coûté de temps.
Dans la mesure où les requêtes déposées à temps devant la DO, répondent aux critères de la R 80 et ont été correctement argumentées, il ne devrait pas y avoir de discussion quant à leur recevabilité en recours. Argumentées ne veut pas dire brevetables, ne l’oublions pas.
Qu’un opposant veuille se débarrasser de requêtes en les attaquant sur la forme est de bonne guerre. Dans la même veine, le titulaire va argumenter que l’opposition n’est pas recevable.
Dans le cas d’espèce je reste persuadé que, malgré l’Art 111, un renvoi pour poursuite de la procédure eut été raisonnable et justifié. Il est cependant fort probable que la CR a voulu s’économiser une seconde procédure de recours.
@ DXThomas
Vous écrivez : "Écrire plein de considérations sur l’Art 12(4) pour ensuite examiner les requêtes n’apparait pas très cohérent et a sans doute beaucoup coûté de temps."
C'est l'opposant qui a demandé à la chambre d'appliquer l'article 12(4), la chambre a donc dû examiner cette requête et motiver son rejet. Qu'est-ce que la chambre aurait dû faire d'après vous ?
À l'anonyme du 10 décembre 2023 à 19:08
L’opposant n’a effectivement requis que la non-recevabilité des RA selon l’Art 12(4) RPBA. Il n’a donc pas requis l’examen des RA. Le propriétaire a lui requis le renvoi devant la DO, ce qui était normal eu égard aux circonstances. Il n’y avait pas de raisons pour la CR de décider des RA, si ce n’est l’Art 111 et/ou Art 11 RPBA.
La CR aurait donc dû se contenter de décider de la recevabilité des RA et ne pas décider au-delà des requêtes des parties (ne ultra petita). La CR s’est en fait comportée comme une DO (ou une DE). Ceci peut s'observer quant on regarde certaines procédures de recours.
Selon l’Art 12(2) RPBA, "la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée". Comme il n’y avait pas de décisions quant aux RA, il n’y avait pas lieu pour la CR de décider sur celles-ci. Cette attitude est classique sous les présentes RPBA si un propriétaire dépose de nouvelles requêtes en recours.
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