Comme annoncé en août, la Grande Chambre est saisie de questions portant sur la prise en compte de données publiées après la date de dépôt et qui ont été soumises pour prouver l'existence d'un effet technique.
Les questions posées portent sur la possibilité d'ignorer de telles données au motif que la preuve de l'effet allégué repose exclusivement sur elles et, dans l'affirmative, s'il faut pour prendre en compte ces données que la personne du métier considère cet effet comme plausible sur la base du brevet et de ses connaissances générales à la date de dépôt, ou bien s'il suffit qu'il n'ait pas de raison de le considérer comme non-plausible.
Le brevet concerne des combinaisons de deux insecticides connus, et le breveté se prévalait d'une synergie conduisant à une amélioration inattendue des propriétés insecticides.Des essais (D21) ont été fournis afin de prouver cette synergie contre la pyrale du riz.
La Chambre conclut que la présence d'une activité inventive dépend de la prise en compte ou non des résultats de D21.
Les exemples du brevet ne prouvent une synergie que sur certaines combinaisons particulières, et à l'encontre de la noctuelle rayée et de la teigne des choux. Le document D23 soumis par l'Opposante démontrait au contraire l'absence de synergie pour d'autres combinaisons néanmoins couvertes par le brevet.
Ainsi, en l'absence de prise en compte de D21, le problème technique objectif doit être redéfini comme étant de fournir une composition insecticide alternative, et la solution était évidente. En revanche, en prenant en compte D21, le problème technique objectif est de fournir une composition dans laquelle les insecticides agissent synergiquement contre la pyrale du riz, et la solution était inventive.
Il existe selon la Chambre 3 grandes lignes de jurisprudence sur le sujet de la prise en compte de preuves publiées ultérieurement.
Selon une première ligne, la prise en compte des preuves ultérieures suppose que la personne du métier ait des raisons de considérer que l'effet est atteint, sur la base du brevet ou de ses connaissances générales à la date du dépôt (plausibilité ab initio), par exemple grâce à des explications scientifiques ou des données expérimentales (T1329/04, T609/02, T488/16).
Le problème de cette approche est qu'elle peut empêcher la titulaire de faire valoir un effet par rapport à des documents qu'elle ne connaissait pas. Elle va en outre à l'encontre de la jurisprudence qui depuis des décennies admet la reformulation de problèmes, dès lors que le nouveau problème reste dans l'esprit de l'invention divulguée à l'origine (voir par exemple T1422/12).
Selon une deuxième ligne, les preuves ultérieures ne peuvent être écartées que si la personne du métier avait des raisons légitimes de douter de la réalité de l'effet (non-plausibilité ab initio) (T919/15, T578/06, T2015/20).
Une troisième ligne semble rejeter le concept de plausibilité. Selon cette ligne, ne pas tenir compte de preuves ultérieures serait incompatible avec l'approche problème-solution, qui parfois impose de reformuler le problème technique à la lumière de documents qui ne sont pas cités dans le brevet (T2371/13). Le danger associé à cette approche est l'augmentation de brevets spéculatifs, pour lesquels, par exemple, l'utilité de composés revendiqués pourrait être découverte ultérieurement.
En outre, le principe de libre appréciation de la preuve (G1/12, pt 31) est-il compatible avec le fait d'ignorer des preuves qu'une Chambre estime convaincante et décisive?
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