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lundi 21 juin 2021

J14/19: application du droit national et abus de droit

Alors que la mention de la délivrance devait être publiée au BEB le 22.5.2019, un tiers a déposé à l'OEB le 3.5.2019 une preuve selon laquelle il avait déposé une action en revendication de propriété devant le tribunal administratif de Munich. D'autres preuves ont été soumises en juillet.

Pour la Chambre juridique, seules les preuves déposées avant le 22.5 peuvent être prises en considération, puisque la suspension n'est possible que tant que la demande est en instance.

Le tribunal administratif a signifié l'action au demandeur du brevet mais, n'étant pas compétent, a renvoyé l'affaire devant le tribunal de district (Landgericht) de Munich.

Les parties n'étaient pas d'accord sur la date de début de l'instance. La détermination du moment où une action peut être considérée comme avoir été engagée doit se faire en appliquant la loi nationale applicable. Il peut s'agir selon les cas du moment où l'acte introductif d'instance a été déposé auprès du tribunal (cas en Allemagne pour les procédures administratives), ou du moment où il a été signifié à la partie adverse (cas en Allemagne pour les procédures judiciaires). 

L'OEB n'est pas lié par la jurisprudence des tribunaux nationaux, mais devrait prendre en considération la jurisprudence de la plus haute juridiction, dans la mesure où elle la connaît. Dans le cas d'espèce, la jurisprudence citée par les parties ne permet pas de remettre en cause les conséquences directes de la loi applicable: l'action a été engagée le 3 mai et est restée en instance après avoir été renvoyée devant le tribunal de district. Avec l'envoi de l'accusé de réception par le tribunal administratif, le tiers a fourni en temps utile la preuve nécessaire pour entraîner la suspension de la procédure.

Le demandeur du brevet estimait que le tiers avait commis un abus de droit. Etant donné que les questions d'abus de droit se posent également dans les procédures devant l'OEB (cf article 16(1)e) RPCR 2020), la Chambre juridique estime que ces questions doivent être évaluées de manière autonome par l'OEB, indépendamment des systèmes juridiques nationaux. 

L'usage abusif d'un droit peut, dans certaines circonstances, donner lieu à un abus de droit. C'est le cas, par exemple, si l'exercice des droits est principalement destiné à causer des dommages et que d'autres fins légitimes (ici la sauvegarde des intérêts du tiers) passent au second plan. L'abus doit être sans équivoque et nécessite un examen attentif et une pondération des circonstances individuelles. La charge de la preuve incombe à celui qui invoque l'abus. Le moment choisi (juste avant la délivrance) n'est pas un indice de l'existence d'un abus, surtout que des négociations étaient en cours entre les parties. Le dépôt "formel" de l'action en revendication auprès d'une juridiction non compétente, dans le but de pouvoir continuer les discussions, n'est pas abusif, le tiers ayant simplement bénéficié d'une possibilité expressément prévue par le système procédural national, et ce d'autant plus qu'après la délivrance le tiers aurait dû agir dans chacun des Etats, ce qui l'aurait désavantagé dans les négociations. La Chambre ne reconnaît donc aucun comportement abusif de la part du tiers.

On notera enfin que la Chambre juridique interprète le terme "argument" au sens de l'article 12(2) RPCR 2020 en considérant que l'interprétation doit se faire à la lumière de l'article 114(2) CBE (qui mentionne les faits et les preuves). Des déclarations portant uniquement sur l'interprétation de la CBE, donc purement juridiques, ne contiennent aucun élément de fait. Un "argument" se rapporte plutôt à des déclarations qui contiennent à la fois des éléments juridiques et factuels. 


Décision J14/19 (en langue allemande)
Accès au dossier

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3 comments:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Roufousse T. Fairfly a dit…

Je n'aurais jamais pensé qu'un cageot à bouteilles puisse susciter de telles passions. Est-ce qu'il donne vraiment envie de boire la bière Machin, fusse-t-il présenté dans un fini simili-bois impeccable? Je me demande si ce genre d'investissement en brevets, avocats et procédures, est vraiment payant. Pour les parties, apparamment, c'est le cas.

Il y a deux divisionnaires. Une est déjà délivrée, et fait l'objet d'une opposition en bonne et dûe forme. L'autre est la cible du même genre de tactiques.

La plaignante/opposante, Oberland, dispose de titres intéressants, dont le brevet délivré EP2554485B1. Je me demande s'il a été degainé. Sa publication A1 est une antériorité 54(3). Elle mentionne à l'alinéa [0014] la possibilité de donner des textures à la pièce moulée. Mais il n'a pas été mentionné dans l'opposition en cours, ou dans les autres dossiers. Curieux. Le hic me paraît résider dans cette caractéristique de la revendication qui devrait être délivrée si la division ne redémarre pas l'examen.

Rev. 1, dans sa traduction FR:

des feuilles (16) sont introduites dans l’outil de moulage par injection, lesquelles présentent une image de qualité photographique (19) de bois, de treillis, de tissu ou de maçonnerie avec la même structure de surface caractéristique, les feuilles (16) étant orientées avec l’image (19) de manière alignée par rapport aux structures de surface correspondantes de l’outil de moulage par injection

Caractéristique esthétique ou esthétique? Comment argumenter si on est limité à la nouveauté sans pouvoir invoquer l'activité inventive? Le brevet Oberland enseigne que du texte imprimé sur la feuille est aligné avec le relief du cageot, et discute aussi de transparence et de reflets, et de notions qui rappellent davantage les marques et les designs déposés que la technique.

Il y a aussi plusieurs observations de tiers déposées par un homme de paille.

La plainte avait été adressée au tribunal administratif de Munich, qui est coincé entre le pavillon Pschorrhöfe de l'OEB et la Hauptbahnhof dans la Bayerstr, en face de l'EPI. Quelle drôle d'idée. Le mémoire demandait à ce que la plainte soit transmise au Landgericht I de Munich si le TA s'estimait incompétent dans cette affaire. Or selon le §12 ZPO, le tribunal compétent est celui responsable de la région de Stralsund, siège de l'intimée/demanderesse, à l'autre bout du pays, sur la mer Baltique. La plaignante est d'ailleurs domiciliée au BaWü, pour lequel ni le LG1, ou encore le LG2, ne seraient pas davantage compétent. Je me demande comment la plainte y a été accueillie, mais les deux LG sont généralement délinquents quand il s'agit de publiciser leurs décisions, pourtant publiques et rendues "Im Namen des Volkes". J'ai personnellement testé.

Bref, affaire(s) à suivre...

Hipsss a dit…

Je vois que le fameux cageot à bouteilles a été vidé de son contenu...

 
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