La décision T1319/04 saisit la Grande Chambre de recours d'une question d'importance fondamentale pour les praticiens de l'industrie pharmaceutique.
La demande rejetée en première instance avait pour objet l'utilisation d'un dérivé de la nicotine pour fabriquer un médicament destiné à traiter l'hyperlipidémie par voie orale une seule fois par jour avant le coucher.
Il s'agit d'une revendication de type suisse, admise par la Grande Chambre de recours dans ses décisions G1/83, G5/83, 6/83: "Un brevet européen peut étre délivré sur la base de revendications ayant pour object l'application d'une substance ou d'une composition pour obtenir un médicament destiné à une utilisation thérapeutique déterminée nouvelle et comportant un caractère inventif."
Ce produit était par ailleurs parfaitement connu dans l'art antérieur pour soigner la même maladie, également par voie orale, mais avec un régime posologique différent : au moins deux fois par jour.
L'invention était basée sur la découverte qu'une seule prise avant le coucher permettait de diminuer fortement les effets secondaires sur le foie.
La maladie à traiter et le mode d'administration étant identiques, la nouveauté de l'application thérapeutique ne pourrait dont provenir que de la différence de régime posologique.
Sur ce point, les Chambres de recours ont été divisées. S'il apparaît établi que le caractère nouveau d'une utilisation thérapeutique peut provenir non seulement d'une différence dans la maladie traitée, mais aussi d'une différence de patients traités (T19/86) ou de mode d'administration (T51/93), les Chambres n'ont pas toujours admis que la différence de régime posologique pouvait conférer la nouveauté. Ce point est discuté en détail dans la décision T1020/03.
Sur le droit applicable, la Chambre souligne que ce sont désormais les Art 53 c) et 54(5) CBE2000 qui s'appliquent au cas d'espèce, quand bien même la demande a été déposée en 1994, par application de l'Art 7 de l'acte révisant la CBE et de la décision du CA du 28.6.2001. En cela, elle rejoint l'analyse de la décision T1127/05, discutée dans un billet précédent.
Sur le fond, la Chambre de recours saisit la Grande Chambre des questions suivantes :
- Lorsqu'il est déjà connu d'utiliser un médicament particulier pour traiter une maladie particulière, les dispositions des Art 53c) et 54(5) CBE2000 permettent-elles de breveter ce médicament connu pour une utilisation dans un traitement différent, nouveau et inventif, pour soigner la même maladie ?
- Si la réponse est positive, la brevetabilité est-elle toujours posible si la seule caractéristique nouvelle du traitement est un régime posologique nouveau et inventif ?
- Y a-t-il des considérations spéciales applicables pour interpréter et appliquer les Art 53c) et 54(5) CBE2000 ?
4 comments:
Quid de la portée de la décision a venir au regard des règles françaises sur le certificat complémentaire et sur les lenteurs pour délivrer l'AMM?
Si vous avez la décision, je la lirais volontier.
A priori aucune :
- les AMM ne sont pas délivrées par les offices de brevets, et leur délivrance ne met pas en jeu des problématiques de brevetabilité.
De toute façon, une modification de la posologie ne devrait pas entraîner une nouvelle AMM.
- la délivrance d'un brevet pour ce nouveau type d'applications thérapeutiques ne devrait pas non plus donner lieu à un nouveau CCP (régi par le règlement communautaire 1768/92) puisque le médicament n'est pas modifié.
La troisième question est tout de même surprenante. D'habitude, les sages de la GCR n'aiment pas trop des questions sans relation au cas en présence. A moins qu'il s'agisse d'une question insufflée par la GCR elle-même, pour qu'elle puisse dire des choses qu'elle a sur le coeur. En tout cas, je suis curieux de lire la réponse.
Un parallèle ne serait il pas à faire avec l'Alendronate 70mg de Merck (EP 998 292) qui décrit essentiellement un schéma posologique et qui a été révoqué pour son absence d'application industrielle?
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