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mercredi 30 juillet 2025

T697/22 : saisine de la Grande Chambre sur l'adaptation de la description (G1/25)

Dans l'affaire T697/22, la Grande Chambre est saisie des question suivantes:

1. Si les revendications d'un brevet européen sont modifiées au cours d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours sur opposition, et que la modification introduit une incohérence entre les revendications modifiées et la description du brevet, est-il nécessaire, pour satisfaire aux exigences de la CBE, d'adapter la description aux revendications modifiées de manière à supprimer l'incohérence ?

2. En cas de réponse affirmative à la première question, quelle(s) exigence(s) de la CBE nécessite(nt) une telle adaptation ?

3. La réponse aux questions 1 et 2 serait-elle différente si les revendications d'une demande de brevet européen sont modifiées au cours de la procédure d'examen ou de la procédure de recours sur examen, et que la modification introduit une incohérence entre les revendications modifiées et la description de la demande de brevet ?

La Chambre constate, après étude de 115 décisions pertinentes, qu'il existe aujourd'hui deux lignes de jurisprudence sur la question de la nécessité d'adapter la description aux revendications modifiées. 

Selon une première ligne, traditionnelle, l'adaptation est nécessaire, au vu de différentes bases juridiques, par exemple selon l'article 84 CBE (T1024/18), éventuellement en combinaison avec les règles 42 et 48 CBE (T438/22), ou encore compte tenu des exigences de la CBE, de manière générale (T3097/19). 

D'autres décisions, plus récentes, considèrent au contraire que rien dans la CBE ne permet d'imposer d'adapter la description (par exemple T1989/18T56/21 ou T2194/19). 

Plusieurs de ces décisions contradictoires ont été résumées sur ce blog (voir ici et ici).

La Chambre cite également la décision Agfa c/ Guccio Gucci et al, de la division locale de Hambourg, 30.4.2025, dans laquelle la JUB a constaté une incohérence entre la revendication et la description, liée à l'absence d'adaptation de cette dernière, et en a conclu que la Titulaire ne pouvait se prévaloir de la description pour interpéter la revendication plus limitée, sans exiger de modification de la description.

Dans le cas d'espèce, l'Opposante soutenait que la description modifiée déposée lors de la procédure orale devant la division d'opposition contenait des incohérences avec la revendication modifiée. Par exemple, les liants des paragraphes [0013] et [0016] ne sont pas limités aux liants basés sur des produits de réaction d'acide citrique, d'ammoniac et de dextrose, qui font l'objet de la revendication modifiée.

On notera que la Titulaire a fourni une description adaptée le jour de la procédure orale devant la Chambre, mais que cette dernière ne l'a pas admise dans la procédure en application de l'article 13(2) RPCR, estimant d'une part que l'adaptation de la description est une modifications des moyens et d'autre part que la Titulaire aurait dû procéder à cette adaptation plus tôt, étant donné que l'Opposante avait soulevé ce point dès son mémoire de recours. 


Décision T697/22 


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15 comments:

Anonyme a dit…

Merci Laurent pour ce résumé!
Le dernier paragraphe me désespère : si on a 20 requêtes auxiliaires, il faut faire 20 adaptations de la description dès le début du recours? Quel gâchis et temps perdu...

Anonyme a dit…

non, ici le problème c'est que l'opposant a critiqué l'adaptation de la description dans son mémoire, que le titulaire s'est contenté de répondre par des arguments, et a attendu le dernier moment pour y répondre par une modification de la description.

Anonyme a dit…

oui, ça revient à ça : pour être sûr que la CR accepte la description modifiée, il faut la déposer en amont, pour chaque requête, alors qu'au final, il n'en faut qu'une, celle qui correspond aux revendications finalement acceptées. En oppo, on n'adapte la desc qu'une seule fois, à la fin de la PO : aucun travail inutile. Impossible de faire ça avec le RPCR lu de manière stricte comme ici.

Anonyme a dit…

Cette adaptation de la description est un hérésie

Anonyme a dit…

C'est bon savoir : si on est opposant, on peut, dans le mémoire de recours, copier-coller un paragraphe type tel que "La description n'est pas conforme aux revendications de la requête X. Il convient d'adapter la description pour y remédier" afin de contraindre le titulaire à préparer autant de descriptions qu'il a de requêtes. Une manière simple et efficace de faire perdre du temps et de l'énergie au titulaire...

Anonyme a dit…

L'opposant a quand même mis plus de 2 pages sur cette question d'adaptation de la description (qui avait fait l'objet d'un débat devant la DO et de deux paragraphes dans la décision). Je ne pense pas qu'un paragraphe-type, sans motivation, soit considéré comme obligeant le titulaire à déposer une description adaptée pour chaque requête.

Anonyme a dit…

Bjr,
En complèment des anonymes de 21.01 :
"si on est opposant, on peut, dans le mémoire de recours, copier-coller un paragraphe type tel que "La description n'est pas conforme..." => j'ai une oppo en cours, et la DO elle même a demandé dans l'opinion préliminaire R116 une description modifiée pour chacune des 13 requêtes. Si même la 1ère instance se met a nous faire perdre du temps...
et 9.04 :
"Je ne pense pas qu'un paragraphe-type, sans motivation, soit considéré comme obligeant le titulaire..." => Bien sûr que si, le RPCR dit que tous les moyens doivent être dans le mémoire de recours ou dans sa réponse. Si on ne répond pas à une objection du mémoire tout de suite, ça vous retombe dessus 1 an plus tard à la PO. Ce RPCR est diablement efficace pour faire gagner du temps à la CR...

DXThomas a dit…

Il faut raison savoir garder.

Le problème qui s’est posé est que la revendication indépendante de la RA 1E telle que maintenue par la DO est plus limitée que la revendication indépendante d’origine. À l'origine, les caractéristiques qui fondent la limitation étaient l’objet de revendications dépendantes et étaient présentées comme optionnelles dans la description.

La CR a donc, à juste titre, constaté une discordance entre la description et la revendication telle que maintenue. Ce type de discordance est expressément souligné dans les Directives F-IV, 4.3. Cette discordance n’a pas été prise en compte par la DO qui a refusé que la description soit adaptée en opposition.

Que la CR ait cité la décision Agfa/Gucci de la Section Locale de Hambourg de la JUB, n’est pas le fruit du hasard. Dans le cas Agfa/Gucci que j’ai commenté dans mon blog, la situation était similaire. La revendication était limitée, mais la description n’avait pas été révisée et couvrait en fait la revendication telle que déposée. Le titulaire, Agfa, n’a pas hésité à accuser Gucci de contrefaçon non seulement sur la base de la revendication limitée, mais aussi sur la base de la description. Dans la littérature anglaise, on appelle cette façon de faire créer un chat Angora.

Ce n’est que parce que le titulaire, se référant à T 56/21, s’est refusé à adapter la description ce que la CR s’est vue obligée de faire la saisine qui avait été annoncée dans le dossier de T 56/21.

Il n’y a que très peu de décisions qui vont dans le sens de T 56/21. La plupart des décisions des CR requièrent l’adaptation de la description.

Il est difficile de voir en quoi requérir la suppression dans la description du caractère optionnel de caractéristiques introduites dans une revendication indépendante soit une hérésie.

Dès lors que des caractéristiques sont introduites dans une revendication indépendante, elles sont limitatives et ne peuvent plus être considérées comme optionnelles. Il n’est pas possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre.

Boris a dit…

Mais quand la chambre a dit qu'elle allait saisir la GCR, le titulaire a déposé une description adaptée, qui a été rejetée selon l'article 13(2).
D'où l'inquiétude qui pointe: faut-il par avance envoyer une description adaptée pour chacune des requêtes, toujours plus nombreuses ? Ou peut-on continuer la pratique habituelle qui était d'adapter la description à la fin de la PO, voire devant la DO après renvoi ?
La CR aurait aussi pu accepter cette description adaptée et ne pas saisir la GCR.

DXThomas a dit…

@ Boris,

La CR aurait aussi pu accepter cette description adaptée et ne pas saisir la GCR, mais dans le cas contraire nous n’aurions pas la clarification nécessaire.

La requête 1E* comportait effectivement une description adaptée. La CR n’a pas admis cette requête dans la procédure selon l’Art 13(2) RPCR pour la bonne raison que le titulaire sentant son brevet en danger s’est ravisé et a déposé durant la PO une requête avec une description adaptée.

Il se trouve que le problème de l’adaptation de la description n’est pas apparu durant la PO. Il a déjà été présent en 1ère instance, et il n’y avait donc pas de raison valable pour ce dépôt tardif.

En principe, une description adaptée ne doit être fournie que si la DO ou la CR ont validé un jeu de revendications. Il y même l’une ou l’autre décision qui l’affirme.

Par contre, si un déposant/propriétaire soumet de nouvelles revendications et ne se présente pas à une PO, il doit non seulement déposer de nouvelles séries de revendications, mais également soumettre une description adaptée aux séries de revendications respectives.

En l'absence d'un dossier complet, soit
la demande est rejetée T 109/02, T 1480/12, T 3097/19
le brevet est révoqué T 725/00, T 986/00, T1024/18

Dans T 2818/19 il a été considéré que l’adaptation de la description ne constitue pas une modification des moyens invoqués,

Anonyme a dit…

Raison savoir garder il faut

Anonyme a dit…

@DX Thomas :
J’entends le besoin, précédemment exprimé dans vos commentaires sur ce blog, d’éviter que la description laisse planer un doute sur la portée réelle des revendications.

Mais il y a un monde entre ce cas et une description qui décrirait des modes de réalisation non couverts par les revendications. Les modes de réalisation non couverts peuvent apporter un éclairage technique sur le sens à apporter à tel ou tel terme, et ce sans que cela n’amène de doute sur la portée des revendications.

Vous parlez de description qui « couvre » une revendication telle que déposée. Avouez que vous confondez assez largement le rôle des revendications et celui de la description, pour le coup.

Francis Hagel a dit…

La saisine de la GCR sur l’adaptation de la description arrive à un moment où le débat a sensiblement baissé d’intensité en ce qui concerne l’application de l’Art 84, à la suite de la révision 2024 de la directive F-IV 4.3 et du retour à la normale dans la pratique des divisions d’examen concernant les amendements au stade de la 71(3).

Des développements très récents sont à signaler.

Dans la procédure du brevet EP3076804 à l’origine de G 1/24, le breveté, dont la position a été rejetée par la GCR dans sa réponse à la question 2 exigeant que la description soit « consultée » pour l’interprétation des revendications, a déposé le 3 juillet une requête auxiliaire consistant à supprimer de la description le § [0035]. Pour mémoire, ce paragraphe définit le terme « gathered sheet » utilisé dans les revendications pour ajouter à « gathered sheet » deux autres modes de réalisation. L’opposant a répliqué que la requête n’était pas admissible selon le RPCR et qu’elle soulevait une question de conformité à 123(2) en tant que généralisation intermédiaire. Une procédure orale a été fixée au 11 décembre.

Du côté de la JUB, il y a eu plusieurs décisions intéressantes quant à la prise en compte des adaptations de la description pour l’interprétation des revendications et l’appréciation de la contrefaçon par équivalence.

Dans la décision LD Paris 358/2023 HP c. Lama §41 et 54, le tribunal a refusé de prendre en compte l'adaptation de la description (en l’occurrence, des déclarations selon lesquelles certaines variantes sont en dehors du champ d'application de l'invention). Le tribunal a affirmé que ce qui importe, c'est la description originale montrant ces variantes dans les Figures 4-8.

La décision LD Hambourg du 30 avril 2025 (278/2023) (Agfa c. Gucci), mentionne dans le résumé 3 : « Les indications dans la description qui ne sont pas cohérentes avec les revendications accordées ne peuvent pas servir de base à une interprétation large d'une revendication. ») . Cette décision indique aussi (point 2 (bb) que plusieurs passages de la description non cohérents avec les revendications auraient dû être supprimés.

La décision LD Paris 363/2024 (SJ Diffusion c. Gisela Mayer) du 1er août 2025 a fait application de la doctrine des équivalents, sans que la révocation ait été demandée. Dans cette affaire, il n’y avait pas de débat entre les parties sur l’interprétation des revendications. Un amendement restrictif au cours de l’examen avait exclu une forme de réalisation de la revendication 1. Le tribunal a jugé au §60 qu'il importe peu que cette forme de réalisation soit toujours divulguée dans la description, ce qui compte, c'est l'étendue de la protection telle que délimitée par les revendications. Cependant, la cour a ajouté, comme un rappel à l’ordre à l’intention de l’OEB, d’autant plus notable qu’il n’était pas nécessaire pour l’appréciation des équivalents, qu'un amendement restrictif de la revendication 1 aurait dû entraîner la suppression de la description de la forme de réalisation qui n'était plus couverte par les revendications. Ces points sont mis en relief au point 1 de l’abstract, qui fait référence à la décision Agfa c. Gucci.

Une différence à noter entre cette décision et la décision antérieure HP c. Lama du même tribunal est la référence de cette dernière aux dessins, ceux-ci restant utiles à l’interprétation des revendications. Dans la décision SJ Diffusion c. Gisela Mayer, cette question ne se posait pas, la seule question étant l’appréciation des équivalents.

AnonimoX a dit…

Nous sommes donc nombreux à être d'accord sur le fait qu'une question manque à la saisine:
- faut-il fournir une version adaptée de chaque requête ou bien est-il suffisant d'adapter la description aux revendications finalement délivrées.

DXThomas a dit…

Restons sur terre.

La décision de saisine ne requiert pas de soumettre une description adaptée pour chaque requête auxiliaire soumise. En cas d’absence à la PO cela est néanmoins nécessaire. En principe, et cela est la pratique, les CR renvoient à la DO pour l’adaptation de la description.

Dans le cas d’espèce, le propriétaire a refusé de présenter une description adaptée en se basant sur T 56/21. Cette décision est problématique à plus d’un titre, mais ce n’est pas le moment d’en discuter. T 56/21 ne porte d’ailleurs que sur l’adaptation de la description avalant délivrance, d’où la question particulière de la saisine qui a trait à l’opposition.

Si l’on suit G 1/24 et toutes les décisions qui l’appliquent, si le déposant ou le titulaire veut voir l’interprétation de le revendication mentionnée dans la description, il doit l’introduire dans la revendication.

Dans cette mesure, l’adaptation de la description et des revendications est quasi automatique.

Il ne reste en fait plus qu’à savoir ce qu’il faut faire des exemples qui ne sont plus couverts par la revendication indépendante. À mon humble avis, ces exemples n’ont pas besoin d’être expurgés, mais marqués de manière adéquate. Cela évitera en cas de litige que le propriétaire puisse se prévaloir de ces exemples pour attaquer un tiers en contrefaçon.

 
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