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mercredi 10 mai 2023

T618/21 et T2432/19: désaccord sur les visioconférences

Le sujet des procédures orales par visioconférence est âprement débattu sur ce blog. Il l'est aussi à Haar, où les Chambres n'interprètent pas toutes la décision G1/21 de la même manière. La visioconférence est-elle le "new gold", ou au contraire la procédure orale en présence reste-t-elle l'étalon-or, le débat fait rage.

Dans l'affaire T618/21, la Chambre 3.2.01 avait convoqué d'office une procédure orale par visioconférence. L'une des parties était favorable à la visioconférence, mais pas l'autre.


La Chambre rappelle que l'article 15bis RPCR confère un pouvoir discrétionnaire pour tenir une procédure orale par visioconférence, le cas échéant contre la volonté des parties, le critère déterminant étant de savoir si cela est "approprié".

Ces dispositions de l'article 15bis RPCR ne sont contraires ni au droit supérieur ni aux principales conclusions de G1/21. Comme indiqué dans cette décision une procédure orale par visioconférence est une procédure orale au sens de l'article 116 CBE et respecte le droit d'être entendu. G1/21 ne donne pas le droit aux parties de décider du format de la procédure orale, mais indique simplement qu'il serait logique de prendre en compte le souhait des parties. Le choix du format reste entre les mains de la Chambre, laquelle peut décider contre la volonté des parties s'il existe de "bonnes raisons". Le terme "approprié" de l'article 15bis RPCR signifie qu'il existe de bonnes raisons au sens de G1/21.

Le terme "approprié" implique que le format de la visioconférence semble en principe adapté à la réalisation de l'objectif visé par la procédure orale et qu'il est en outre utile (pertinent). Le premier critère ("adapté") constitue une limite absolue et exclut les formats inadaptés: ceux-ci seront toujours inappropriés. Le second critère (l'utilité) requiert un examen global et pondéré de tous les aspects qui jouent un rôle dans le cadre de la planification et de la tenue d'une procédure orale devant une Chambre de recours et qui font apparaître le format choisi à cet effet comme plus ou moins utile pour atteindre l'objectif de la procédure. La mise en balance doit se fonder principalement sur des considérations objectives. Les appréciations subjectives des parties peuvent jouer un rôle complémentaire ; elles ont d'autant plus de poids que les sentiments sont étayés par des arguments objectivables présentés par les parties. Il n'est pas exclu que plusieurs formats appropriés puissent coexister.

Enfin, la Chambre considère qu'en raison de l'évolution technique (notamment le remplacement de Skype par Zoom) et de l'expérience accrue de toutes les parties, la visioconférence peut désormais être considérée, dans la plupart des cas, comme une alternative presque équivalente à une audience en présence. Toutefois, les circonstances concrètes de chaque cas peuvent faire en sorte que le format de la visioconférence ne soit pas approprié ou qu'il apparaisse, dans le cadre d'une évaluation globale, si peu utile que le critère d'adaptation de l'article 15bis RPCR fasse défaut.

Dans l'affaire T2432/19, la Chambre 3.2.06 est d'un avis opposé. Le contexte était différent, l'une des parties demandant une visioconférence, l'autre n'ayant pas émis de souhait.

la Chambre souligne que bien que le dispositif de G1/21 fasse référence à des situations d'urgence, il découle des motifs de cette décision que les procédures orales en personne ne peuvent être refusées que dans des conditions très limitées, et ce y compris dans des situations d'urgence générales telles qu'une pandémie.

La Chambre considère également qu'étant donné que les visioconférences, avec la technologie actuelle (y compris Zoom, qui existait au moment de G1/21), ne fournissent qu'une forme sous-optimale de communication, les parties ont droit à la forme optimale, qui ne peut être refusée que des conditions très limitées. La Chambre ne voit pas ici d'améliorations techniques par rapport au moment où la décision G1/21 a été rendue, et qui permettraient par exemple de parfaitement discerner le langage corporel et l'expression, et ainsi d'obtenir une "immédiateté". La procédure orale en présence reste donc l'étalon-or.

Il en résulte a contrario que les parties ne peuvent forcer une Chambre à organiser une visioconférence plutôt qu'une procédure orale en personne. 



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5 comments:

Anonyme a dit…


C'est diamétralement opposé, mais le point commun c'est qu'on ne donne pas aux parties ce qu'elles veulent. Celui qui veut une visio se voit contraint au présentiel et vice-versa.
Merci en tout cas de rappeler que G1/21 n'est pas encore à jeter aux orties.

Anonyme a dit…

Dans T 2432/19 la CR a interprété correctement G 1/21. G 1/21 donne effectivement la discrétion de décider de la forme de la PO. Je doute cependant que si les parties s’entendent sur une PO par ViCo, il y ait de bonnes chances qu’une CR refusera de tenir la PO par ViCo.

La position prise par la CR dans T 2432/19 correspond à la lettre et à l’esprit de G 1/21.

On ne peut en dire autant que de la position prise par la CR dans T 618/21. Elle a superbement ignoré G 1/21. Si elle estime que les PO par ViCo et les PO en personne sont équivalentes, elle aurait dû poser la question à la GCR. En s'abstenant de le faire. elle a superbement ignoré les dispositions de l’Art 21 RPBA21. Elle a en fait introduit des notions de protection de l’environnement, qui, en soi, sont fort honorables, mais dont on ne trouve nulle trace dans G 1/21.Elle a aussi considéré que n’ayant pas à voyager, les parties pourraient utiliser leur temps de façon plus appropriée. Je ne pense pas que le RPBA ait jamais donné à une CR la discrétion de décider comment les parties avaient à utiliser leur temps.

Le fait que nous nous trouvions en face de deux positions diamétralement opposées ne devrait pas nous réjouir. En matière de procédure c’est la loterie pour les parties. Tout dépend de la CR chez qui le dossier atterrit. C’est déjà le cas lorsque des revendications sont supprimées ou combinées, il n’y a vraiment pas besoin d’un autre cas.

Eu égard au fait que l’Art 116 et les R 115 et 116 ne font pas la distinction entre première instance et recours, combien de temps le management de l’OEB s’entêtera à n’accepter que les PO par ViCo ?

Patskills a dit…

Is there any particular reason why you cannot have inter party oral proceedings where one party attends in person at the EPO, and the other party attends by VICO? It seems to be a simple question of organisation, where the party at the EPO, instead of speaking into microphone, speaks into a video camera and views the remote participants on a screen. I don't see how that could in any way diminish anybody's right to be heard.

Anonyme a dit…

@ Patskills,

Mixed mode OP are technically possible without any difficulty. The EPO could offer it without any difficulties.

It is just that some lobbies like Business Europe are against it. Hence the upper management of the EPO does not like it either.

Francis Hagel a dit…

@Anonyme
La fracture actuelle sur cette question est particulièrement grave, car la CRT 3.2.01 non seulement se mutine ouvertement contre la GCR en ne respectant pas G 1/21 pour la 3ème fois en très peu de temps, mais a le soutien du président des CR, connu pour être favorable aux Vico et qui pour cette raison a été contraint de se récuser en tant que président du panel de la G 1/21, et celui de la direction de l'OEB, qui cherche à pérenniser le télétravail généralisé issu du COVID et à réduire les surfaces des locaux de l'OEB.

A ceux dont un dossier est attribué à la CRT 3.2.01 et qui tiennent à participer à une PO en présentiel, il reste la possibilité de soulever une question de partialité selon l'Art 24(3) et de demander que leur dossier soit attribué à une CRT plus accueillante vis-à-vis des PO en présentiel. Et de le faire savoir.

 
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