La division d'opposition n'avait pas admis la deuxième requête subsidiaire soumise lors de la procédure orale.
L'article 12(4) RPCR 2007 permet aux Chambre de ne pas admettre dans la procédure des faits, preuves ou requêtes qui n'ont pas été admises en première instance.
La Chambre dispose donc de son propre pouvoir discrétionnaire. En outre, elle peut statuer dans un sens différent de la manière dont l'instance du premier degré a exercé son pouvoir discrétionnaire si elle parvient à la conclusion que cette instance n'a pas exercé ses pouvoirs discrétionnaires conformément aux principes corrects, ou qu'elle les a exercés de manière déraisonnable, outrepassant ainsi les limites appropriées.
Dans le cas d'espèce la division n'avait pas admis la requête car la revendication 1 ne se basait pas sur des revendications du brevet délivré et que les modifications soulevaient des problèmes complexes que les parties ne pouvaient raisonnablement traiter lors de la procédure orale. La revendication contenait une caractéristique g) issue de la description.
La Chambre note que la revendication 1 était une combinaison des revendications 1, 8 et 9 de la première requête subsidiaire. La caractéristique g) avait été introduite dans cette requête 1 an avant la procédure orale.
Pour la Chambre, l'opposant avait donc suffisamment de temps pour préparer ses attaques, d'autant plus qu'il aurait pu prévoir que l'opinion provisoire entraînerait le dépôt de requêtes subsidiaires.
En outre, mise à part la caractéristique g), la revendication 1 correspondant à une combinaison des revendications 1, 8 et 9 du brevet délivré, combinaison contre laquelle l'opposant n'avait jamais soulevé d'objections, alors que cela aurait pu être fait dans la mémoire d'opposition.
La requête est donc admise. Son objet étant jugé nouveau, et l'activité inventive n'ayant pas été discutée en première instance, la Chambre considère qu'il existe des raisons particulières au sens de l'article 11 RPCR 2020 pour renvoyer l'affaire devant la division d'opposition. Elle fait notamment remarquer que décider sur cette question pour la première fois en recours irait à l'encontre de l'objet premier de la procédure de recours, à savoir d'être une révision juridictionnelle de la décision attaquée (article 12(2) RPCR 2020).
EDIT: Je rajoute quelques éléments suite à une remarque d'un commentateur.
Au point 6.2 de la décision, la Chambre juge qu'aucun vice de procédure n'a été commis car la division d'opposition a exercé son pouvoir discrétionnaire en appliquant les bons principes et de manière raisonnable.
Simplement, la Chambre, exerçant son propre pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 12(4) RPCR 2007, aboutit au résultat inverse. Cette décision s'inscrit donc dans la lignée de la jurisprudence récente, par opposition à une jurisprudence plus ancienne (selon laquelle la Chambre doit se contenter de vérifier la manière dont la première instance a exercé son pouvoir discrétionnaire).
La situation devrait évoluer avec l'article 12(6) RPCR 2020, qui prévoit que la Chambre ne peut admettre un élément non-admis en première instance qu'en cas d'erreur de cette dernière dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation ou d'un changement de circonstances.
Je modifie également le titre qui était trompeur puisqu'il laissait entendre que la division d'opposition n'avait pas correctement exercé son pouvoir discrétionnaire.
Décision T411/17
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jeudi 18 juin 2020
T411/17: pouvoir discrétionnaire selon l'article 12(4) RPCR 2007
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11 comments:
"l'opposant aurait pu prévoir que l'opinion provisoire entraînerait le dépôt de requêtes subsidiaires"
ça c'est fort de café!
Peut-être que le titulaire aurait pu envoyer ses requêtes en réponse à l'opinion dans les 2 mois prévus, non ?
Hello César,
Attention, la 1ère subsidiaire (contenant 1g) a été déposée 1 an avant la PO :
"La Chambre note que la revendication 1 était une combinaison des revendications 1, 8 et 9 de la première requête subsidiaire. La caractéristique g) avait été introduite dans cette requête 1 an avant la procédure orale."
Pas étonnant alors de dire que 1g n'est pas si tardif et ne peut être le motif d'un refus d'admettre un requête...
Oups... non pas "Hello César", mais "Avé César"...
:-)
L'opinion provisoire disait que la subsidiaire 1 avait un problème de nouveauté par rapport à D1 et D9.
Le titulaire n'a pas réagi et se pointe en PO avec une combinaison des revendications 1+8+9 de la subsidiaire 1, et on vient reprocher à l'opposant de ne pas s'être préparé à tous les combinaisons possibles de revendications?
De qui se moque-t-on?
La DO avait très bien fait son boulot en n'acceptant pas de telles manœuvres.
Que la DO n’ait pas accepté la nouvelle requête auxiliaire n’est pas dû au fait qu’elle voulait contrer les manœuvres du propriétaire. Pour une DO ne pas admettre une requête qu’elle considère, à tort, tardive revient simplement à s’économiser du travail.
Dans les circonstances particulières du cas la CR a eu raison de ne pas accepter les motifs de la DO sur la soumission tardive. La CR aurait pu décider que la DO a commis un vice de procédure substantiel. La DO peut s’estimer heureuse et probablement le fait que le dossier a été renvoyé a été déterminant dans ce cas.
Le dossier est aussi intéressant vu le fait que la DE n’avait pas trouvé un art antérieur selon l’Art 54(3). Il s’agit de D3 = EP1841286 qui a également trait à une aide auditive et est classé dans la même classe que le brevet.....
Eu égard au renvoi du dossier devant la DO, cette dernière n’y a rien gagné. Elle devra de nouveau se pencher sur le dossier.
La mouture originale de l’Art 11 RPCR20, imposée par les membres de Comité des CR, voulait que le renvoi devant la première instance soit exceptionnel et en fait limité aux cas de vice substantiel de procédure.
La levée de boucliers des CR a atténué cette disposition. Le renvoi à la première instance ne se justifie que s’il y des raisons particulières. La présence de vices majeurs entachant la procédure de cette instance constitue un exemple de raisons particulières.
Une analyse des décisions des CR renvoyant à la première instance montre que la pratique des CR en matière de renvoi n’a pas vraiment changé. Les CR sont certainement créatives quand il s’agit de justifier le renvoi.
Dans T 786/15 la CR a renvoyé en raison d’un vice de procédure substantiel.
Dans T 32/16 la CR a décidé que le renvoi pour adaptation de la description n’est pas une raison particulière.
Dans T 1278/18 la CR a renvoyé pour continuer l’examen car la décision de la DE ne portait que sur la nouveauté. Dans T 1508/17, la DE n’avait décidé que sur la clarté.
Dans T 1877/16 la DO avait révoqué pour insuffisance et la CR a renvoyé pour décider de la N et de l’AI.
Dans T 278/17, la DE avait renvoyé après un rejet basé sur l’Art 76(1) qui n’a pas été confirmé par la CR.
D’autres exemples de renvoi sont à trouver dans T 1627/17, T 1966/16 ou T 385/14.
100% d'accord avec César
Quand on a une opinion négative on se doit de réagir dans le délai de la règle 116(1). Sinon à quoi servirait cette règle? Un peu facile de garder ses cartouches pour la procédure orale et prendre l'opposant par surprise.
La division d'opposition n'a pas voulu "s'économiser du travail", elle a surtout voulu sauvegarder le droit d'être entendu de l'opposant
Chers amis anonymes et César,
Le fait de ne pas admettre la RA signifie qu'elle est également indisponible pour le recours.
Je ne vous souhaite pas d'être dans la position du breveté dans votre carrière ;)
Il s'agit quand même d'une combinaison convergente issue d'une requête au dossier !
je suis autant breveté qu'opposant.
Mais bêtement quand je reçois une opinion négative j'envoie de nouvelles requêtes au moins 2 mois avant la procédure orale.
Tellement stupide de ma part!
C'est bien noté, je ne le ferai plus, c'est vrai que c'est bien plus confortable de sortir de mon chapeau n'importe quelle combinaison de revendications. Après tout, c'est à l'opposant de préparer à l'avance des attaques sur toutes les combinaisons possibles, n'est-ce-pas?
Deux points intéressants de cette décision n’ont pas été relevé
au point 4.2.4, la chambre note que
a board may overrule the way in which the department of first instance had exercised its discretion if it came to the conclusion either that
a) it had not done so in accordance with the proper principles or
b) had done so in an unreasonable way, and had thus exceeded the proper limits of its discretion.
Ce sont les critères de la G 7/93, r. 2.6
Au point 6.2, la chambre indique que
The opposition division applied the proper principles to exercise its discretion not to admit the second auxiliary request into the proceedings on the basis of the correct facts (i.e. late-filed request; including features from the description) and in a reasonable way (i.e. by giving conclusive grounds for their discretionary decision).
Il semble donc que dans le cas présent la chambre n’ai pas le pouvoir d’admettre la requête : soit il y a une erreur de procédure, et alors la requête doit être admise dans la procédure, soit il n’y en a pas et dans un tel cas elle ne peut l’admettre.
Par ailleurs la raison donnée par la DO pour ne pas l’admettre en PO est la complexité de la modification tardive qui ne peut être traitée en PO. La chambre elle renvoie l’affaire en première instance car une décision en appel regardant la présence d’une activité inventive alors que la DO n’a pas pris position could not be given without an undue burden (and would run contrary to the very purpose of a judicial review within the meaning of Article 12(2) RPBA 2020). Il semble donc que la DO n'avait pas tort en disant que la modification est complexe.
A l'anonyme de 15h48:
Suite à votre commentaire, j'ai ajouté quelques éléments dans l'article.
L'opposant peut encore gagner via le renvoi, surtout que la DO aura peut être en travers de la gorge le timing indélicat pour le dépôt de la fameuse requête subsidiaire par le titulaire.
Perso, si au final la revendication est valable, je dirai que c'est une bonne justice - mais quid répartition des frais: si pas applicable ici,c'est un peut dur à digérer pour l'opposant..
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