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jeudi 3 août 2023

T450/20: les Chambres peuvent développer leur propre interprétation, sans avoir à fournir de preuve pour l'étayer

L'appareil de retrait d'un thrombus d'un vaisseau sanguin comprenait notamment une partie biseautée fixée de manière permanente au fil de guidage 7.

Dans le contexte de l'appréciation de la nouveauté au vu de D4, les parties ont toutes les deux pris en compte la description du brevet pour aboutir à deux interprétations différentes de l'expression "fixée de manière permanente" (permanently fixed).

La Chambre note que la description du brevet ne définit pas précisément ce terme. On peut juste en tirer que la fixation dure un certain temps, mais pas nécessairement un temps infini, ce qui aurait peu de sens car dans le monde physique rien n'est éternel. Pour la Chambre, c'est l'utilisation qui est faite de l'appareil qui est le critère approprié pour déterminer la durée de fixation requise: la fixation "permanente" est une fixation qui dure suffisamment pour permettre le retrait du thrombus, mais qui n'exclut pas une possibilité de séparation par les utilisateurs et utilisatrices. 

Le simple fait que D4 soit cité dans l'introduction du brevet comme décrivant une fixation séparable ne permet pas d'en déduire qu'il est automatiquement exclu de la portée. 

Si la description et les dessins peuvent servir à interpréter une caractéristique d'une revendication, ils ne peuvent en revanche pas être utilisés pour lire dans la revendication une caractéristique, positive ou négative, qui n'y figure pas (T1473/19). La demande telle que déposée (qui mentionnait un mécanisme permanent ou séparable) ne peut quant à elle pas être utilisée pour interpréter la revendication du brevet délivré.

La Chambre rappelle en outre qu'elle n'est pas liée par les interprétation des parties et peut développer sa propre interprétation d'une revendication, même si, dans une procédure inter partes, cela devrait être plus l'exception que la norme. L'interprétation d'une revendication est en effet une question de droit à laquelle c'est à l'instance décisionnaire d'apporter une réponse. Enfin, si les parties peuvent produire des preuves pour étayer telle ou telle interprétation, la Chambre peut adopter une certaine interprétation sans avoir à s'appuyer sur des preuves documentaires.


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4 comments:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si ça aurait changé le résultat, mais le mot "séparable" page 6 a été biffé par l'Examinateur lors de la notification 71(3) car plus couvert par les nouvelles revendications... Et le demandeur a accepté.

Si ce mot avait été conservé, la défense aurait sûrement été plus facile car il aurait plus facile de déterminer ce que veut dire permanent (pas séparable).

Ca conforte la position de ne pas modifier la description...

DXThomas a dit…

La présente décision a été commentée dans deux autres blogs.

La présente décision est critiquable sur plusieurs points.

Il est manifeste que le dispositif de D4 ressemble fort au dispositif revendiqué, mais dans D4 la fixation était séparable et devait nécessairement être séparée.

Si une revendication mentionne une fixation permanente, aller chercher dans la description que permanent ne signifie que « permanent pour un certain temps » et donc séparable est sujet à caution. Toute liaison entre deux éléments peut être rompue en y mettant les moyens, mais de là à aller dire qu’une liaison permanente pouvait aussi signifier qu’elle puisse être séparable va vraiment trop loin.

Dans la description du brevet délivré une variante du dispositif est divulguée, cf. § [0056] qui prévoit une possibilité de séparation. Au § [0063] il est clairement indiqué que le dispositif permettant la séparation ne correspond pas à l’invention.

Ce qui a été fatal au titulaire est que le mode de réalisation permettant la séparation a été conservé tout en indiquant correctement que la possibilité de séparation ne correspondait pas à l’invention.

Il existe à l’heure actuelle deux lignes de jurisprudences distinctes
- La première a systématiquement recours à la description
- La seconde n'a recours à la description que dans des cas exceptionnels

T 1473/19 est un exemple de la première ligne de jurisprudence et a été prise par la même CR.
T 169/20 est un exemple de la seconde ligne de jurisprudence.

Au cours de la procédure de recours le propriétaire a suggéré de saisir la GCR sur l’application de l’Art 69 dans les procédures devant l’OEB. La présente CR a refusé la saisine.

Eu égard aux deux lignes de jurisprudence divergentes, une saisine de la GCR serait cependant fort utile.

Pour défendre sa position contre la saisine, la CR s'est référée à T 1473/19. À cet égard, on peut dire que la CR était à la fois juge et partie. Il est à noter que dans T 1473/19 et dans la présente décision le président et le membre juriste étaient les mêmes.

Francis Hagel a dit…

Le brevet concerné offre le cas exceptionnel d’un même document antérieur (D4 dans la procédure) cité dans la description sous deux numéros différents (US2005/209678 dans le paragraphe [0002] et US7300458 dans le paragraphe [0014]) et qui plus est, commenté de façon différente. Ceci semble avoir fortement contribué à brouiller la distinction mise en relief par le breveté entre un dispositif chirurgical pour rétablir la circulation sanguine dans un vaisseau sanguin (par élimination d’un caillot) et un dispositif destiné à être implanté de façon permanente (stent). Le paragraphe [0002] a été ajouté au cours de la procédure alors que le paragraphe [0014] était présent dans la demande d’origine.

La décision est marquante pour sa position affirmée concernant le sens à donner au terme « description » dans l’article 69. Selon la décision, il s’agit de la description du brevet, et non de la description d’origine, ce qui fait que l’interprétation des revendications peut être influencée par les modifications apportées à la description après le dépôt.

Cette position peut s’appuyer sur la lettre de l’Article 69. Mais elle est critiquable car elle n’est cohérente ni avec le principe d’interprétation basé sur la compréhension des revendications par l’homme du métier armé de ses connaissances générales, celles-ci devant être définies à la date de dépôt, ni avec les conditions de validité - articles 54, 56, 83, 123(2) - pour lesquelles la date pertinente est également la date de dépôt ou de priorité.

On peut aussi noter que la décision fait référence à la décision T 1473/09 de la même chambre 3.2.02, qui a prononcé la révocation d’un brevet pour non-conformité à l’article 123(2) à la suite d’une erreur de la division d’examen dans une modification apportée au stade de la notification 71(3) à la revendication principale (oubli d’une virgule, passé inaperçu du déposant qui n’a pas donc pas contesté la modification). La décision T 1473/09 a été jugée très regrettable par de nombreux commentateurs pour son extrême rigueur dans l’application de l’article 123(2) et son refus de prendre en compte le fait que l’erreur était due à la division d’examen. La chambre 3.2.02 qui en est l’auteur n’est manifestement pas de cet avis puisqu’elle la cite à plusieurs reprises.

DXThomas a dit…

Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’Art 69 s’applique principalement au brevet délivré, cf. Art 69(2). La procédure d’examen a pour but de produire un brevet tel qu’il aurait en fait dû être déposé à la date de priorité, si une priorité si une priorité valide a été revendiquée, ou à la date dépôt dès lors qu’aucune priorité n’aura été revendiquée.

Il est donc indéniable que la forme dans laquelle le brevet est délivré joue un rôle primordial. Il est tout aussi indéniable que les modifications apportées en cours d’examen jouent un rôle important, que ce soit pour les revendications ou pour la description. Les modifications de la description pour l’adapter aux revendications demandent un soin certain et peuvent effectivement introduire une extension d’objet si le soin requis n’est pas appliqué.

Qu’une DE puisse faire une erreur au moment de la rédaction de la notification selon la R 71(3) en faisant une modification indue est certes regrettable. Il n’en reste pas moins que si le déposant approuve le texte dans lequel le brevet sera délivré, il accepte et endosse l’erreur commise par la DE.

D’après T 265/20, cette acceptation devient définitive au moment où le demandeur paye la taxe de délivrance et de publication et dépose les traductions conformément à la R 71(5). Ainsi, la "volonté réelle" des membres de la DE lors de l'édition de la communication conformément à la R 71(3) n'est pas pertinente.

Sur ce dernier point, l’acceptation par le déposant de modifications dans la notification selon la R 71(3), T 1473/19 n’est pas critiquable. Par contre l’association entre l’Art 69 et l’Art 123(2) le sont bien plus, car cette association peut aboutir à édulcorer l'exigence d'une divulgation directe et non ambiguë en matière d’extension d’objet.

 
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