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jeudi 2 février 2023

T702/20: caractère technique d'un réseau de neurones

La demande de brevet portait sur un réseau de neurones mise en œuvre sur un ordinateur.

Contrairement au réseau de neurones de D1, certaines connexions étaient établies avant la phase d'entraînement, selon une matrice de vérification de codes d'erreur, permettant au système de fonctionner plus rapidement tout en maintenant ses performances de classification.


Même si la structure du réseau pouvait être nouvelle et non-évidente, elle reste toute de même un objet exclu en tant que de tel de la brevetabilité, car elle définit une classe de fonctions mathématiques. Elle ne peut donc être prise en compte dans l'appréciation de l'activité inventive que si elle résout un problème technique, par exemple si elle est entraînée avec des données spécifiques pour un tâche technique spécifique.

La Demanderesse argumentait que le réseau de neurones produisait un effet technique au sein même de l'ordinateur et que de manière générale les réseaux de neurones résolvaient des problèmes techniques en automatisant des tâches humaines. 

Sur le premier point, la Chambre fait remarquer que la mise en œuvre du réseau ne nécessite aucune adaptation de l'ordinateur et que si le réseau permet effectivement de réduire les besoins de stockage et de calcul, cela vient simplement de ce qu'il fonctionne différemment. Un réseau à 1 neurone nécessiterait encore moins d'espace de stockage mais ne serait pas capable de grand chose. Sur le deuxième point, la Chambre n'est pas convaincue que les réseaux de neurones fonctionnent comme un cerveau humain et que la revendication ne spécifie aucun niveau de complexité. Surtout, la revendication ne spécifie aucune tâche particulière.

Le réseau revendiqué est utilisé pour résoudre des problèmes de classification ou de régression, et peut donc utiliser tout type de données. Les données de sortie n'ont pas non plus d'utilisation technique; il peut s'agir par exemple de prévision de cours de bourse. 

La revendication dans son ensemble spécifie des opérations mathématiques abstraites mises en œuvre par ordinateur sur des données non spécifiées, à savoir la définition d'une classe de fonctions d'approximation (le réseau avec sa structure), la résolution d'un système (complexe) d'équations (non linéaires) pour obtenir les paramètres des fonctions (l'apprentissage des poids) et l'utilisation de ce système pour calculer les sorties pour de nouvelles entrées. Son objet ne peut pas être considéré comme la résolution d'un problème technique, et il ne va donc pas au-delà d'une méthode mathématique, au sens de l'article 52(2) CBE, mise en œuvre sur un ordinateur.


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7 comments:

Anonyme a dit…

Une fois la R1 lue, on comprend un peu mieux la décision. Ce n'est pas trop beaucoup technique comme dirait Numérobis...

Anonyme a dit…

En général lire la revendication peut aider à comprendre l'invention ou la décision qui s'y rapporte.

Anonyme a dit…

Ce cas est très intéressant. Certes l'article 52(2) CBE interdit la protection en Europe des méthodes purement mathématiques, mais il n'en est pas de même dans certains pays. En effet, Mitsubishi a obtenu une délivrance de brevet au Japon, en Corée et aux Etats-Unis (Cf. les inventions brevetables de l'article 35USC101 :"Whoever invents or discovers any new and useful process, machine, manufacture, or composition of matter, or any new and useful improvement thereof, may obtain a patent therefor, subject to the conditions and requirements of this title."). Dans le cas d'un litige aux Etats-Unis, je suis toutefois curieux de savoir comment les tribunaux américains traiteraient une demande reconventionnelle en nullité de ce brevet US au regard de la décision de juin 2014 de la Cour Suprême (Affaire Alice Corporation Vs. CLS Bank).

Vous avez dit intelligent? a dit…

Les considérations développées aux points 15-17 de la décision sont elles aussi fort intéressantes.

La CR réfute, à juste titre, que le réseau neuronal revendiqué se comporte comme le cerveau humain.

Le réseau neuronal fonctionne toujours selon la programmation de sa structure et de son schéma d'apprentissage. Ses paramètres et les résultats fournis sont entièrement déterminés, compte tenu des données d'apprentissage et de la procédure d'apprentissage.

Les revendications ne spécifient en outre aucune tâche particulière, pour le réseau neuronal, c'est-à-dire aucun type de relation à apprendre.

En d’autres termes, le réseau neuronal revendiqué n’est pas intelligent, mais complètement artificiel. Dans le cas d’espèce, il n’est même pas indiqué à quoi il pourrait servir.

Qu’il ne soit pas brevetable est donc manifeste.

Il est peu probable que l’IA produira beaucoup de dépôts de brevet d’invention et ce pour des raisons de suffisance d’exposé. Il est manifeste qu’un réseau neuronal peut accomplir des tâches répétitives plus rapidement qu’un être humain, par exemple d’analyser des radiographies, mais pour obtenir un brevet il faut indiquer les données d’apprentissage et la loi de corrélation.

Les données étant un bien précieux, il est douteux que beaucoup d’acteurs du secteur soient prêts à les rendre publiques.

D’une manière générale le résultat fourni par un réseau neuronal n’est prévisible que pour son concepteur, mais pas pour le tiers qui y est confronté.

Anonyme a dit…

@Vous avez dit intelligent?

"Il est peu probable que l’IA produira beaucoup de dépôts de brevet d’invention et ce pour des raisons de suffisance d’exposé. Il est manifeste qu’un réseau neuronal peut accomplir des tâches répétitives plus rapidement qu’un être humain, par exemple d’analyser des radiographies, mais pour obtenir un brevet il faut indiquer les données d’apprentissage et la loi de corrélation."

Je suis on-ne-peut-plus d'accord. Dans les demandes traitant de réseaux neuronaux, je suis toujours frappé du peu d'informations sur les données d'apprentissage, et sur la structure du réseau de neurones employé. Selon qu'on emploie telle ou telle couche, dans tel ou tel ordre, le réseau neuronal peut fonctionner ou au contraire ne rien donner. Sans parler du jeu de données d'entraînement, qui s'il n'est pas accessible pourrait à lui seul être une potentielle source d'insuffisance de description. Ne serait-ce que la taille et la forme du jeu de données d'entraînement manque, souvent.

Trouver la bonne forme de réseau neuronal est cruciale dans bien des cas pour que ce dernier, une fois entraîné, produise des résultats probants. Il me paraît aberrant que l'on puisse délivrer des brevets dont la description ne permet pas à un lecteur technicien de reproduire l'invention sans devoir tâtonner à tel point qu'il faut refaire toute la R&D ayant mené à l'invention.

Bref, pour l'instant je trouve extrêmement chiche les demandes portant sur des réseaux neuronaux, et j'aimerais que compte tenu de la complexité de l'objet, la même exigence de suffisance de description s'y applique, à l'instar de ce qui est fait en biologie.

Après ça n'est que mon avis.

Francis Hagel a dit…

Cette décision de la CRT 3.5.06 est cohérente avec les décisions T 161/18 et T 1191/19 de la CRT 3.5.05 qui ont mis au centre de l’attention l’apprentissage du système d’IA et jugé que l’absence d’information sur les données d’apprentissage était rédhibitoire. Dans ces deux décisions, la CRT a soulevé d’office l’Article 83, ce motif n’ayant pas été invoqué par la Division d’Examen. Cela n’est pas le fait du hasard, la ligne de l’OEB étant que les tiers sont mieux placés de par leur expertise spécifique que les Divisions d’Examen pour invoquer l’insuffisance de description, par observations selon l’Article 115 ou opposition. (A ce sujet, il faut noter que la directive F-III 3 est remarquablement laconique, et que le projet de révision 2023 ne fait toujours aucune référence aux deux décisions en question. @Anonyme, vous avez jusqu’au 4 avril pour déposer des observations si vous n’êtes pas satisfait du projet de révision.)

Par ailleurs, la décision T 0702/20 est à différencier de ces deux décisions car l’invention revendiquée est une structure de réseau de neurones et non plus une application particulière d’un système d’IA.

La question était ici de décider si le réseau de neurones revendiqué est à considérer comme de nature purement mathématique ou s’il a un caractère technique. Elle est beaucoup plus complexe. Le déposant a mis en avant des effets techniques (réduction du besoin de stockage, vitesse de calcul). La CRT a estimé que la demande ne décrivait aucune implémentation particulière à un certain type d’ordinateur, ce qui me semble correspondre à l’exigence de la directive G-II 3.3.

Une autre considération de la CRT est que les effets techniques cités par le déposant sont à mettre en balance avec les inconvénients résultant du réseau revendiqué. Ce raisonnement peut sembler surprenant s’il s’agit de déterminer si l’objet revendiqué a un caractère technique. Cela soulève la question de ce qu’est le « problème technique ». Faut-il pour apprécier s’il y a un problème technique prendre en compte l’ensemble des effets, positifs et négatifs, liés à l’invention revendiquée ?

Brian Cronin a dit…

This decision is interesting from several viewpoints.
First, it correctly addresses lack of inventive step from the viewpoint of Article 56 EPC (non-obviousness), not from the usual misapplication of the problem-solution approach.
Second, it correctly lists the cumulative requirements for patentability: technical character of invention, non-exclusion, novelty, inventive step.
Mysteriously, the Board concludes on inventive step, and then goes backwards to challenge non-invention based on the Board’s unconvincing opinion of no technical effect. As far as my understanding goes, the existence of technical effect is not a matter for the Board’s opinion. If an invention has technical character, is novel and inventive, it per se involves a technical effect. It’s simply a matter of how to express the technical effect (not a matter of denying technical effect based on an unsubstantiated opinion).
If we accept that this invention meets up to the listed requirements for patentability, this is not the end of the road. The invention still must meet up the requirement of industrial applicability, that so far has not been the subject of many Board decisions, because so far Boards were able to base their rejections on the previous cumulative requirements for patentability.
Again, as far as I can see, as the neural network is part of a computer memory and not part of a human brain, it should not be too difficult to show that it meets up to the requirement of industrial applicability.

 
Le Blog du Droit Européen des Brevets Copyright Laurent Teyssèdre 2007-2022