Dans l'affaire G1/23, la Grande Chambre avait été saisie de questions portant sur l'accessibilité au public d'usages antérieurs, en particulier sur la question de savoir si la composition ou la structure interne du produit mis sur le marché devait pouvoir être analysée et reproduite sans efforts excessifs par la personne du métier.
En réponse, la Grande Chambre a décidé ce qui suit :
1. Un produit mis sur le marché avant la date de dépôt d'une demande de brevet européen ne peut être exclu de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE au seul motif que sa composition ou sa structure interne ne pouvait être analysée et reproduite par la personne du métier avant cette date.
2. Les informations techniques relatives à un tel produit qui ont été rendues accessibles au public avant la date de dépôt font partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE, indépendamment du fait que la personne du métier pouvait ou non analyser et reproduire le produit et sa composition ou sa structure interne avant cette date.
La Grande Chambre estime que l'exigence de reproductibilité de l'avis G1/92 doit être comprise au sens large comme étant la capacité pour la personne du métier à obtenir et posséder le produit physique. Elle est donc également satisfaite par l'obtention du produit sur le marché, pas seulement par le fait de pouvoir reproduire le produit.
La Grande Chambre considère en effet que la CBE ne permet pas d'établir une fiction juridique selon laquelle un produit qui ne serait pas reproductible sans efforts indus serait considéré comme n'existant pas. En pratique, presque aucun produit (y compris venant d'une divulgation écrite ou orale) ne serait considéré comme faisant partie de l'état de la technique, car il faudrait que la personne du métier soit également capable de produire les matières premières.
L'avis G1/92 doit être correctement lu de la manière suivante: la composition chimique d'un produit fait partie de l'état de la technique lorsque le produit en tant que tel est accessible au public et peut être analysé par la personne du métier. Il en est de même pour toutes les propriétés analysables du produit.
Quant au fait que le produit puisse être ultérieurement indisponible ou modifié, cela peut rendre plus difficile l'établissement de la preuve de certaines propriétés, mais l'enseignement qui a été tiré de la mise sur le marché du produit ne peut disparaître rétroactivement.






28 comments:
Enfin !!
Jamais compris qu'on puisse breveter un produit déjà mis sur le marché, en contradiction flagrante avec le bon sens et la CBE.
Ce n'est pas une "on-sale bar", mais on n'en est pas très loin. Et comme l'a dit le premier commentateur, cette conclusion est bienvenue : un brevet ne doit pas enlever du domaine public un objet qui y était précédemment.
"Enfin !!
Jamais compris qu'on puisse breveter un produit déjà mis sur le marché, en contradiction flagrante avec le bon sens et la CBE."
Je comprends ce point de vue. Toutefois, le brevet récompense la publication d'information pour éviter le secret.
Déposer une demande de brevet pour un produit déjà sur le marché permet d'en révéler la structure secrète au public.
Bref je n'ai pas de religion sur le sujet et je ferais avec.
Un brevet rend public la structure d'un objet permettant de le reproduire (théoriquement). Et la publication ne peut être retirée du domaine public.
Par contre, le producteur d'un produit non breveté peut le retirer du marché et personne ne peut le reproduire par la suite faute d'informations nécessaires à sa reproduction.
Je ne suis pas completement d'accord avec les commentaires précédents. G1/92 n'est pas remplacée mais réinterprétée. Pour moi, la question est de savoir si un produit (c'est-à-dire l'ensemble du produit, y compris ses caractéristiques intrinsèques et extrinsèques, ainsi que toute autre information relative à ce produit et trouvée dans d'autres sources) disparaît fictivement de l'état de la technique pour la seule raison que, à un moment donné, il pouvait être acheté mais pas reproduit dans sa propre cuisine. Et l'EBoA a dit que cela ne peut pas être la seule raison. Cela peut toujours être la conclusion. Mais d'autres raisons sont nécessaires (telles que l'inaccessibilité de la caractéristique en cause)
@Anonyme de 18:19 :
Ce n'est même pas une réinterprétation, plus un complément. Ma lecture de l'imbrication des deux décisions est la suivante :
G1/92 1. précise que la possibilité pour une PDM d'analyser et reproduire constituent une accessibilité au sens de Art. 54(2). Autrement dit, cette possibilité d'analyser et reproduire par une PDM est une condition **suffisante** pour faire entrer le produit sur le marché dans l'EDT.
G1/23 1. précise quant à elle que cette possibilité d'analyser et reproduire n'est **pas** une condition **nécessaire** pour faire entrer le produit sur le marché dans l'EDT. Puisqu'il existe des EDT pas accessibles/reproductibles par la PDM.
Autrement dit, la CGR a simplement précisé que les produits dont la PDM a la "possibilité d'analyser et reproduire" est un sous-ensemble des produits accessibles au public.
Ni plus, ni moins.
Je suis d'accord aussi que cette décision semble plus logique que G1/92. G1/23 respecte l'esprit de la CBE. La théorie est donc sauve.
Par contre, il s'agit plus d'un problème de preuves à mon avis. Même si théoriquement le produit qui est sur le marché est art antérieur pour une demande de brevet postérieure, peut-on prouver que le produit du marché comprenait bien l'objet du brevet puisque sa composition/structure interne ne pouvait justement pas être connue ni reproduite?
"Par contre, il s'agit plus d'un problème de preuves à mon avis. Même si théoriquement le produit qui est sur le marché est art antérieur pour une demande de brevet postérieure, peut-on prouver que le produit du marché comprenait bien l'objet du brevet puisque sa composition/structure interne ne pouvait justement pas être connue ni reproduite?"
Dans G1/23, il est question de pouvoir analyser et reproduire "avant cette date" (la date effective de l'objet considéré). Sous-entendu, même si les connaissances nécessaires pour analyser et reproduire cet objet (et donc prouver qu'il antériorise l'objet d'une revendication) n'ont été construites qu'après la date effective de l'objet, cette antériorité est bien un EDT au sens de Art. 54(2).
J’ai moi-même commenté cette décision dans mon blog.
Il est a priori acceptable et logique qu’un produit mis sur le marché ne puisse plus être breveté par la suite.
Le problème est lorsque le produit mis sur le marché n’est connu que par une marque, et que rien d’autre ne soit connu de ce produit ou comment il peut être obtenu.
Au vu de la jurisprudence existante, les problèmes posés par un produit uniquement défini par une marque, qu'il soit disponible temporairement ou non, ne semblent pas aussi faciles à résoudre que le prétend la GCR.
Par exemple, dans T 392/01 le produit utilisé est défini uniquement par une marque "Cascotak ADP 21/494″, mais ce produit a disparu du marché et le brevet a été révoqué.
La revendication 1 de AR4 dans T 842/1, stipule que le « réactif anti-mousse » soit choisi dans un groupe de réactifs anti-mousse désignés par des marques, à savoir « 1520-US, AF, FG-10, 0-30, SE-15, et Antifoam B ».
La CR a considéré que la composition chimique des réactifs anti-mousse désignés par les marques n'était pas connue, puisque la composition exacte de ces émulsions ou réactifs anti-mousse était explicitement déclarée « confidentielle ».
Les parties étaient d’accord pour dire qu'ils étaient tous disponibles dans le commerce aux dates de priorité et de dépôt du brevet, mais leur disponibilité jusqu'à la fin de la durée de validité du brevet a été contestée. La CR fait sienne ce point de vue et a révoqué le brevet pour insuffisance d’exposé.
Une conclusion similaire a été tirée dans T 797/14.
Selon G 1/23, ces brevets n’auraient jamais du être révoqués.
Il existe également une longue jurisprudence selon laquelle une divulgation qui ne peut pas être reproduite ne peut être opposée à une demande ou à un brevet. Voir Jurisprudence des CR, 10e édition, I-C, 4.11. Cette jurisprudence est-elle devenue obsolète avec G 1/23 ?
Dans T 522/14 et T 2020/14, les produits utilisés n’étaient désignés que par des marques, mais la composition chimique était connue par ailleurs.
La comparaison avec un usage public antérieur pour la disponibilité d'un produit est un point de vue intéressant, mais il ne s'ensuit pas, au vu de la jurisprudence existante, qu'un produit connu sous une marque doive être disponible uniquement à la date de dépôt, mais également pendant toute la durée de vie du brevet.
G 1/23 donne l’apparence d’une décision pragmatique, mais à seconde lecture, ce caractère semble moins évident.
Cette décision s’appuie sur un raisonnement de bon sens. L’interprétation en discussion de G 1/92 conduit selon la décision à des résultats absurdes. Si on suppose que le produit mis sur le marché est complexe, son fabricant fait appel à des composants pour lesquels il s’adresse à des fournisseurs, ce qui compte, pour que son produit soit reproductible, est que les composants soient disponibles sur le marché. Le fabricant n’a pas à se soucier de la façon dont les composants sont obtenus par ses fournisseurs.
Mr Hagel,
Les connaissances générales de la personne qualifiée font sans aucun doute partie du monde des brevets. Je ne savais pas que le bon sens en faisait également partie.
Le problème de G 1/23 est qu'un produit connu uniquement par une marque peut disparaître du marché et/ou que sa composition peut être « confidentielle ». Ceci est en contradiction flagrante avec la jurisprudence existante comme je l'ai montré dans mon premier commentaire.
Cela signifie-t-il que la suffisance d’exposé est automatiquement acquise si un produit, uniquement connu par une marque, est sur le marché le jour du dépôt, mais que sa disponibilité n'est pas garantie jusqu'à la fin de la durée de vie du brevet et/ou que sa composition reste secrète?
C'est une conclusion qui peut être tirée de G 1/23. Ce résultat est pour moi également absurde.
Je comprends la décision en ce sens que si le produit est sur le marché, il fait partie de l'état de la technique en tant que tel, mais que sa composition chimique ou ses propriétés ne font partie de l'état de la technique que si elles ont été divulguées dans des documents ou si elles étaient étaient analysables/mesurables à la date de dépôt.
Il resterait donc possible de breveter la composition d'un produit déjà mis sur le marché mais qui n'était pas analysable.
Correct ?
"Je comprends la décision en ce sens que si le produit est sur le marché, il fait partie de l'état de la technique en tant que tel, mais que sa composition chimique ou ses propriétés ne font partie de l'état de la technique que si elles ont été divulguées dans des documents ou si elles étaient étaient analysables/mesurables à la date de dépôt."
Pour moi, non. Ce n'est pas ce que G1/23 dit.
G1/23 dit qu'on ne peut pas exclure ce produit de l'EDT au *seul* motif que sa composition/structure n'est pas analysable et reproductible (pour une PDM).
Avec G1/23, la GCR considère donc que, parmi les produits mis sur le marché et dont la composition/structure n'est pas analysable et reproductible, il y en a des qui appartiennent à l'EDT, et d'autres qui n'y appartiennent pas.
Autrement dit, la négation de la clause "de composition/structure analysable et reproductible" n'implique pas la négation de la clause "le produit appartient à l'EDT".
Par raisonnement logique (contraposée), on en tire que la clause "le produit appartient à l'EDT" n'implique pas la clause "de composition/structure analysable et reproductible".
G1/23 implique donc que la clause "de composition/structure analysable et reproductible" n'est pas une condition nécessaire pour faire partie de l'EDT.
G1/92, lui, disait que cette clause est en revanche (et c'est bien logique) une condition suffisante.
G1/23 complète donc G1/92 ; j'ai d'ailleurs du mal à voir l'incohérence, sauf à considérer que le "dès lors" dans G1/92 point 1 est un marqueur logique qui symbolise l'équivalence ; G1/23 tranche : le "dès lors" de G1/92 signifie simplement que SI possibilité d'analyser et de reproduire il y a, ALORS il y a appartenance à l'EDT.
C'est logique, presque mathématique.
@Mandataire extérieur
Vous avez raison de citer le « on-sale bar » du droit US. Le droit US va même plus loin. Un procédé de fabrication gardé secret est considéré comme divulgué si un produit obtenu par le procédé est mis sur le marché, comme cela a été réaffirmé dans la décision de la CAFC Celanese c. ITC du 12 août 2024.
@DXThomas
Le bon sens est le bienvenu, y compris dans le domaine des brevets. Le droit des brevets fait grand usage de fictions juridiques, le bon sens est loin d’être inutile pour en limiter les applications trop irréalistes ou complexes.
La GCR a fait preuve de bon sens dans sa décision, en considérant comme état de la technique un produit mis sur le marché, sans prendre en compte l’accès du public à sa composition ou à ses propriétés. Le raisonnement de la GCR est convaincant car réaliste, puisqu’il se base sur la situation d’un industriel qui achète des composants à des fournisseurs. De plus, la décision écarte l’application d’une condition inspirée de l’article 83 à la définition de l’état de la technique selon l’article 54, qui aurait ouvert une boîte de Pandore et créé des complications et des incertitudes préjudiciables aussi bien à l’OEB qu’aux acteurs concernés.
Vous vous référez à plusieurs reprises à des produits cités dans la description comme utiles pour la mise en œuvre de l’invention qui ne sont connus que par un nom de marque. Mais le problème n’est pas de savoir comment un produit est désigné dans la description, ce qui compte, c’est s’il a été ou non mis sur le marché. La référence à une marque pour identifier un produit commercial est un raccourci commode dans la rédaction d’une demande, car les marques sont normalement familières aux hommes du métier du domaine concerné, toutefois ce n’est pas en soi une preuve que le produit a été effectivement mis sur le marché.
Du reste, le produit ENGAGE 8400 en cause dans le dossier à l’origine de la décision n’est pas du tout dans ce cas de n’être connu que par un nom de marque, il fait l’objet d’informations très détaillées disponibles sur internet.
@Mandataire extérieur
Vous avez raison de citer le « on-sale bar » du droit US. Le droit US va même plus loin. Un procédé de fabrication gardé secret est considéré comme divulgué si un produit obtenu par le procédé est mis sur le marché, comme cela a été réaffirmé dans la décision de la CAFC Celanese c. ITC du 12 août 2024.
@DXThomas
Le bon sens est le bienvenu, y compris dans le domaine des brevets. Le droit des brevets fait grand usage de fictions juridiques, le bon sens est loin d’être inutile pour en limiter les applications trop irréalistes ou complexes.
La GCR a fait preuve de bon sens dans sa décision, en considérant comme état de la technique un produit mis sur le marché, sans prendre en compte l’accès du public à sa composition ou à ses propriétés. Le raisonnement de la GCR est convaincant car réaliste, puisqu’il se base sur la situation d’un industriel qui achète des composants à des fournisseurs. De plus, la décision écarte l’application d’une condition inspirée de l’article 83 à la définition de l’état de la technique selon l’article 54, qui aurait ouvert une boîte de Pandore et créé des complications et des incertitudes préjudiciables aussi bien à l’OEB qu’aux acteurs concernés.
Vous vous référez à plusieurs reprises à des produits cités dans la description en relation avec la mise en œuvre de l’invention qui ne sont connus que par un nom de marque. Mais le problème n’est pas de savoir comment un produit est désigné dans la description. Ce qui compte, c’est de savoir s’il a été ou non mis sur le marché. La référence à une marque pour identifier un produit commercial est un raccourci commode dans la rédaction d’une demande, car les marques sont normalement familières aux hommes du métier du domaine concerné. Toutefois ce n’est pas en soi une preuve que le produit a été effectivement mis sur le marché.
Du reste, le produit en cause dans la décision de saisine T 438/19 , identifié par la marque » ENGAGE 8400 » dans le document D1, n’est pas seulement connu par ce nom de marque, il fait l’objet d’informations très détaillées disponibles sur internet.
En ce qui concerne « ENGAGE 8400 », il existe en effet de nombreuses informations sur les paramètres auxquels il répond, mais il n'y a aucune information sur sa composition réelle, que ce soit avant la date de dépôt de D1 ou actuellement.
Dans le document D1, déposé le 19 septembre 2007, « ENGAGE 8400 » a été utilisé pour encapsuler une cellule solaire. Dans les informations disponibles plus récemment sur « ENGAGE 8400 », l'utilisation de « ENGAGE 8400 » est recommandée pour les « couvercles d'airbags, les pare-chocs, les panneaux, les consoles et les garnitures », c'est-à-dire pour l'industrie automobile. Rien n'est dit sur la possibilité d'encapsuler des cellules solaires.
Je conclurais donc logiquement que l'utilisation d'« ENGAGE 8400 » pour encapsuler des cellules solaires n'est plus conseillée par le propriétaire de D1 et le fabricant d'« ENGAGE 8400 », pour les deux il s'agit de la société Dow.
La GCR a peut-être trouvé une solution pragmatique au moment du dépôt, mais n'a pas tenu compte de ce qui s'est passé avec un produit connu uniquement sous sa marque pendant la durée de vie du brevet dans lequel il a été mentionné. Le brevet D1, qui a un membre de la famille EP, est proche de la fin de sa durée de vie.
Je maintiens que, tant que le produit est disponible pendant la durée de vie d'un brevet, il n'y a pas de problème de suffisance, mais une fois que le produit disparaît du marché, ou comme dans le cas présent, le fabricant ne conseille même pas l'utilisation de son produit pour encapsuler des cellules solaires, des doutes raisonnables sont permis quant à la suffisance d'exposé de D1.
Si la composition d'un produit uniquement connu par une marque est connue en tant que telle du fabricant ou d'autres sources fiables, il n'y a pas de problème avec la disponibilité du produit, même après la date de dépôt. Voir par exemple T 522/14 ou T 2020/13, que j'ai citées dans mes commentaires.
La solution proposée par la GCR conduit en fait à plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre. La disponibilité du produit à la date de dépôt n'est rien d'autre qu'un instantané. Si je ne me trompe pas complètement, la suffisance d'exposé devrait être présente pour toute la portée revendiquée et toute la durée de vie d'un brevet.
Dans le brevet T 1293/13, les revendications 1 et 17 limitent la détermination de la perméabilité à l'air du vêtement à une méthode particulière « mesurée selon la norme ASTM D737-96 » et à une machine particulière « Frazier Low Pressure Air Permeability Machine 750 ». La machine « Frazier Low Pressure Air Permeability Machine 750 » n'existe plus, de sorte qu'elle ne peut être utilisée pour déterminer les valeurs revendiquées. La machine n'étant plus disponible, la chambre a estimé que les exigences de l'article 83 n'étaient pas remplies et a confirmé la révocation du brevet.
Cette situation est similaire à celle de T 392/01, T 842/14 et T 797/14 que j'ai citées dans mes commentaires, où les produits n'étaient connus que par leurs marques.
Je ne pense pas que le résultat de toutes ces décisions soit absurde.
Comparer la disponibilité de « ENGAGE 8400 » avec celle d'un usage antérieur public est au mieux quelque peu précipité de la part de la GCR.
@DXThomas
A mon sens la suffisance de description n'a rien à voir.
Parmi les critères de brevetabilité, la nouveauté et l'activité inventive, fondés sur l'état de la technique: G1/23 nous dit que tout produit sur le marché est état de la technique, que sa composicion soit connue ou non.
Un autre critère pour obtenir un brevet est de décrire suffisamment l'invention. Citer une marque de produit dont la composition n'est pas connue n'est pas suffisant.
Je ne vois pas de contradiction. Ce sont deux critères distincts qui s'appliquent à qui veut obtenir un brevet. On pourrait simplement en conclure que l'exigence de suffisance de description est 'plus haute' que celle de 'suffisance de description de l'état de l'art'.
A la lecture à tête reposée, il y a un truc qui me chiffonne.
Au point 2.2.3 la GCR nous dit que les produits mis sur le marché et les produits naturels doivent être considérés de la même façon.
En conséquence on peut comprendre que ces deux types font partis de l'EDT.
Il n'y a pas de doutes que les produits naturelles sont analysables (même s'ils ne l'ont pas été) et j'en tire comme conclusion de G1/23 que leur structure fait également partie de l'EDT.
Est ce que ce ne serait pas en contradiction avec toute la jurisprudence en chimie et en bio et plus particulièrement avec l'art 3.2 de la directive biotech ?
La directive vise une "matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique".
Je ne vois pas de contradiction: si la matière n'existait pas sous forme isolée dans la nature, elle ne fait pas partie de l'état de la technique.
à anonyme de 14h22
OK pour la directive biotech.
si je déroule ce raisonnement dès qu'un produit naturel n'est plus dans son environnement naturel (dans un extrait, une banque), il fait partie de l'EDT et n'est plus nouveau même s'il n'a jamais été décrit.
Après mûre réflexion, il me semble y avoir une contradiction inhérente à la décision de la GCR.
D'une part, en suivant la GCR, il peut être admis prima facie que tout produit disponible sur le marché, qu'il soit reproductible ou non, fait partie de l'art antérieur au sens de l'article 54(2).
D'autre part, dans son résumé, point V, la GCR a précisé que « la suffisance d'exposé au sens de l'article 83 CBE n'est pas traitée dans la présente décision ».
La contradiction provient du fait qu'il existe une longue jurisprudence des CR selon laquelle une divulgation insuffisante dans l'art antérieur ne peut pas être retenue contre une demande/un brevet. Un tel document ne peut donc pas appartenir à l'art antérieur selon l'Art 54(2).
D'autre part, un élément insuffisamment divulgué dans une demande/un brevet n'est pas en mesure d'étayer la suffisance de ce dernier. Après sa publication, il ne me semble pas non plus possible qu'une telle demande publiée ou qu’un tel brevet fasse partie de l'art antérieur selon l'Art 54(2).
Considérer que dès lors qu’un produit est sur le marché, l'appartenance à l’art antérieur selon l’Art 54(2) indépendamment de la suffisance d’exposé, me semble poser plus de problèmes que G 1/23 essaie de résoudre.
La comparaison de la GCR avec un produit naturel, autre qu’une séquence de gênes, ne convainc pas vraiment, pas plus qu’un usage antérieur public. Un usage antérieur public est-il toujours suffisamment divulgué?
Ce commentaire vaut aussi pour Anonimo 13X.
"D'une part, en suivant la GCR, il peut être admis prima facie que tout produit disponible sur le marché, qu'il soit reproductible ou non, fait partie de l'art antérieur au sens de l'article 54(2)."
Non.
G1/23 point 1. me semble dire que l'impossibilité d'analyser et de reproduire ne peut pas être le SEUL critère pour exclure de l'EDT.
Mais G1/23 ne dit en aucun cas que *tout* produit disponible sur le marché, reproductible ou non, fait partie de l'EDT.
G1/23 point 1 oblige simplement à trouver des arguments en plus de la non reproductibilité/possibilité d'être analysé pour prouver qu'un produit n'est pas un EDT.
@ Stuff,
Même en suivant votre raisonnement, le problème reste entier. Selon G 1/23, un produit mis sur le marché ne peut pas être exclu de l’art antérieur selon l’Art 54(2), pour la seule raison que sa composition ou sa structure interne ne pouvait être analysée et reproduite par la personne qualifiée avant cette date.
Si la composition du produit mis sur le marché avant la date de dépôt peut être déterminée par rétro-ingénierie, elle appartient alors pleinement à l'art antérieur en vertu de l'Art 54(2), cf. G 1/92. Dans le cas ayant mené à G 1/23, la composition de ENGAGE 8400®, la composition du produit ne pouvait apparemment pas être déterminée.
Tout le problème réside dans le fait que la jurisprudence des CR est telle qu’un «art antérieur» non reproductible, ne peut pas être opposé à une revendication au titre de l’Art 54(2).
Ceci est certainement le cas avec des produits uniquement connus sous leur marque de fabrique, et que leur composition est maintenue secrète. Les documents commerciaux font souvent état du fait que le fabricant se réserve le droit de modifier la composition du produit vendu sous une marque selon les progrès de la technique.
Par exemple, Teflon® est une marque déposée. Son composant principal est le PTFE, mais connaissez-vous les additifs non divulgués qui y ont été introduits? Bien que tous les produits de la marque Teflon contiennent du PTFE, tous les produits en PTFE ne sont pas composés de téflon. Simplement indiquer Teflon® dans la description d’un brevet, peut induire une insuffisance d’exposé. Dans une revendication, c’est à proscrire absolument.
La situation devient encore plus difficile à comprendre si le produit disparait du marché avant la fin de la vie du brevet. La jurisprudence des CR à ce sujet est tout aussi claire: insuffisance d’exposé.
G 1/23 a, pour ma part, créé une fiction difficilement réconciliable avec la réalité représentée par la jurisprudence des CR sur l'insuffisance d'exposé, ou alors doit-on jeter par-dessus bord toute cette jurisprudence ? Si tel devait être le cas, la GCR aurait dû le dire.
Ce qui m'étonne c'est que l'on parle d'art antérieur et de nouveauté sans mentionner de revendication. Si un produit (comme Engage 8400) est ou a été sur le marché, il est ou a été disponible pour le public, donc il est logique qu'une revendication de produit manque de nouveauté. Celui qui trouve un procédé pour le fabriquer aura droit à un brevet pour le procédé, et Dow pourra (peut-être) bénéficier d'une possession personnelle antérieure. Par contre, s'il s'agit d'un document qui divulgue toutes les caractéristiques du produit Engage 8400, la suffisance de description est nécessaire pour que ce soit une antériorité destructrice de nouveauté pour une revendication de produit. Je suis donc d'accord avec le premier commentateur (anonyme 3 juillet 2025 à 08:47).
Qu'un produit mis sur le marché ne soit plus, en tant que tel, brevetable par après ne souffre aucune discussion. Intervient cependant la notion de suffisance d’exposé pour le produit mis sur le marché.
La question importante est la reproductibilité du produit mis sur le marché. Si celle-ci ne peut pas être établie, alors fait-il vraiment partie de l’art antérieur et peut-il être opposé à l’objet d’une revendication? Je ne le pense pas.
Dans le cas d'espèce, le problème est qu'il n'existe aucun document qui divulgue toutes les caractéristiques du produit Engage 8400 et que manifestement le propriétaire n'a pas été en mesure de le reproduire.
L'insuffisance d'exposé se juge par rapport à l'ensemble de la divulgation et pas seulement au niveau d'une revendication, sinon il s'agit souvent d'une objection de clarté déguisée.
@DXThomas : votre réponse fait sens, j'aimerais apporter quelques commentaires.
1. "Tout le problème réside dans le fait que la jurisprudence des CR est telle qu’un «art antérieur» non reproductible, ne peut pas être opposé à une revendication au titre de l’Art 54(2). "
Désormais, à la lumière de G1/23, ces JP des CR constituent des exemples de cas où un EDT non reproductible et non analysable n'appartient in fine pas à l'EDT opposable. Ce n'est pas forcément contradictoire avec G1/23, au contraire.
Si G1/23 exclut la réciproque du point 1. de G1/92, cela n'empêche en rien que, sous motivations supplémentaires un EDT non analysable et non reproductible soit exclu des EDT opposables.
Il n'est pas nécessaire pour moi de jeter toute la JP. Simplement, elle gagnerait à être affinée. On peut tout à fait trouver des exemples (fictifs) de produits dont la structure composition est, par exemple, analysable mais non reproductible (avec les techniques accessibles au public à cette période) et qui de fait devraient être considérés comme faisant partie de l'EDT opposable.
Par exemple, G1/23 permet d'empêcher, pour un produit dont la fabrication est secrète (et inaccessible à la rétro-ingénierie) mis sur le marché par son fabricant, d'être breveté ultérieurement par le fabricant.
Pour donner cet exemple un peu simpliste.
D'après G1/23, le seul critère de non reproductible/analysable ne suffit plus, mais reste en revanche un sérieux argument malgré tout.
Mais trouve-t-on une exigence de reproductibilité dans l'article 54(2) CBE? Il n'est pas contesté que le produit Engage 8400 a été mis sur le marché et donc disponible pour le public, bien au-delà d'une simple offre de vente. C'est pour une description "papier" (p.e.x dans une publication) que la reproductibilité intervient.
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