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vendredi 8 juillet 2022

J8/20: une intelligence artificielle ne peut être désignée comme inventrice

Tout un chacun connaît M. Stephen Thaler, qui à travers le monde tente de faire reconnaître son intelligence artificielle DABUS comme inventrice dans des demandes de brevets.

A ma connaissance, à l'exception de l'Afrique du Sud, les différents offices "testés" (dont US, GB, NZ, EP...) ont tous émis des objections à la désignation d'une intelligence artificielle comme inventrice, objections dans certains cas confirmées par des tribunaux. La Cour fédérale d'Australie avait, par jugement du 30.7.2021, annulé la décision de rejet de l'office, mais a récemment renversé sa première décision suite à un appel déposé par l'office.


En application de l'article 90(3) CBE ensemble l'article 81 CBE, l'OEB a le devoir d'examiner i) si une inventrice ou un inventeur a été désigné et, ii) lorsque le déposant n'est pas cette personne, si le déposant a déposé une déclaration indiquant l'origine de l'acquisition du droit au brevet. Cet examen est formel et ne nécessite pas l'identification de la loi applicable ou l'examen de preuves (règle 19(2) CBE). 

Dans le cadre de la CBE, une inventrice ou un inventeur doit être une personne, dotée de la capacité juridique. La définition même d'inventeur est "personne qui invente". Une machine n'est pas une inventrice au sens de la CBE.

Selon l'article 60(1) CBE c'est à cette personne que revient le droit au brevet, à défaut d'ayant cause. Rien dans la CBE ne permet de donner au terme d'inventeur une définition allant au-delà du sens ordinaire du mot. En outre, désigner une machine sans capacité juridique ne servirait pas les objectifs de l'article 81 CBE, qui sont de protéger les droits des inventrices et inventeurs, de faciliter l'exécution des éventuelles demandes d'indemnisation prévues par le droit interne et d'identifier une base juridique au droit au titre. Il n'existe enfin aucun droit légitime du public à savoir qui a inventé et comment l'invention a été faite. Cette explication peut en tout état de cause être fournie dans la description.

La section de dépôt a donc à bon droit rejeté la demande, car la désignation d'inventeur ne respecte pas les exigences de la CBE.

Dans une requête subsidiaire, le déposant avait indiqué sur la désignation qu'aucune personne n'avait été identifiée comme inventrice car l'invention avait été conçue de manière autonome par DABUS, et il avait déposé une déclaration indiquant que le droit au brevet lui revenait en tant que créateur et propriétaire de DABUS.

Pour la Chambre, la deuxième phrase de l'article 81 CBE doit être comprise dans le contexte de l'article 60(1) CBE, ce dernier ne prévoyant que deux manières d'obtenir le droit au brevet: soit en étant inventrice ou inventeur, soit en étant l'ayant cause de cette personne (notamment en étant son employeur). Etre ayant cause suppose l'existence d'un droit préexistant, émanant d'un transfert dont la validité dépend de la loi nationale applicable, mais il revient à l'OEB de vérifier si la déclaration est conforme aux exigences de la CBE, c'est-à-dire si elle identifie le déposant comme ayant cause ou employeur. 

Que l'invention ait été faite par une personne ou une machine, l'article 81 CBE exige d'indiquer l'origine de l'acquisition du droit. Or le fait que le déposant soit créateur et propriétaire de la machine ne fait pas de lui un ayant cause au sens de l'article 60(1) CBE. La requête subsidiaire est donc également rejetée.

Le déposant avait argumenté qu'il était incohérent d'une part de ne pas limiter les inventions brevetables au sens de l'article 52(1) CBE aux inventions faites par des humains et d'autre part de ne pas reconnaître de droit au brevet au sens de l'article 60(1) CBE pour ces mêmes inventions. La Chambre rétorque que rien n'interdit au déposant de se désigner lui-même comme inventeur, en tant que créateur ou utilisateur d'une machine impliquée dans une activité inventive.


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4 comments:

Anonyme a dit…

Mr Thaler doit avoir beaucoup de moyens pour se permettre de faire ce qu’il a fait.
Le coup de pub a certes réussi, mais pas le fait de promouvoir une machine au rang d’inventeur.
Le tribunal fédéral des brevets (BPatG) a certes confirmé la décision du DPMA, mais ses attendus ont fortement relativisé sa décision aux point que les mandataires de Mr Thaler ont même parlé d’une semi-victoire.

Anonyme a dit…

Au moins, on peut reconnaître à M. Thaler d'avoir pris sur lui et ses deniers pour clore un débat théorique de manière relativement unanime (côté offices), alors que personne n'en avait cure pour l'essentiel.

C'est beau, l'altruisme.

Franco-belge a dit…

Anonyme du 11 juillet 2022 à 09:30 11 juillet 2022 à 09:30 a dit…
Au moins, on peut reconnaître à M. Thaler d'avoir pris sur lui et ses deniers ...

Quand on parle de deniers: le thaler est une ancienne pièce de monnaie en argent, qui a donné son nom au dollar.

Brian Cronin a dit…

Cette décision est contraire aux dispositions de la CBE. Lorsque la CBE/OEB a été crée, toutes les questions concernant les inventeurs (hormis la désignation formelle) ont été exclues de la competence de l'OEB afin de ne pas compliquer la procédure d'examen de brevetabilité, laissant ces questions controversées dans le sphère de competence de états contractants. Cette exclusion est manifeste dans les dispositions de la CBE, p.ex. Art 60(3) et Règle 19(2). A cet égard, l'OEB n'est pas compétent de prendre une décision de rejet d'une demande de brevet pour un motif formel selon Art 90(5) car, si une désignation d’inventeur désignant un inventeur est déposée, la conséquence juridique est que la disposition de la CBE a été respectée et ne donne lieu à aucune objection. L’exactitude de la désignation ne change pas cette conséquence juridique, car l’0EB ne contrôle pas et n’a pas le droit de contrôler l’exactitude de la désignation d’inventeur. Le but de la publication de la désignation d’inventeur est de permettre à toute personne qui n’a pas été nommé et qui prétend être le véritable inventeur de faire valoir ses droits selon la législation des états contractants.
Il est navrant de constater que les membres des Chambres de Recours puissent oublier les dispositions de la CBE, alors que selon l’Art 23(3), dans leurs décisions, ils doivent se conformer à la CBE.

 
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