Sponsors













Ma liste de blogs

Nombre total de pages vues

5625516

jeudi 20 mars 2025

JUB - Division locale de Düsseldorf - 28.1.2025 - compétence de la JUB pour contrefaçon au Royaume-Uni

La société Fujifilm avait engagé devant la JUB une action en contrefaçon du brevet 3594009B1, en vigueur en DE et GB, contre trois sociétés Kodak domiciliées en Allemagne.

Les défenderesses contestaient le fait que la JUB soit compétente pour statuer sur la contrefaçon au Royaume-Uni, lequel n'est pas un Etat membre de l'AJUB.

Les juges, se basant sur l'article 31 AJUB et l'article 4(1) du Règlement Bruxelles I bis, ainsi que sur la jurisprudence de la CJUE (notamment l'arrêt Owusu C-281/02), décident au contraire que lorsqu'un défendeur est domicilié dans un Etat membre, la JUB a compétence pour connaître de l'action en contrefaçon de la partie GB du brevet européen.

En l'espèce, le tribunal révoque le brevet, avec effet en Allemagne uniquement, de sorte que l'action en contrefaçon n'est pas fondée en ce qui concerne l'Allemagne. S'agissant du Royaume-Uni, la JUB n'a pas compétence pour juger la validité, et de fait aucune action en révocation n'a été déposée pour la partie GB du brevet. Faute cependant pour la Titulaire d'avoir avancé des raisons pour lesquelles les conclusions sur la validité de la partie allemande ne s'appliqueraient pas également à la partie britannique, le juges présument alors que les motifs d'invalidité s'appliquent aussi à cette partie. Même si le tribunal n'est pas compétent pour décider sur la validité de la partie britannique, l'action en contrefaçon ne peut prospérer dans une telle situation de droit et de fait. Aucune action en nullité n'étant en instance devant les juridictions britanniques, il n'y a pas lieu non plus de surseoir à statuer.

Mise à part cette question de compétence, on notera quelques autres points intéressants:

  • sur la question de l'interprétation des termes d'une revendication: on doit normalement leur donner la signification technique sensée la plus large possible, et l'article 69 de la CBE et son protocole ne fournissent pas de justification pour exclure ce qui est littéralement couvert par les termes des revendications par une interprétation restrictive basée sur la description ou les dessins. Une interprétation restrictive des revendications qui s'écarte de la compréhension générale plus large des termes utilisés par une personne du métier ne peut être permise que s'il existe des raisons convaincantes basées sur les circonstances du cas individuel en question.
  • la notion de "divulgation implicite" englobe toute caractéristique qu'une personne du métier dans le domaine considérerait objectivement comme nécessairement impliquée dans le contenu explicite d'un document de l'état de la technique, par exemple en vue des lois scientifiques générales. Une caractéristique revendiquée est également implicitement divulguée si, en appliquant l'enseignement d'un document de l'état de la technique, la personne du métier arriverait inévitablement à un résultat correspondant aux termes d'une revendication. Le fait qu'un produit connu possède une caractéristique implicite ne dépend pas de l'attention portée par la personne du métier précisément à cette caractéristique par un document de l'état de la technique ou ses connaissances générales communes, mais simplement du fait que, d'un point de vue purement objectif, ledit produit doit nécessairement posséder cette caractéristique.
  • Pour se conformer à l'article 123(2) de la CBE, l'objet d'une revendication modifiée doit être enseigné directement et sans ambiguïté à la personne du métier par la demande originale. Un enseignement direct exige que l'objet soit initialement enseigné comme une réalisation individuelle spécifique, clairement définie et reconnaissable, soit explicitement, soit implicitement, sans qu'il soit nécessaire d'appliquer des compétences déductives. Un enseignement sans ambiguïté exige qu'il soit au-delà de tout doute – et non simplement probable – que l'objet revendiqué d'une revendication modifiée ait été divulgué en tant que tel dans la demande telle qu'elle a été déposée.

 

Décision du 28.1.2025 - Division locale de Düsseldorf - Affaire UPC_CFI_355/2023

Articles similaires :



3 comments:

Anonyme a dit…

Merci pour ce résumé et pour les liens directs!
Comme pour la décision précédente, le breveté domicilié dans l'UE est défavorisé par rapport à celui qui ne l'est pas... En effet, et si je comprends bien, l'art. 4(1) conduit à la conclusion "lorsqu'un défendeur est domicilié dans un Etat membre, la JUB a compétence pour connaître de l'action en contrefaçon de la partie GB du brevet européen". Cela ne s'applique pas pour le breveté Américain, Turc, Suisse, Chinois, Japonais... pas très égalitaire tout ça...

Anonyme a dit…

Cette décision est intéressante mais me laisse toutefois perplexe sur la compétence de la JUB sur toute l’UE.
L’article 31 de l’AJUB mentionne que la compétence internationale de la JUB est établie conformément au règlement Bruxelles I bis tandis que l’article 21 dudit accord mentionne que la JUB coopère avec la CJUE. Mais le considérant (11) du règlement Bruxelles I bis mentionne « Aux fins du présent règlement, les juridictions d’un État membre devraient comprendre les juridictions communes à plusieurs États membres…. Les décisions rendues par ces juridictions devraient donc être reconnues et exécutées conformément au présent règlement. » où le conditionnel est employé à deux reprises (« devraient »), aussi bien dans la version française qu’anglaise du texte.
Il serait intéressant d’avoir l’avis de la CJUE au regard du règlement Bruxelles I bis et de son considérant (11) sur le statut de la JUB, notamment vis-à-vis des états membres de l’UE qui n’ont pas ratifié l’AJUB (e.g. Espagne, Pologne).

Francis Hagel a dit…

Laurent souligne à très juste titre l'intérêt de la décision en dehors de la question de compétence.

Le Headnote 2 de la décision Fujifilm c Kodak est clair, et ce qui est très intéressant, c'est que la règle de l’interprétation raisonnable la plus large de la JUB, qui applique l’Art 69, est la même que celle des procédures devant l’OEB selon la jurisprudence des chambres de recours. Ce qui montre que la vraie question dans l’interprétation des revendications n’est pas de savoir si on applique ou non l’Art 69, mais les utilisations que l'on fait de la description et celles qui sont exclues. L’accord de l’OEB et de la JUB sur l’interprétation raisonnable la plus large exclut la prise en compte dans l’interprétation de caractéristiques figurant dans la description mais non revendiquées.

Un autre point important dans la décision Fujifilm c Kodak, affirmé à plusieurs reprises, est le principe que le brevet peut être son propre dictionnaire et que la signification de termes revendiqués telle que définie dans la description peut prévaloir sur la règle habituelle qui s’appuie sur la signification usuelle .

 
Le Blog du Droit Européen des Brevets Copyright Laurent Teyssèdre 2007-2022