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lundi 30 novembre 2020

T646/20: un papillon ne peut pas redevenir une chenille


Pour le brevet en question, déposé sous l'empire de la CBE 1973, le déposant n'avait acquitté que 5 taxes de désignation.

En réponse à la notification selon la règle 71(3) CBE datée du 23.4.2019, le demandeur avait payé les taxes requises et fourni les traductions le 19.6.2019, suite à quoi la division d'examen avait émis la décision de délivrance le 4.7.2019.

Le 31.7.2019, jour de la publication au BEB de la délivrance, le breveté a requis une poursuite de procédure concernant la perte de droit liée à la non-désignation des autres Etats contractants, notification datée de 2008 mais jamais reçue. Le breveté a en outre formé un recours contre la décision de délivrance.

La Chambre juge que le recours n'est pas recevable car le breveté n'a pas été lésé par la décision de délivrance (article 107 CBE). 

Elle estime notamment que la décision G1/10 (points 10 à 12), qui porte sur le texte du brevet, s'applique aussi aux données bibliographiques envoyées avec la notification selon la règle 71(3) CBE, dont les Etats désignés. Si, avant de donner son accord, le demandeur ne vérifie pas d'éventuelles erreurs, la responsabilité des erreurs lui incombe. De même que le texte, les Etats désignés déterminent la portée du brevet (ici géographique) et ont un intérêt vital pour les tiers.

Le breveté argumentait que la décision de délivrance avait été prise prématurément, avant l'expiration du délai de 4 mois, le privant de sa possibilité de changer d'avis. La Chambre rejette cet argument, ne trouvant aucun support à une obligation d'attendre l'expiration du délai alors que le texte est prêt à être délivré suite à l'accord du demandeur. Le délai de 4 mois concerne le demandeur, pas la division d'examen.

Concernant la requête en poursuite de procédure, la Chambre note qu'elle a été déposée le jour de la
mention de la délivrance, donc à un moment où il n'existait plus de demande de brevet. Une demande réputée retirée peut revenir en instance suite à une poursuite de procédure, mais un brevet délivré ne peut pas redevenir une demande, de même qu'un papillon ne peut pas redevenir une chenille.

Ceci est d'autant plus vrai qu'en l'absence de délai (la perte de droit n'ayant pas été reçue), accorder une telle requête pendant une procédure d'opposition ou même ultérieurement poserait des problèmes à des tiers ayant débuté de bonne foi un exploitation dans un Etat initialement non-désigné. Une nouvelle délivrance vis-à-vis de certains Etats ouvrirait-elle une nouvelle période d'opposition? Selon la décision G1/10 (point 6), un brevet européen ne relève plus, à compter de sa délivrance, de la compétence de l'OEB et, à moins qu'une procédure d'opposition ou de limitation n'ait été engagée ultérieurement devant l'OEB, ce brevet européen donne naissance à un faisceau de brevets nationaux relevant chacun de la compétence exclusive d'un Etat contractant désigné. Autoriser une poursuite de procédure durant toute la vie du brevet irait à l'encontre de ce principe.

En outre, même en l'absence de notification de perte de droit, le délai de 2 mois pour requérir la poursuite de procédure aurait dû commencer à courir à la signification de la notification selon la règle 71(3) CBE, date à laquelle le déposant aurait dû prendre conscience de la non-désignation de certains Etats.

Enfin, la Chambre note en passant que l'envoi d'une notification signalant une perte de droit est un service volontaire de l'OEB et a des doutes sur le fait que la non-réception de cette notification puisse permettre au déposant de requérir une poursuite de procédure des années après l'envoi de la notification. S'agissant de la désignation d'Etats, c'est le choix conscient de désigner certains Etats qui a entraîné l'envoi de la notification de perte de droit.


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4 comments:

Ernie Diskal a dit…


L'ingéniosité et l'imagination de certains mandataires m'étonneront toujours

Observateur a dit…

L'ingéniosité et l'imagination de certaines chambres m'étonneront toujours.

Cette Chambre note en passant (au point 2.6) que l'envoi d'une notification signalant une perte de droit est un service volontaire de l'OEB. Et voilà où on en arrive avec l'accroissement de la productivité. La Chambre se réfère à "Case Law, 9th ed. 2019, III.K.4.1" où il est pourtant clairement expliqué: "Although it is the customary practice of the EPO to send renewal fee reminders, it is in no way compelled to issue such communications. By communicating such information, the EPO provides only a voluntary service from which no rights can be derived. Je suis vraiment triste de 'observer cette confusion entre "renewal fee reminders" et communication selon la règle 112(1) CBE.

La partie concernée a -à mon humble avis- réagi un jour trop tard, et la décision aurait pu, voire aurait dû, se limiter à cela.

La Chambre a cru bon d'ajouter qu'elle a des doutes sur le fait que la non-réception de cette notification puisse permettre au déposant de requérir une poursuite de procédure des années après l'envoi de la notification. Le contexte devrait être celui de "Case Law, 9th ed. 2019, III.K.4.1", où il n'est absolument pas question de notification selon la Règle 112(1) CBE. Les principes de base sont là, qui font qu'un délai ne commence à courir qu'après que la notification ait eu lieu (mais les fidèles lecteurs de ce blog le savent). Nous avions eu l'épuisement du droit de priorité, voici l'épuisement du droit de recevoir une communication de perte de droit.

Franco-belge a dit…

Le papillon ne peut pas redevenir chenille, mais il a pondu un oeuf (une divisionnaire 19188863.5). L'appelant demandait "to correspondingly correct the designated Contracting States and Extension States in respect of divisional patent application 19188863.5 filed on 29 July 2019" (soit avant la publication de la mention de délivrance du parent). A mon humble avis, si la communication de perte de droits n'a pas été notifiée, les désignations devaient toujours être valides puisque le délai pour les payer avec surtaxe n'avait pas expiré (n'ayant pas commencé à courir). La publication de la mention de délivrance du parent le 31 ne pouvait changer la situation le 29. Curieusement, la Chambre n'a pas adressé ce point dans les motifs de sa décision, et il ne semble pas y avoir de trace dans le dossier de la demande divisionnaire.

Anonyme a dit…

Je partage l'humble avis de Franco-Belge mais je me permets de lui faire remarquer qu'au moment de pondre l'œuf le papillon n'était encore que chenille.

 
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