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dimanche 11 janvier 2009

T1711/06 : activité inventive et effet bonus

La décision T1711/06 (pt 3 des motifs) présente de manière claire et pédagogique une mise en oeuvre pratique de l'approche problème-solution, dont les candidats aux épreuves B et C de l'EQE pourraient s'inspirer avec profit.

Cette décision illustre toutefois ce qui peut constituer une limite de cette approche.

La revendication avait pour objet une composition de teinture pour cheveux. Au regard de l'état de la technique le plus proche (D5), la composition se différenciait par l'utilisation d'un coupleur particulier, que j'appellerai X. L'effet allégué dans le brevet était l'augmentation de la puissance de coloration, effet prouvé par des essais comparatifs fournis au stade de l'opposition.

La question se posait donc de savoir s'il était évident pour l'homme du métier d'utiliser comme coupleur ce composé X particulier. En application de l'approche problème-solution, la question est de savoir s'il existait un enseignement dans l'état de la technique qui aurait incité l'homme du métier confronté au problème technique en question à utiliser X comme coupleur.

Le document D8 divulguait des compositions de teinture contenant le coupleur X, et enseignait que ce coupleur était moins toxique.
Pour le réquérant-opposant, l'homme du métier était incité à utiliser le coupleur X puisque ce dernier était moins toxique. La motivation était d'autant plus réelle que la toxicité est évidemment un problème qui se pose de manière générale dans le domaine de la cosmétique. L'effet sur la puissance de coloration n'était selon lui qu'un effet "bonus", illustré par les Directives C-IV 11.9.3 : "Toutefois, s'il aurait déjà été évident pour l'homme du métier, compte tenu de l'état de la technique, de parvenir à un résultat qui serait couvert par une revendication,[...] l'effet inattendu constitue un simple effet supplémentaire qui ne confère aucun caractère inventif à l'objet revendiqué."

Mais la Chambre rejette cet argument: "Cette ligne d'argumentation doit cependant être écartée puisqu'elle se fonde sur un problème technique, à savoir celui de la toxicité des compositions, qui n'est celui objectif (sic) défini par rapport à l'état de la technique le plus proche de l'invention."

C'est là que l'approche problème-solution trouve peut-être ses limites, car le caractère inventif ne dépend ici que du problème technique décrit dans la demande. Si le titulaire avait découvert et indiqué dans la demande que le coupleur X était moins toxique, la composition revendiquée aurait été considérée comme évidente, car la toxicité aurait été intégrée au problème technique objectif. Au contraire, n'avoir présenté que l'effet sur la coloration a permis de rendre le même objet inventif.
A l'heure où l'OEB parle de "raising the bar", ne serait-il pas temps d'appliquer moins strictement l'approche problème-solution, en particulier en autorisant la prise en compte d'autres problèmes techniques objectifs que celui mis en avant par le demandeur ?

Merci à Oliver Randl de m'avoir signalé cette décision.

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3 comments:

Anonyme a dit…

merci Laurent pour cette jurisprudence, interessante notamment pour un candidat EQE.

Je viens de lire cette jurisprudence.

Je comprends que la CR parle justement d'un pb technique -objectif- (et donc il n'y en aurait qu'un), au vu du document d'art antérieur le plus proche.

Peut-être que la CR attendait que l'opposant démontre que le pb technique objectif n'était pas celui présenté par le titulaire.

Après tout, en recours, la chambre n'a pas à se saisir des questions qui ne sont pas abordées par les parties.

J'ai l'impression que le représentant de l'opposant a juste oublié une étape dans l'approche pb-sol.

Jérôme a dit…

Bonjour Laurent,
Je partage tout à fait ton analyse.
Je pense qu'il faut revenir dans cette situation à la définition de l'activité inventive : L'objet revendiqué n'implique pas une activité inventive s'il découle
de manière évidente de l'edt. L'article 56 n'impose aucune limitation quant au processus pour conclure sur ce point. Si l'hdm était incité à combiner deux documents et serait ainsi parvenu à l'invention, il n'y a pas d'AI, quelle que soit la motivation à cette combinaison. Autrement dit, n'importe quel problème posé par l'un des documents (même non posé dans le brevet, même si les documents appartiennent à un domaine technique différent de l'invention...) devrait pouvoir servir pour justifier l'absence d'AI(pour justifier la présence d'AI, il me semble cpdt nécessaire que le pb ait été posé dans le brevet pour éviter les inventions a posteriori).
J'espère donc que la JP citée sera renversée (mais nous avons reçu une décision du même ordre en oppo...).
En attendant, il vaut peut-être mieux rédiger nos demandes avec un unique problème, très pointu...
Amitiés

Anonyme a dit…

Oui, il est symptomatique que la partie D des directives ne comportent rien sur l'accueil par les DO des arguments de défaut d'AI.

Dans la partie C (examen) 11.7.2, il est indiqué que pour déterminer le pb technique objectif, il faut regarder
-l'art antérieur
-l'invention.

Mais l'invention en question c'est l'objet revendiqué ! Pas le préambule ou la description, qui peuvent raconter des choses qui n'ont rien à voir.

Pour le défenseur, on comprend qu'il ne faille pas autoriser la présentation de nouveaux avantages non présentés au dépôt dans la description (sauf si ces avantages sont implicites).

Mais pour l'argumentaire de l'opposant, on devrait prendre en compte des avantages que l'homme du métier, muni de ses connaissances générales, était en mesure de reconnaître à l'objet revendiqué le jour du dépôt (c'est à dire des avantages présents dans la description mais très implicites, voire volontairement passés sous silence). Cela amène à une reformulation complète du pb technique, et si sur cette base, on peut montrer que la solution est évidente, alors le brevet doit être révoqué.

Je ne vois pas grand chose dans les directives à ce sujet (sauf C-IV 11.9.3, mais ce n'est pas tout à fait ça).

Par contre, dans la jurisprudence des CR 2006, j'ai trouvé T227/89 commentée en page 150, qui suggère d'adopter une approche "réaliste" pour juger quels sont les "effets techniques cruciaux" et quels sont les "effets techniques accidentels". Il faudrait tenir compte de l'importance relative "sur le plan pratique et technique", de ces effets.

 
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