L'ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet a été publiée au Journal Officiel le 10 mai dernier.
Voici les dispositions les plus importantes:
- article 13: l'action en nullité du brevet est imprescriptible (nouvel article L.615-8-1 CPI)
- articles 4 et 5: cumul d'un brevet FR et d'un brevet EP, sauf en cas d'opt-out. Ce n'est qu'en cas d'opt-out que le brevet FR cessera de produire ses effets, comme aujourd'hui, et que, le cas échéant, un juge saisi d'une action sur la base du brevet FR surseoira à statuer jusqu'à ce que dernier cesse de produire ses effets. (articles L.614-13, -14, et -15 CPI)
- article 7: cumul d'un brevet FR et d'un brevet unitaire (articles L614-16-3 et -4 CPI)
- article 10: reprend les termes de l'accord JUB sur l'épuisement des droits, en prévoyant l'existence de "motifs légitimes justifiant que le titulaire s'oppose à la poursuite de la commercialisation du produit" (article L613-6 CPI)
- article 11: le licencié non exclusif peut exercer l'action en contrefaçon si le contrat de licence le prévoit expressément, à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet (article L615-2 CPI)
- article 12: prescription des actions en contrefaçon par cinq ans "à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l'exercer", et non plus à compter des faits (article L615-8 CPI)
Ces dispositions entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de l'accord JUB.
La disposition de l'article 13 sera sans effet sur une prescription déjà acquise et s'appliquera aux actions pour lesquelles, à la date de son entrée en vigueur, le délai de prescription n'est pas encore arrivé à expiration. Les débats sur la prescription de l'action en nullité de brevet ne sont donc pas terminés.
Ordonnance 2018-341 du 9 mai 2018
6 comments:
On peut regretter que l'art. 23 de l'ordonnance reconnaisse explicitement l'existence actuelle d'une prescription de l'action en nullité, qu'une partie de la doctrine conteste
Il y a fort à parier que les indécrottables optimistes de la JUBE se gargarisent de cette nouvelle. Encore faut-il que la JUBE voie le jour et que les problèmes liés au Brexit soient résolus!
Un certain nombre d’écueils restent effectivement à surmonter.
Tout d’abord, la requête relative à la JUBE devant le tribunal fédéral constitutionnel allemand (TFC) est loin d'être décidée. Il reste, rappelons-le, devant la même chambre un certain nombre de requêtes relatives au fonctionnement des chambres de recours de l'OEB qui sont antérieures à la requête sur la JUBE. Les deux affaires ne sont pas directement liées, mais le BU étant un BE délivré par l’OEB, il semble difficile de décider des unes en ignorant l’autre.
Si le TFC décide de rejeter la requête sur la JUBE avant de décider des requêtes sur les chambres de recours de l’OEB, cela pourrait indiquer que le TFC pourrait faire de même pour les requêtes sur les chambres de recours. Il est difficile de concevoir qu’un tribunal de cette importance se laisse aller à ce genre d’action, car elle montrerai un préjudice certain. Si le TFC décide de saisir la CJUE, ce qui est à mon avis souhaitable, alors c’est parti pour un moment. Selon le résultat, il faudra peut-être même refaire la copie.
Eu égard aux problèmes posés par le Brexit, même si la JUBE voit le jour avec la participation du Royaume-Uni, la participation post Brexit de ce dernier est tout sauf acquise. Quand on lit les propositions de certains britanniques, oui pour la JUBE, mais non pour le BU, il est possible de se poser des questions :
http://www.iam-media.com/blog/Detail.aspx?g=ff1a1e48-63cf-4424-a4b7-d1de442d50a9
Si ce genre de considérations, qui montrent au demeurant une fantaisie galopante et un souci de se « raccrocher aux branches », devaient devenir réalité, ou en est la sécurité juridique des utilisateurs de la JUBE ?
L’ordonnance est probablement une étape nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante pour permettre à la JUBE de voir le jour.
Non pas qu’une harmonisation en matière de PI au sein de l’UE ne soit pas souhaitable, voire nécessaire, mais peut-être pas celle qui est proposée en ce moment et qui est en train de naître au forceps.
C'est effectivement dommage que l'imprescriptibilité de l'action en annulation dépende de la ratification du paquet brevet.
En étant optimiste, on peut espérer que le tribunal constitutionnel allemand rejettera le recours, et que la ratification aura lieu dans la foulée... cette année, et en tout cas avant le Brexit.
L'article 23-2 pourrait créer un nouveau débat. Personnellement je le lis comme étant une simple confirmation de l'autorité de la chose jugée. Si une annulation de brevet est jugée prescrite avant la date d'application de l'ordonnance, alors cette prescription est acquise, et l'imprescriptibilité ne pourra être évoqué dans un autre procès pour tenter de faire annuler le brevet.
Corrigez-moi si je me trompe: l'article 13 rend l'action en nullité imprescriptible pour les brevets français et les brevets EP-opt-out; les dispositions concernant les brevets EP soumis à la juridiction de la JUB (i.e. EP non opt-out) ne sont pas pas du ressort de l'ordonnance. Donc l'article 23 ne fait pas que reconnaître explicitement la prescription actuelle (ce qui, qu’on le veuille ou pas, est confirmé par les décisions actuelles), il suspend la solution à ce problème concernant les brevets FR et EP-opt-out à l'entrée en vigueur de la JUB (à laquelle, précisément, ces brevets ne sont pas soumis...)
>Resp PI a dit…
>C'est effectivement dommage que l'imprescriptibilité de l'action en annulation dépende de la ratification du paquet brevet.
Mais le gouvernement pouvait-il faire autrement sans dépasser son habilitation à légiférer par ordonnance ?
L'AJUB ne contient aucun délai de prescription pour les actions en nullité de brevet européens. Donc CPI + AJUB : pas de prescription, ni pour le brevet FR devant le TGI, ni pour le brevet européen devant la JUB.
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