Dans un arrêt du 14 septembre 2010, la CJUE a décidé que les avocats en entreprise ne bénéficiaient pas du principe de protection de la confidentialité des échanges ente avocats et clients, ce que les Anglo-saxons appellent "Legal Privilege".
Dans le cas d'espèce, la Commission européenne avait pratiqué une perquisition dans les locaux d'une société suspectée de se livrer à des activités anti-concurrentielles. Parmi les nombreux documents saisis figuraient des échanges par courrier électronique entre des responsables de l'entreprise et des avocats, inscrits à un barreau néerlandais, mais salariés de l'entreprise en question.
La CJUE réaffirme les conclusions de l'arrêt AM&S Europe / Commission de 1982 selon lequel le bénéfice de la protection de la confidentialité n'est acquis que si l'échange avec l'avocat est lié à l'exercice du droit de la défense du client et si l'échange émane d'un avocat indépendant, "non lié au client par un rapport d'emploi".
[...] la notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi. Un avocat interne, en dépit de son inscription au barreau et de la soumission aux règles professionnelles qui s’ensuit, ne jouit pas à l’égard de son employeur du même degré d’indépendance qu’un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l’égard de son client.En France, le statut d'avocat en entreprise n'existe pas, mais a été proposé par la Commission Darrois.
Selon le texte du Rapport de ladite commission, un tel statut devait procurer le "legal privilege": "l’avantage le plus évident d’une telle réforme serait la possibilité, pour les entreprises et les juristes concernés, d’obtenir une protection de leurs avis semblable à celle dont bénéficient leurs homologues étrangers, notamment anglo-saxons. Disparaitrait alors l’une des causes de la réticence de certains groupes internationaux à localiser en France des activités juridiques."
Il existe en Europe un autre profession règlementée pouvant être exercée aussi bien en libéral qu'en entreprise. Il s'agit des mandataires agréés près l'OEB, dont la protection du secret professionnel est prévue par la R.153 CBE :
Lorsqu'un mandataire agréé est consulté en cette qualité nul ne peut être contraint, dans les procédures devant l'Office européen des brevets, de divulguer les communications échangées à ce propos entre ce mandataire et son mandant ou toute autre personne et relevant de l'article 2 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, à moins que le mandant n'ait expressément renoncé à ce droit.Cette protection est très limitée puisqu'elle n'est opposable qu'à l'OEB.
6 comments:
De plus, l'OEB n'a pas de pouvoir de type perquisition ou discovery pour instruire ses dossiers, ce qui rend de toutes façons l'applicabilité de cet article de la CBE assez limitée.
quelqu'un pour m'aider à retrouver cette décision invalidant un brevet US du fait d'arguments contradictoires soumis lors de la procédure devant l'OEB ?
Merci !
Je pense que vous faites allusion à la décision Bristol-Myers Squibb vs. Rhône Poulenc Rorer
Southern District of New York
21 avril 1999
http://www.fitzpatrickcella.com/images/pub_attachment/attachment94.pdf
Je pense que vous faites allusion à la décision Bristol-Myers Squibb vs. Rhône Poulenc Rorer
Southern District of New York
21 avril 1999
http://www.fitzpatrickcella.com/images/pub_attachment/attachment94.pdf
Cette règle 153 est certes d'utilité limitée en ce qui concerne la procédure en territoire de la CBE, mais a malgré tout sa raison d'être. Elle a été adoptée par le CA en vertu de l'article 134bis(1)(d) CBE, et si je me souviens bien, cette disposition a été conçue par la conférence diplomatique pour mettre à l'abri la correspondance des mandataires européens du regard de commissions rogatoires internationales menées en vertu de conventions d'entraide judiciaire - ce cas d'espèce s'étant déjà produit. Un mandataire pourra d'autant plus facilement invoquer le "client-attorney privilege" si ce dernier est défini en toutes lettres avec effet devant les tribunaux nationaux. Je crois que les éditions récentes de Singer+Stauder ou Visser en discutent (suite à une éruption aussi violente que subite de flemme, je ne vérifierai pas).
(Une éventuelle fusion avocats-CPI aurait-elle une incidence sur cette question?)
Pour la question du deuxième anonyme, voir PatentlyO. J'ai le sentiment que la "duty of candour" et les "triple damages" empoisonnent la procédure devant l'OEB, les mandataires évitant à tout prix de faire quelque déclaration que ce soit qui pourraient revenir hanter leurs clients plus tard, même s'ils doivent défendre des positions parfaitement intenables. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de "négocier" le compte-rendu d'entretiens avec des mandataires pour en gommer autant que possible tout commentaire de ces derniers, même si le ton était cordial et que le courant passait.
Je peux comprendre leurs craintes. Il y a plusieurs années un mandataire s'était gouré en envoyant un fax, faisant parvenir à l'OEB une lettre qui était destinée à son client. Il y admettait le bien fondé des objections de la division, mais recommendait le maintien des requêtes en l'état pour des raisons tactiques. On avait bien rigolé de Plaspoelpolder jusqu'à l'Isar, la lettre fut retirée du dossier après quelques jours (il me semble que c'était l'office qui avait signalé le problème), et le représentant n'a pas eu à pâtir de sa bévue - il en fut quitte pour quelques litres de sueurs froides. Une règle 153 n'avait pas été nécessaire, l'OEB est bonne fille.
@kotori: merci pour votre aide.
J'ai entretemps retrouvé Therasense vs Becton.
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