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mardi 5 novembre 2024

Offre d'emploi

AVOXA, cabinet d’avocats basé à Rennes, s’appuyant sur une clientèle importante et un réseau d’avocats reconnus, comprend un département PI qui a une activité brevets depuis plus de 15 ans.

Il s’associe aujourd’hui avec un cabinet de CPI pour former une Société Pluriprofessionnelle de CPI et d’avocats, filiale d’AVOXA dédiée aux brevets.

Pour renforcer et développer cette filiale « brevets », nous recherchons un Ingénieur Brevets H/F, idéalement chimiste et/ou biotech mais pouvant également traiter des dossiers généralistes.

Le candidat idéal sera diplômé du CEIPI et aura au moins 5 ans d'expérience. Les qualifications de CPI et/ou de Mandataire européen seront évidemment des atouts.

En lien avec un CPI ou un avocat de l’équipe, cet ingénieur interviendra sur l'ensemble des sujets traités par la filiale « brevets » :

  • mise en œuvre de stratégies d’attaque ou de défense de droits de propriété industrielle,
  • études de brevetabilité ou de liberté d’exploitation,
  • rédaction de demandes de brevet,
  • conduite des procédures d’obtention des droits tant en France qu’à l’étranger,
  • analyse de la validité et la portée des titres de nos clients et/ou de leurs concurrents,
  • assistance de nos clients dans des situations de précontentieux, de litiges ou de négociations (oppositions, contrats…).

Le contenu du poste sera évolutif et adaptable en fonction du profil et des souhaits du candidat. Vous pourrez notamment gérer de façon autonome un portefeuille de clients, participer au développement du cabinet de PI…

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez vous adresser à Louis-Paterne Bouan (lpbouan@bouan.fr) et Bertrand Ermeneux (bermeneux@axoxa.fr).

lundi 4 novembre 2024

JUB - Division locale de Düsseldorf - 31/10/2024 - interprétation des revendications

La Titulaire du brevet EP1793917 reprochait à la Défenderesse de contrefaire ledit brevet par la vente des ses machines à eau gazeuse "Aarke Carbonator Pro".

Le cœur du débat portait sur l'interprétation à donner au terme "flask" utilisé pour qualifier le récipient 20 destiné à recevoir la bouteille 10.

La Défenderesse argumentait qu'il s'agissait d'un récipient d'une certaine hauteur, comme représenté dans les figures du brevet, capable de contenir la plus grande partie de la bouteille.


Selon elle, un tel récipient n'existait pas dans le produit argué de contrefaçon (voir figure ci-dessous). 

Ce produit ne faisait qu'utiliser une base sur laquelle poser la bouteille, comme dans l'art antérieur cité dans le brevet (voir figure ci-dessous).
Les juges considèrent que la portée d'une revendication n'est normalement pas limitée par un dessin, qui ne montre qu'une forme spécifique d'un composant. La portée conférée par un brevet est déterminée par les revendications, interprétées à l'aide de la description et des dessins, et non à l'aide de l'art antérieur. Cela ne veut toutefois pas dire que l'art antérieur n'est pas pertinent quant à l'interprétation à donner: si l'art antérieur est discuté dans la description du brevet et que ce dernier s'en distingue d'une certaine manière, une interprétation qui nierait cette distinction doit être évitée.

Dans le cas d'espèce, le terme "flask" n'est pas limité au mode de réalisation représenté dans les figures du brevet, et la personne du métier interprète le terme en se tournant vers sa fonction technique, dans le contexte des autres caractéristiques, à savoir recevoir la bouteille et former une cavité fermée et sécurisée en coopération avec la tête de remplissage, contribuant ainsi à une résistance à l'éclatement. L'art antérieur cité dans le brevet ne conduit pas à une autre interprétation, car il ne décrit qu'une base et non une structure séparée dans laquelle la bouteille peut être placée et qui contribue à la résistance à l'éclatement.

Le produit argué de contrefaçon possède bien une "flask", car le plateau en métal, le joint et l'anneau en plastique permettent de recevoir la bouteille, et forment avec la tête de remplissage une cavité fermée en position de carbonatation.



Décision ORD_598499/2023


jeudi 31 octobre 2024

T123/22: l'ajout de revendications indépendantes n'est pas nécessairement contraire à la règle 80 CBE

En réponse à une objection de défaut de nouveauté, la Titulaire avait remplacé la revendication 1 par 3 revendications indépendantes.

L'Opposante prétendait que cette modification était contraire à la règle 80 CBE. Certaines décisions ont admis ce type de modifications, mais à titre d'exception, lorsque les revendications indépendantes correspondaient des à des combinaisons de revendications du brevet délivré (T181/02, T453/19, T2063/15). Dans le cas d'espèce en revanche, les revendications incriminées contenaient à la fois des caractéristiques provenant d'anciennes revendications dépendantes et des caractéristiques provenant de la description.

La Chambre n'est pas d'accord avec cet argument.

Elle note tout d'abord que les décisions citées tirent leur raisonnement de la décision T295/87, qui a toutefois été rendue à une époque où la règle 57bis (devenue règle 80) n'existait pas encore. En outre, la règle 80 CBE n'indique pas sous quelle forme une revendication peut être modifiée pour la respecter, et en particulier ne fait pas de distinction entre des caractéristiques venant de la description ou venant de revendications dépendantes. Le seul critère déterminant est de savoir si la modification peut être considérée comme une tentative sérieuse de remédier à un motif d'opposition.

S'agissant du remplacement d'une revendication indépendante par plusieurs, la Chambre est d'accord avec la décision T431/22: une telle modification ne contrevient pas à la règle 80 CBE dès lors que que l'objet des nouvelles revendications est restreint ou modifié. Il est tout à fait légitime pour un titulaire de tenter de protéger des parties d'une revendication indépendante pour surmonter un motif d'opposition, le cas échéant au moyen de deux ou plusieurs revendications indépendantes.

De telles modifications peuvent apporter une complexité pouvant jouer un rôle dans les décisions discrétionnaires d'admission de revendications tardives, mais de telles décisions sont à distinguer de l'application de la règle 80 CBE.

En l'espèce, les revendications ont été limitées par rapport à la revendication indépendante telle que délivrée, ces limitations servant manifestement à surmonter le défait de nouveauté. La requête satisfait donc la règle 80 CBE.


Décision T123/22 (en langue allemande)

lundi 28 octobre 2024

T846/22: opposition par une société dormante

La titulaire demandait à ce que l'opposition soit déclarée irrecevable car formée au nom d'une "société dormante" (dormant company) au sens du droit britannique. 


En vertu de l'article 99(1) CBE, toute personne (physique ou morale) peut former opposition. La question de savoir si l'opposante est une personne relève du droit national. 

Selon la loi britannique, une société est dormante pendant toute la période où elle n'effectue pas de transactions comptables significatives, et peut être réactivée. Bien qu'inactive, une société dormante n'est pas radiée mais reste inscrite au registre des sociétés, et conserve donc son statut de personne morale.

La titulaire faisait aussi valoir qu'en tant que société dormante, l'opposante n'aurait pas pu s'acquitter des frais liés à l'opposition et au recours. La Chambre considère toutefois que le fait de savoir si l'opposante a engagé des transactions pouvant entraîner la perte de son statut de société dormante va au-delà de l'évaluation de son statut de personne morale. 

La titulaire argumentait également que l'opposante était un homme de paille et qu'il y avait contournement abusif de la loi car il était évident que la vraie opposante avait ainsi agi dans le but d'éviter toute responsabilité dans une éventuelle répartition des frais. La Chambre fait toutefois remarquer qu'il n'existe dans la CBE aucune obligation pour une partie d'être dotée de moyens financiers suffisants pour se conformer à une décision purement hypothétique quant à la répartition des frais.

L'opposition et le recours sont donc recevables.

Décision T846/22

mercredi 23 octobre 2024

T2510/18: le fait qu'un art antérieur tombe dans la portée revendiquée n'est pas le bon critère pour évaluer la nouveauté

Je remercie le lecteur qui m'a signalé cette décision extrêmement intéressante.

Le brevet avait pour objet une molécule (appelée SkE) ainsi que son utilisation comme médicament dans la prévention et le traitement du paludisme.

La molécule SkE était isolée de la plante Quassia amara, plante traditionnellement utilisée en Amazonie pour traiter le paludisme.

Les Opposantes faisaient valoir une contrariété à l'ordre public et aux bonnes mœurs du fait de comportements contraires aux normes acceptées en ce qui concerne l'utilisation de savoir traditionnels, la Titulaire ayant selon elles profité du savoir de communautés autochtones sans les informer ou recueillir leur consentement. La Chambre répond toutefois que le critère de contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs porte sur l'exploitation de l'invention et non sur ses conditions d'obtention.

Sur la question de la nouveauté, les Opposantes argumentaient que l'objet revendiqué n'était pas nouveau au regard de D2, D3 et D5, articles décrivant l'activité antipaludique de décoctions ou d'infusions de feuilles de Quassia amara. Ces préparations contenaient de la SkE et entraient donc dans la portée de la revendication 1.

La Chambre est d'accord avec le fait que toutes les compositions contenant de la SkE sont couvertes par la portée de la revendication 1. Cependant, la question de savoir si les extraits de D2, D3 ou D5 entrent dans la portée de la revendication 1 n'est pas le critère correct pour évaluer si l'objet de cette revendication est nouveau.

Le critère est le suivant : une revendication manque de nouveauté si, compte tenu des connaissances générales de la personne du métier, son objet est divulgué dans l'art antérieur explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté.

Donc, même si l'on accepte la présence de SkE dans les extraits de D2, D3 et D5, et même en interprétant la portée de la revendication 1 de la manière la plus large possible, pour inclure la plante Quassia amara et ses extraits divulgués en D2, D3 et D5, une divulgation directe et sans ambiguïté des caractéristiques techniques de la revendication 1, voire de la molécule SkE seule ou en combinaison avec d'autres composés, est toujours nécessaire pour conclure un manque de nouveauté.

Or aucun de ces documents ne divulgue explicitement la molécule SkE seule ou en combinaison avec d'autres composés.

Il n'est pas non plus question de divulgation implicite, car une divulgation ne peut être considérée comme implicite que si la personne du métier constate d'emblée qu'aucun autre élément que la caractéristique implicite alléguée fait partie de l'objet divulgué. Selon G2/88, la question qui se pose est de savoir ce qui a été rendu accessible au public et non ce qui pouvait être contenu intrinsèquement dans ce qui a été rendu accessible au public. La présence de la molécule SkE dans les feuilles de Quassia amara ou leur décoction n'a pas été rendue accessible au public par les extraits de D2, D3 ou D5. En outre, en application de l'avis G1/92, pour que l'art antérieur rende accessible la molécule SkE, il est nécessaire que la personne du métier identifie cette molécule dans les extraites de D2, D3 ou D5. Etant donné que l'identification de SkE représente un effort excessif, la SkE ne fait pas partie de l'état de la technique.

Les Opposantes faisaient valoir que l'objet d'une revendication ne pouvait être nouveau s'il était contrefait par une utilisation existante et que le brevet donnerait le droit au Titulaire d'interdire aux populations autochtones d'utiliser les feuilles de Quassia amara pour la préparation de leurs remèdes traditionnels. La Chambre n'est pas convaincue et rappelle que la même question s'est posée dans l'affaire G2/88 et que la question des droits fondés sur une utilisation antérieure relève des droits nationaux.


Décision T2510/18

lundi 21 octobre 2024

JUB - Division locale de Hambourg - 26/6/2024 - interprétation devant la JUB et devant l'OEB

Cette décision est intéressante en ce que la JUB adopte une interprétation de la revendication différente de celle adoptée jusqu'ici par l'OEB, et considère qu'indépendamment de sa propre opinion sur la validité du brevet, il est probable que l'OEB conserve son opinion et révoque le brevet.

La société Alexion avait formé une action en interdiction provisoire contre la société Amgen devant la division locale de Hambourg sur la base de son brevet unitaire EP3167888 portant sur une composition pharmaceutique comprenant un anticorps liant C5 et constitué d'une chaîne lourde d'une certaine séquence et une chaîne légère d'une autre séquence.

En parallèle, Amgen a formé opposition devant l'OEB contre le brevet européen. 

Amgen argumentait que son produit BEKEMV (eculizumab), indiqué pour le traitement de l'hémoglobinurie paroxystique nocturne, ne contrefaisait pas le brevet car la chaîne légère était différente de celle revendiquée, cette dernière contenant 22 acides aminés supplémentaires par rapport à la chaîne légère de l'eculizumab. 

Il apparaît toutefois que ces 22 acides aminés, qui constituent la séquence signal à l'extrémité N-terminale, empêchent de lier au C5, et sont clivés avant que l'anticorps ne soit formé et secrété par la cellule. En outre le brevet mentionne à 120 reprises la chaîne légère de l'eculizumab, dont on peut retrouver la séquence dans des bases de données, et qui ne comprend pas ces 22 premiers acides aminés. 

Les juges considèrent qu'une personne du métier, qui doit prendre en compte l'objectif de toute revendication, qui est de fournir à la personne du métier un enseignement technique qui, lorsqu'il est retravaillé, conduit au succès escompté, conclurait que la chaîne légère ne comprend pas la séquence signal, car dans le cas contraire l'enseignement du brevet ne procurerait pas une composition pharmaceutique liant C5.

Les juges sont donc convaincus avec une certitude suffisante que le produit d'Amgen contrefait littéralement le brevet.

Concernant la validité du brevet, la question est de savoir s'il est plus probable que le brevet soit valide ou non valide. Toutefois, comme une opposition est en cours devant l'OEB, le tribunal ne peut pas se baser que sur sa propre opinion, mais doit aussi évaluer les chances de succès de l'opposition. L'OEB a en effet compétence pour tous les Etats contractants, de sorte qu'une décision  ultérieure de révocation de l'OEB infirmerait une décision de la JUB qui aurait conclu à la validité.

Or, les juges considèrent comme probable que l'OEB révoque le brevet pour insuffisance de description car la Chambre de recours, en recours sur examen (T1515/20), avait interprété la revendication comme couvrant littéralement la séquence avec les 22 acides aminés supplémentaires et la demanderesse l'avait convaincue que cela n'empêchait pas de lier C5. Cet argument ne peut toutefois plus être soutenu compte tenu des nouveaux éléments au dossier. 

Les juges estiment que, même si la titulaire a présenté des faits qui reflètent un niveau de connaissance plus complet de la personne du métier sur la question des séquences signal, il n'est pas certain que l'OEB adopte la même interprétation que la JUB, et ce d'autant plus que la Chambre de recours a toujours refusé toute requête en correction d'erreur visant à supprimer les 22 acides aminés.

La requête en interdiction provisoire est donc rejetée.

UPC_CFI_124/2024 - Ordonnance du 26.6.2024



jeudi 17 octobre 2024

T972/22: refus par avance du dépôt de requêtes subsidiaires

Un lecteur, que je remercie, me signale cette décision 

Lors de la procédure orale, la division d'opposition avait changé d'avis concernant l'activité inventive, et considéré qu'une attaque formulée par des observations de tiers était pertinente. La titulaire avait alors déposé une requête subsidiaire, qui a été rejetée comme non-conformes aux articles 84 et 123(2) CBE, et la division d'opposition avait refusé tout dépôt de requête supplémentaire.

La Chambre rappelle que le fait de refuser par avance tout dépôt de requête subsidiaire, sans en connaître le contenu, n'est pas une manière raisonnable d'exercer le pouvoir discrétionnaire selon la règle 116(2) CBE et constitue un vice substantiel de procédure. Il s'agit en outre d'une violation du droit d'être entendu puisqu'il est impossible pour la division d'opposition de vérifier si les modifications sont appropriées et si les requêtes sont prima facie admissibles. Il est possible de refuser toute modification supplémentaire s'il devient évident après plusieurs tentatives infructueuses que le titulaire ne cherche pas à surmonter les objections mais seulement à allonger la procédure, mais aucun abus de procédure n'était apparent dans le cas d'espèce.

La Chambre est en outre d'avis que la division d'opposition n'a pas correctement pris en compte les circonstances de l'affaire. Les observations de tiers avaient été formées après une première opinion préliminaire de la division d'opposition. La procédure orale ayant été reportée deux fois, la division d'opposition avait envoyé d'autres opinions provisoires, mais sans prendre position sur l'attaque d'activité inventive formulée par le tiers. De telles observations étaient tardives, et la division d'opposition aurait dû commenter leur pertinence et prendre une décision quant à leur recevabilité, ce qu'elle n'a pas fait. L'opposante n'avait pas non plus commenté les observations de tiers dans ses écritures. Le changement d'avis de la division d'opposition était donc surprenante, de sorte que la titulaire était en droit de réagir en déposant de nouvelles requêtes subsidiaires.

Enfin, la décision de la division d'opposition ne motive pas le fait qu'elle n'ait pas permis à la Titulaire de déposer de nouvelles requêtes subsidiaires.

En raison de ces trois vices substantiels de procédure, l'affaire est renvoyée devant la division d'opposition.


Décision T972/22

mardi 15 octobre 2024

T56/21: pas de base légale pour exiger d'adapter la description en examen

Contrairement à ce qui avait été annoncé ici l'an dernier, la Grande Chambre ne sera (pour l'instant) pas saisie de questions concernant l'adaptation de la description.

La demande en question avait été rejetée car la demanderesse insistait pour conserver dans la description des clauses de type revendication décrites comme des "modes de réalisation spécifiques" mais qui n'étaient plus conformes à l'invention considérée comme brevetable.

La Chambre 3.3.04 juge dans cette décision de 90 pages qu'en procédure d'examen ni l'article 84 CBE, ni les règles 42, 43 et 48 CBE ne sont une base juridique pour exiger que la description soit adaptée afin de correspondre à des revendications limitées.

La pratique d'adaptation de la description a historiquement pour but d'assurer la sécurité juridique des tiers quant à la protection conférée, en lien avec le rôle de la description dans l'interprétation des revendications. 

La Chambre examine donc les liens entre les articles 69 et 84 CBE et en conclut que:

  • devant l'OEB l'étendue de la protection n'est pertinente que dans le cadre de l'article 123(3) CBE, donc après délivrance, 
  • l'examen de la clarté et du support est distinct de la détermination de l'étendue de la protection,
  • le but de l'article 84 CBE est d'arriver à une définition de l'objet brevetable en termes de caractéristiques techniques le distinguant de l'art antérieur,
  • l'article 69(1) CBE et son protocole interprétatif visent à permettre une protection au-delà d'une contrefaçon littérale basée sur une interprétation restrictive des revendications,
  • l'article 69(1) CBE et son protocole interprétatif  ne portent pas sur l'interprétation des revendications au sens de la détermination du sens des termes des revendications pour évaluer la brevetabilité,
  • se baser sur la description pour résoudre des ambiguïtés ou contradictions dans les revendications avant d'évaluer leur conformité avec les exigences de clarté et de support priverait les revendications de leur effet consacré par l'article 84 CBE,
  • le sens des revendications doit être compris avant d'évaluer la conformité aux exigences de brevetabilité,
  • l'article 84 CBE n'est ni complémentaire ni subordonné à l'article 69(1) CBE. Ce dernier ne doit donc pas être appliqué pendant l'examen.

Pour la Chambre, la justification traditionnellement donnée pour exiger l'adaptation de la description méconnaît donc le lien entre les articles 69 et 84 CBE.

Certaines Chambres mettent en avant l'idée que les autorités, les tribunaux et le public devraient autant que possible arriver à une même compréhension de l'invention revendiquée que l'OEB. Cela peut peut-être considéré comme une situation idéale mais cet objectif n'a aucun fondement dans la CBE.

L'article 84 CBE porte sur les revendications: c'est aux revendications d'être supportées par la description, au sens où l'on ne peut revendiquer que ce qui est décrit, mais pas à la description d'être modifiée pour correspondre à ce qui est finalement revendiqué. L'article 84 CBE porte également une exigence de clarté, mais qui porte sur les revendications en elles-mêmes.

Pour la Chambre, la sécurité juridique des tiers est mieux servie par des revendications claires et concises qui permettent de délimiter la "zone interdite" sans avoir à recourir à la description que par une description adaptée.

La Chambre reconnaît un cas de figure problématique, dans lequel la description donne une définition d'un terme plus large que son sens habituel dans la technique (comme dans l'affaire à l'origine de la saisine G1/24), mais estime que cela peut donner lieu à une objection selon la règle 49(2) CBE ensemble l'article 2(10) de la décision du Président OEB du 25.11.2022 (JO OEB 2022, A113, "La terminologie et les signes utilisés doivent être uniformes dans toute la demande de brevet européen."). 


Décision T56/21

mercredi 9 octobre 2024

T572/19: une signature manquait

La décision de révocation du brevet, rendue en 2018, n'avait pas été signée par l'examinatrice juriste. 

Suite à une observation de la Chambre selon laquelle cette absence de signature constituait un vice substantiel de procédure, l'Opposante avait demandé à la division d'opposition de corriger cette erreur.

La division d'opposition avait fait droit à cette demande, expliquant qu'il n'y avait aucun doute sur le fait que l'examinatrice juriste avait participé au processus de décision et que l'absence de signature résultait d'une erreur due au fait que les membres de la division étaient répartis sur différents sites. L'examinatrice juriste ayant quitté l'OEB en 2019, la décision selon la règle 140 CBE faisant droit à la requête en correction d'erreur était signée par la présidente pour compte de l'examinatrice juriste.

La Chambre rappelle que selon la jurisprudence bien établie, une signature manquante est un vice substantiel de procédure et rend la décision invalide. Cette exigence de signature s'applique à la décision écrite, incluant la motivation de la décision. Il ne s'agit pas d'une simple formalité mais d'une étape essentielle du processus décisionnel, qui vise à prévenir l'arbitraire et les abus et à permettre de vérifier que c'est bien l'organe compétent qui a pris la décision.

L'objectif de l'exigence de signature au titre de la règle 113(1) CBE n'est atteint que s'il existe une chaîne ininterrompue de responsabilité personnelle manifeste, assumée par chaque membre de l'organe de décision chargé de l'affaire, tout au long du processus décisionnel, y compris pour la décision écrite. L'obligation de signature par tous les membres vise, en partie, à protéger une minorité de membres d'un organe décisionnel contre d'éventuels actes répréhensibles de la part de la majorité. Si la majorité pouvait, sans aucune limite, substituer sa déclaration aux signatures de la minorité, cette protection n'existerait pas. Au contraire, les signatures de la minorité sont nécessaires pour montrer qu'elle reconnaît que la décision écrite, y compris la justification, reflète correctement la décision collégiale. La capacité des parties et du public à faire confiance à l'intégrité des processus décisionnels de l'OEB est un intérêt fondamental, dont la protection est cruciale pour la crédibilité globale de l'OEB en tant qu'autorité publique internationale.

Une approche pragmatique, dans laquelle un autre membre de la division signe pour le compte d'un membre malade, décédé, ou qui a quitté l'Office est permise. Cette approche n'est toutefois pas applicable ici, notamment car l'examinatrice juriste était en position de signer la décision lorsqu'elle a été émise.

L'absence de signature ne peut être considérée comme une "erreur évidente" au sens de la rège 140 CBE. Le public lisant la décision ne pouvait en effet savoir la raison de cette absence: est-ce un oubli, ou l'examinatrice juriste a-t-elle décidé de ne pas signer, ou avait-elle même vu la décision?

L'affaire est donc renvoyée devant la division d'opposition.


Décision T572/19

lundi 7 octobre 2024

T1882/23: cessation de l'empêchement quand un tiers est chargé du paiement des annuités

La mandataire en charge de la demande avait reçu le 4.6.2019 une notification de perte de droit due au non-paiement de la taxe annuelle. N'étant pas en charge du paiement des annuité, elle avait transmis cette notification à la personne chargée de la PI chez la demanderesse. Cette dernière, étant en congés maladie, n'avait pris connaissance du message que le 10.7.2019. La demanderesse avait formé une requête en restitutio in integrum le 10.9.2019.

La demanderesse argumentait que le délai de 2 mois de la règle 136(1) CBE partait du 10.7.2019, car sa mandataire n'était explicitement pas en charge du paiement des annuités. Pour elle la cessation de l'empêchement correspond au moment où la personne en charge de ce paiement a connaissance de la perte de droit.

La Chambre n'est pas de cet avis. Selon la jurisprudence constante, le délai court dès lors que la personne responsable de la demande vis-à-vis de l'OEB, donc la mandataire, prend conscience de la perte de droit. La cessation de l'empêchement doit pour être déterminée de manière claire et objective et ne peut dépendre de l'organisation interne de la demanderesse. La date à laquelle la personne en charge de la PI a connaissance de la perte de droit n'est donc pas pertinente.

La demanderesse citait la décision T942/12, selon laquelle lorsqu'un tiers a été chargé du paiement des annuités, l'exigence de vigilance requise n'impose pas aux mandataires de surveiller que les annuités aient bien été acquittées. Cette décision n'est toutefois pas pertinente dans le cas d'espèce, où la question n'est pas de savoir si la vigilance requise a été exercée mais celle de savoir quand a eu lieu la cessation de l'empêchement.

 

Décision T1882/23

 
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