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jeudi 4 décembre 2025

T1523/23: pas de prise en compte d'avantages du procédé de fabrication pour l'activité inventive du produit obtenu

L'afficheur revendiqué se distinguait de celui de D3 par le fait que les distances d et D étaient choisies dans des plages spécifiques. 

La Titulaire argumentait que cette caractéristique permettait d'obtenir des valeurs chromatiques stables, déviant peu de la cible. Il en résultait une augmentation de la productivité du procédé.

La Chambre considère qu'un effet technique ne peut être pris en compte que s'il est obtenu par l'objet revendiqué lui même, pas par son procédé de fabrication. Même si le procédé permet d’obtenir un ensemble d’afficheurs dont l’écart-type par rapport à la cible est réduit, pour un afficheur individuel ni la couleur cible ni l’écart ou la réduction de celui-ci ne sont perceptibles. Comme chaque afficheur présente des distances fixes dans les deux types de régions (R1 et R2), le fait que ces distances soient choisies de manière à ce que la somme des valeurs de chromaticité se situe sur des pentes de signe opposé n’a aucun effet pour cet afficheur individuel.

La Titulaire mettait en avant certaines décisions (par exemple T648/88 ou T1089/15) dans lesquelles un effet technique obtenu pour un procédé avait été pris en compte pour le produit. 

La Chambre n'est pas convaincue, et souligne que les décisions citées relèvent du domaine de la chimie, et concernent des cas où le concept inventif résidait dans une voie réactionnelle nouvelle et non évidente, dont le caractère non évident pouvait « se transmettre » aux produits intermédiaires.

Le cas d'espèce concerne un dispositif physique final, et non un composé intermédiaire dans un procédé chimique. Les relations entre le produit et le procédé sont totalement différentes.

Un produit nouveau ne peut être considéré comme inventif parce qu'il est produit par un procédé inventif. L'activité inventive de l'afficheur ne peut se déduire du caractère prétendument inventif de son procédé de fabrication, lequel n'a été ni revendiqué ni examiné.


Décision T1523/23

lundi 1 décembre 2025

JUB - Cour d'Appel - 25.11.2025 - méthode à suivre pour apprécier l'activité inventive et la suffisance de description

L'an dernier, la division centrale de la JUB avait annulé le brevet EP3666797 (Sanofi/Amgen). La Cour d'Appel décide au contraire de rejeter les demandes en nullité formées contre ce brevet.

La Cour en profite, ainsi que dans une autre décision du même jour (Meril/Edwards), pour indiquer la méthode à suivre par les instances de la JUB pour évaluer la suffisance de description et l'activité inventive. 

Sur l'activité inventive:

  • il faut d’abord établir le problème objectif, du point de vue de la personne du métier, avec ses connaissances générales, à la date pertinente du brevet. Cela doit être fait en déterminant ce que l’invention apporte à l’état de la technique, non pas en examinant les caractéristiques individuelles de la revendication, mais en comparant la revendication dans son ensemble, dans le contexte de la description et des dessins, en considérant ainsi également le concept inventif sous-jacent à l’invention (l’enseignement technique), lequel doit être fondé sur les effets techniques que la personne du métier comprend, sur la base de la demande, comme étant obtenus avec l’invention revendiquée.
La Cour cite sur ce dernier point la décision G2/21.
  • afin d’éviter un raisonnement a posteriori, le problème objectif ne doit pas contenir d’indices orientant vers la solution revendiquée.
On note ici que contrairement à l'approche problème-solution de l'OEB, le problème objectif est défini avant le choix du point de départ, et non spécifiquement à partir des effets techniques liés aux caractéristiques distinctives par rapport au point de départ.
  • la solution revendiquée est évidente lorsque, à la date pertinente, la personne du métier, partant d’un point de départ réaliste dans le domaine technique pertinent, et souhaitant résoudre le problème objectif, serait (et non seulement : pourrait) arrivée à la solution revendiquée. 
On retrouve ici le célèbre could/would.
  • le domaine technique pertinent est celui qui est lié au problème objectif à résoudre ainsi que tout domaine dans lequel le même problème ou un problème similaire se pose et dont il faut s’attendre à ce que la personne du métier du domaine spécifique ait connaissance.
  • un point de départ est réaliste si son enseignement aurait présenté un intérêt pour une personne du métier qui, à la date pertinente, souhaite résoudre le problème objectif. Cela peut par exemple être le cas si l’élément de l’état de la technique pertinent divulgue déjà plusieurs caractéristiques similaires à celles de l’invention revendiquée et/ou aborde le même problème sous-jacent ou un problème similaire à celui de l’invention revendiquée. Il peut y avoir plus d’un point de départ réaliste et l’invention revendiquée doit impliquer une activité inventive à partir de chacun d’eux.
Dans la décision Meril/Edwards, la Cour examine l'activité inventive à partir de 6 points de départ. 
  • la personne du métier n’a ni compétences inventives ni imagination et nécessite un indice ou une motivation qui, à partir d’un point de départ réaliste, l’oriente vers la mise en œuvre d’une étape suivante dans la direction de l’invention revendiquée. En règle générale, une solution revendiquée doit être considérée comme dépourvue d’activité inventive / évidente lorsque la personne du métier franchirait l’étape suivante suggérée par l’indice ou par simple routine, et arriverait à l’invention revendiquée.
  • pour qu’une activité inventive soit présente, il n’est pas nécessaire de démontrer une amélioration de l’enseignement technique tel que défini par les revendications du brevet par rapport à l’état de la technique. Une activité inventive peut également être reconnue si les revendications du brevet divulguent une alternative non évidente aux solutions connues dans l’état de la technique.

Dans l'affaire Sanofi/Amgen, la Cour pose également des principes concernant la notion d'espérance raisonnable de réussite, critère souvent utilisé en pharmacie ou biotechnologie:
  • une solution revendiquée est évidente si la personne du métier aurait franchi l’étape suivante en s’attendant à trouver une solution envisagée à son problème technique. C’est généralement le cas lorsque les résultats de l’étape suivante étaient clairement prévisibles ou lorsqu’il existait une espérance raisonnable de réussite.
  • la charge de la preuve que les résultats étaient clairement prévisibles ou que la personne du métier aurait raisonnablement attendu une réussite, c’est-à-dire que la solution qu’elle envisage en franchissant l’étape suivante résoudrait le problème objectif, incombe à la partie qui invoque la nullité du brevet.
  • une espérance raisonnable de réussite implique la capacité de la personne du métier à prédire de manière rationnelle, sur la base d’une évaluation scientifique des faits connus avant le début d’un projet de recherche, la conclusion réussie de ce projet dans des délais acceptables. 
  • Le fait qu’il existe une espérance raisonnable de réussite dépend des circonstances de l’affaire. Plus un domaine technique de recherche est inexploré, plus il est difficile de faire des prédictions quant à sa conclusion réussie et plus l’attente de succès est faible. Les difficultés pratiques ou techniques envisagées ainsi que les coûts liés à la vérification de l’obtention du résultat souhaité lors du franchissement d’une étape suivante peuvent également dissuader la personne du métier de franchir cette étape. En revanche, plus l’indice en faveur de la solution revendiquée est fort, plus le seuil pour une espérance raisonnable de succès est bas.
  • lorsque le titulaire du brevet avance et étaye suffisamment des incertitudes et/ou des difficultés pratiques ou techniques, la charge de la preuve que celles-ci n’empêcheraient pas la personne du métier d’avoir une espérance raisonnable de réussite incombe à la partie alléguant l’évidence.
  • le fait que d’autres personnes ou équipes travaillaient simultanément sur le même projet n’implique pas nécessairement qu’il existait une espérance raisonnable de réussite. Cela peut également indiquer qu’il s’agissait d’un domaine intéressant à explorer avec un simple espoir de réussir.

Concernant l'affaire Sanofi/Amgen, la Cour considère qu'à la date de priorité, la recherche scientifique dans le domaine du mécanisme d’action de PCSK9 n’avait pas atteint un stade où la personne du métier aurait pu raisonnablement prévoir qu’un anticorps bloquant l’interaction entre PCSK9 et LDLR serait thérapeutiquement efficace pour traiter ou prévenir les maladies mentionnées dans la revendication 1 ou pour réduire le risque associé à ces maladies. La personne du métier, sur la base d’une évaluation scientifique de l’état de la technique à la date de priorité, n’avait donc pas d'espérance raisonnable de succès quant au fait qu’une approche par anticorps produirait l’effet thérapeutique souhaité in vivo


Sur la suffisance

  • elle doit être évaluée sur la base du brevet dans son intégralité, du point de vue d'une personne du métier munie de ses connaissances générales à la date de dépôt ou de priorité.
  • le test à appliquer est de savoir si la personne du métier est capable de reproduit l'objet revendiqué sur la base du brevet sans effort inventif ni efforts indus. Une invention est suffisamment décrite si le brevet montre à la personne du métier au moins une manière (et pour des caractéristiques fonctionnelles, au moins un concept technique) de mette en œuvre l'invention revendiquée.
  • lorsqu’une revendication contient une ou plusieurs caractéristiques fonctionnelles, il n’est pas exigé que la description comprenne des instructions spécifiques sur la manière d’obtenir chacune des réalisations concevables entrant dans la ou les définitions fonctionnelles. Une protection équitable requiert que des variantes des modes de réalisation spécifiquement divulgués, qui sont également aptes à atteindre le même effet et qui n’auraient pas pu être envisagées sans l’invention, soient également couvertes par la revendication. Par conséquent, l’indisponibilité de certaines réalisations d’une revendication définie fonctionnellement est sans incidence sur la suffisance, tant que la personne du métier, grâce à la description, est en mesure d’obtenir des réalisations appropriées dans le cadre de la revendication.
  • une quantité raisonnable d’essais et d’erreurs ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de l’invention.


Décision UPC_CoA_528/2024 du 25.11.2025

Décision UPC_CoA_464/2024 du 25.11.2025

 
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