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lundi 29 janvier 2018

T282/12 : une première demande partielle


G1/15 a réglé le problème des priorités et divisionnaires toxiques, mais semble en créer un nouveau : celui des "premières demandes" partielles.

Le titulaire a déposé une demande US1 décrivant une gamme 5-33%, puis une continuation-in-part US2 décrivant la gamme 3-33%. Le brevet EP en cause revendiquait la priorité de US2 et la gamme 3-33%.
L'opposant citait un usage antérieur décrivant 17% intervenu pendant l'année de priorité.

La division d'opposition avait jugé que US2 était la première demande pour la gamme 3-33% (qui ne découlait pas directement et sans ambiguïté de la gamme 5-33%), si bien que la priorité était valable et que l'usage antérieur n'appartenait pas à l'état de la technique opposable à EP.

La Chambre n'est pas de cet avis.

Elle rappelle (G2/98, 8.2) que le même critère s'applique pour décider si une demande est bien une première demande et pour décider si un brevet porte sur la même invention que la demande prioritaire.
3-33% n'est effectivement pas la même gamme que 5-33%. Toutefois, la Grande Chambre a reconnu dans G1/15 le concept de priorité partielle dans le cas où une revendication englobe un objet divulgué dans la demande prioritaire.
La Chambre considère que pour des raisons de cohérence la logique de G1/15 doit aussi s'appliquer pour décider si une demande est une première demande. La demande prioritaire et une demande antérieure déposée par le même déposant peuvent porter partiellement sur la même invention. Dans ce cas, la demande prioritaire n'est la première demande que pour la partie de l'invention qui n'est pas la même que celle de la demande antérieure.

La Chambre juge par conséquent que pour la gamme 5-33%, US2 n'est pas la première demande, et le brevet ne bénéficie pas de la priorité, tandis que pour la gamme 3-<5%, US2 est bien la première demande et le brevet bénéficie de la priorité.

L'usage antérieur, à 17%, est donc opposable.


Décision 1282/12
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7 comments:

Interessant n'est-ce pas? a dit…

Indépendamment de l'application possible de G 1/15 dans le cas d'espèce, je pense que la division d'opposition a commis une erreur en concluant que, lorsqu'elle a appliqué l'Art 123(2), elle a conclu que la priorité fondée sur D1 était valable. Elle a simplement comparé ce qui n'était pas comparable.

Dans T 842/05, une généralisation intermédiaire a été effectuée entre la demande prioritaire et la demande ultérieure. La CR a estimé que la généralisation intermédiaire ne constituait pas une extension d'objet, mais la conséquence était que la priorité n'était pas valable, car il ne s'agissait pas de la même invention que celle qui figurait dans le document de priorité. La demande la plus ancienne D 22 divulguait 5-33%. La demande sur laquelle la priorité était revendiquée D1 divulguait 3-33%. D 1 était une continuation-in-part US de D 22.

Passer de 5 à 33% dans D 22 à 3-33% dans D1 n'est en principe rien d'autre qu'une extension d'objet entre les deux demandes. La conséquence immédiate est que la priorité de 3 à 33% n'est pas valable, car la demande avec 3-33% n'était pas la première demande pour le domaine 5-33%. En reconnaissant qu'il y avait une extension d'objet entre D 22 et D1, la DO aurait dû se rendre compte qu'il ne s'agissait pas de la même invention. Il est cependant exact de dire que D1 est la première demande divulguant 3-35%, mais ce n'est qu'une partie de l'histoire.

On peut être reconnaissant à la division d'opposition d'avoir commis cette erreur, car elle permet à la CR de clarifier la situation et de d'y appliquer G 1/15.

Cette décision montre aussi qu'il faut être très prudent avec les "continuations" qui font partie de l'arsenal procédural américain, mais qui sont inconnues en Europe.

Une vieille règle dit qu'en ce qui concerne la priorité, la première continuation peut encore être OK, mais il faut vérifier qu'il s'agisse bien de la même invention, mais que pour les autres, qui en général sont déposées bien après 12 mois, la priorité n'est plus valable.

Anonyme a dit…

La seule règle est en fait un article, l'article 87(4); c'est moi qui numérote les conditions cumulatives:

Est considérée comme première demande, dont la date de dépôt est le point de départ du délai de priorité, une demande ultérieure ayant le même objet qu'une première demande antérieure, [1] déposée dans ou pour le même Etat, à la condition que cette demande antérieure, à la date de dépôt de la demande ultérieure, [2] ait été retirée, abandonnée ou refusée, [3] sans avoir été soumise à l'inspection publique et [4] sans laisser subsister de droits, et [5] qu'elle n'ait pas encore servi de base pour la revendication du droit de priorité. La demande antérieure ne peut plus alors servir de base pour la revendication du droit de priorité.

Dans la mesure où une demande US bénéficie du statut "continuation", fût-ce "in-part", elle bénéficie de la date de son parent, et donc ne peut en aucun cas servir de base pour la revendication du droit de priorité.

Je me rappelle d'un exemple dans le papier D2 de l'examen de qualification de 2003: la demande US2 est une "continuation-in-part", et EP1 ne revendique pas valablement la priorité de US2 pour les prises triangulaires déjà divulguées dans la demande parente US1.

Cela dit, pour moi, G1/15 a plutôt clarifié la situation ici aussi.

Mandataire en colère a dit…

Tout comme le disclaimer, le droit de priorité est un mécanisme qui a été inventé pour résoudre un problème pratique, mais qui est fondamentalement "contre nature" car il repose sur une fiction. D'où les innombrables difficultés qu'il suscite malgré son apparente simplicité.

Restons calmes a dit…

Beaucoup de concepts en PI relèvent d'une fiction.

Avez vous jamais rencontré un "homme du métier" en chair et en os? Moi jamais, car c'est une fiction.

L'inventeur ou son ayant droit est censé connaître tout l'art antérieur publié avant le dépôt qui est susceptible de mettre en doute la brevetabilité de son invention. Une autre fiction.

Et pourtant, malgré toutes ces fictions, le système fonctionne.

Ce qui est néfaste est que ce genre de fiction soit utilisé de manière incorrecte comme ce fût le cas des demandes divisionnaires empoisonnées. G 1/15 a voulu y mettre le holà. Ni plus ni moins.

La colère est toujours mauvaise conseillère.

Mandataire (pas) en colère a dit…

En fait "mandataire en colère" est un pseudo que j'ai pris il y a fort longtemps et dans un contexte bien particulier...

Je maintiens que le mécanisme de priorité - qui est fort utile et dont je ne préconise absolument pas la suppression - est un peu contre nature. La preuve est que, malgré sa simplicité apparente, il est une source inépuisable de pièges, chausse-trapes et autres traquenards, qui font la joie des rédacteurs des épreuves D...

Anonyme Interessant n'est-ce pas? a dit…

Les problèmes liés à la notion du droit de priorité sont certes complexes et peuvent sembler pleines de chausses-trappes.

Dans le cas d'espèce le titulaire du brevet a voulu abuser de ce droit puisqu'il a basé sa priorité sur une continuation in part. Il n'a pas réussi et c'est tant mieux.

D'autres cas récents ont eu trait au transfert du droit de priorité. Ils sont plus délicats à appréhender. Mais si le temps manque pour un transfert du droit de priorité avant le dépôt de la demande ultérieure, pourquoi ne pas effectuer le dépôt au nom du titulaire du droit de priorité et transférer ensuite la propriété de la demande? La taxe due pour le changement de déposant et les documents à fournir ne pèsent probablement pas lourd dans la balance.

Il y a là certes matière à questions pour l'épreuve D, mais de là à dire qu'il s'agisse de traquenards, je n'irais pas aussi loin.

Anonyme a dit…

Pour ce qui concerne le "magouillage" de titulaire a posteriori, pour sécuriser une priorité, ca pose surtout un problème pratique!

Que se passe t-il si le "faux" déposant ne veut finalement pas céder son droit?

C'est justement la raison d'être de la pratique de l'OEB dans le domaine, et de l'article 87 que de raisonner sur le droit de priorité à la date de dépôt, et pas a posteriori! :)

Soit le droit de prio est transmis avant, et alors il s'agit juste d'apporter un élément de preuve.

Soit il est transmis à postériori au gré des circonstances, et alors... dommage. La récente décision sur CRISPR/CAS9 le montre.

 
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