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mardi 15 octobre 2024

T56/21: pas de base légale pour exiger d'adapter la description en examen

Contrairement à ce qui avait été annoncé ici l'an dernier, la Grande Chambre ne sera (pour l'instant) pas saisie de questions concernant l'adaptation de la description.

La demande en question avait été rejetée car la demanderesse insistait pour conserver dans la description des clauses de type revendication décrites comme des "modes de réalisation spécifiques" mais qui n'étaient plus conformes à l'invention considérée comme brevetable.

La Chambre 3.3.04 juge dans cette décision de 90 pages qu'en procédure d'examen ni l'article 84 CBE, ni les règles 42, 43 et 48 CBE ne sont une base juridique pour exiger que la description soit adaptée afin de correspondre à des revendications limitées.

La pratique d'adaptation de la description a historiquement pour but d'assurer la sécurité juridique des tiers quant à la protection conférée, en lien avec le rôle de la description dans l'interprétation des revendications. 

La Chambre examine donc les liens entre les articles 69 et 84 CBE et en conclut que:

  • devant l'OEB l'étendue de la protection n'est pertinente que dans le cadre de l'article 123(3) CBE, donc après délivrance, 
  • l'examen de la clarté et du support est distinct de la détermination de l'étendue de la protection,
  • le but de l'article 84 CBE est d'arriver à une définition de l'objet brevetable en termes de caractéristiques techniques le distinguant de l'art antérieur,
  • l'article 69(1) CBE et son protocole interprétatif visent à permettre une protection au-delà d'une contrefaçon littérale basée sur une interprétation restrictive des revendications,
  • l'article 69(1) CBE et son protocole interprétatif  ne portent pas sur l'interprétation des revendications au sens de la détermination du sens des termes des revendications pour évaluer la brevetabilité,
  • se baser sur la description pour résoudre des ambiguïtés ou contradictions dans les revendications avant d'évaluer leur conformité avec les exigences de clarté et de support priverait les revendications de leur effet consacré par l'article 84 CBE,
  • le sens des revendications doit être compris avant d'évaluer la conformité aux exigences de brevetabilité,
  • l'article 84 CBE n'est ni complémentaire ni subordonné à l'article 69(1) CBE. Ce dernier ne doit donc pas être appliqué pendant l'examen.

Pour la Chambre, la justification traditionnellement donnée pour exiger l'adaptation de la description méconnaît donc le lien entre les articles 69 et 84 CBE.

Certaines Chambres mettent en avant l'idée que les autorités, les tribunaux et le public devraient autant que possible arriver à une même compréhension de l'invention revendiquée que l'OEB. Cela peut peut-être considéré comme une situation idéale mais cet objectif n'a aucun fondement dans la CBE.

L'article 84 CBE porte sur les revendications: c'est aux revendications d'être supportées par la description, au sens où l'on ne peut revendiquer que ce qui est décrit, mais pas à la description d'être modifiée pour correspondre à ce qui est finalement revendiqué. L'article 84 CBE porte également une exigence de clarté, mais qui porte sur les revendications en elles-mêmes.

Pour la Chambre, la sécurité juridique des tiers est mieux servie par des revendications claires et concises qui permettent de délimiter la "zone interdite" sans avoir à recourir à la description que par une description adaptée.

La Chambre reconnaît un cas de figure problématique, dans lequel la description donne une définition d'un terme plus large que son sens habituel dans la technique (comme dans l'affaire à l'origine de la saisine G1/24), mais estime que cela peut donner lieu à une objection selon la règle 49(2) CBE ensemble l'article 2(10) de la décision du Président OEB du 25.11.2022 (JO OEB 2022, A113, "La terminologie et les signes utilisés doivent être uniformes dans toute la demande de brevet européen."). 


Décision T56/21

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11 comments:

Anonyme a dit…

La position de cette chambre est donc "après nous le déluge": on sert juste à délivrer des brevets, ce que les tribunaux feront ensuite de ces brevets on s'en lave les mains, cela ne nous concerne pas.
Position regrettable, quand dans le même temps la JUB adopte une position claire: la description doit être prise en compte pour interpréter les termes des revendications (et je ne parle pas ici des équivalents). On se retrouve avec 2 standards : l'OEB qui ne regarde pas la description et la JUB qui la regarde, et donc le risque d'avoir deux interprétations différentes des caractéristiques revendiquées. Y compris sur la validité car la JUB ne traite pas que de contrefaçon. Et laissons les équivalents en dehors du débat, c'est une autre question.
Espérons que la grande chambre ira à l'encontre de cette décision.

Anonyme a dit…

C'est une très bonne décision qui se concentre sur le droit et uniquement le droit. Le côté pratique devra être débattu par les offices nationaux. Certaines chambres et examinateurs avaient oublié qu'ils ne s'occupaient que de la partie jusqu'à la délivrance. Cette décision est un bon rappel. Merci à Roche de ne pas avoir lâché. Cette décision ne sera sûrement pas suivie par l'OEB de facto; il faudra encore d'autres décisions dans ce sens pour mettre un terme à cette pratique sans base juridique.

Anonyme a dit…

C'est une très bonne décision qui se concentre sur le droit et uniquement le droit. Le côté pratique devra être débattu par les offices nationaux. Certaines chambres et examinateurs avaient oublié qu'ils ne s'occupaient que de la partie jusqu'à la délivrance. Cette décision est un bon rappel. Merci à Roche de ne pas avoir lâché. Cette décision ne sera sûrement pas suivie par l'OEB de facto; il faudra encore d'autres décisions dans ce sens pour mettre un terme à cette pratique sans base juridique.

DXThomas a dit…

J’ai commenté la décision sur mon blog.

J'ai trouvé un certain nombre de problèmes dans la décision
- Directives et CR, cf. Art 20(2) RPCR
- Interférence avec la saisine G1/24
- Adaptation de la description limitée à l'examen
- Pas de saisine de la GCR

En résumé la décision ne convainc pas, ou ne convaincra que ceux qui n’en ont pas besoin.

Il est fort douteux que la majorité des CR suivent cette décision, vu la masse des décisions qui considèrent que la description doit être adaptée, que ce soit en examen ou en opposition.

Tout compris il n’y a guère plus que quelques décisions selon lesquelles la description n’a pas à être adaptée : la présente, T 1989/18 et T 1444/20, toutes trois de la plume du même membre juriste, T 2194/19 qui ne convainc pas non plus, ainsi que T 438/22 qui considère que les «claim-like clauses» n’ont pas à être supprimées.

Anonyme a dit…

Cette décision a le mérite de tordre le coup à l'erreur logique consistant à dire que "les revendications doivent se fonder sur la description" impliquerait nécessairement que "les modes de réalisation de la description doivent tomber dans la portée des revendications".

Un erreur regrettable qui a dû donner des sueurs froides à un paquet de mandataires au moment de la 71(3).

DXThomas a dit…

Bien que je ne partage pas l’opinion de la CR que la description n’aiet pas être adaptée en examen et que rien ne soit dit sur l’adaptation de la description en opposition, la décision de la CR n’est pas du style "après nous le déluge".

Il ne faut pas oublier que la création de la CBE a institué une césure entre l’obtention du titre et l’utilisation du titre vis-à-vis de contrefacteurs présumés. Il est donc légitime de distinguer entre ce qui se passe à l’OEB en examen et opposition, et devant les tribunaux nationaux et la JUB.

Il est donc manifeste que l’OEB n’a pas à se poser des questions quant à une possible contrefaçon, directe ou indirecte, par équivalents ou non. Cette prérogative est dévolue aux tribunaux nationaux et à la JUB. Si l’OEB devait prendre ce chemin, il empièterai sur le domaine réservé aux tribunaux nationaux et à la JUB.

Vous ne vous rendez peut-être pas contre, mais ce que la Cour d’Appel de la JUB veut, est tout simplement que soit adopté la pratique de la Cour Fédérale Allemande (BGH). Avant toute décision, celle-ci interprète systématiquement les revendications à la lumière de la description est des dessins. Ce n’est qu’après qu’elle décide de la contrefaçon. En cas de contrefaçon cette pratique correspond aux dispositions du Protocole d’interprétation, mais l’OEB n’a pas à y mettre son nez.

Il est à noter que dans la décision de saisine de la GCR (G 1/24) T 439/22, au point 6.2.5 des raisons, la CR propose exactement d’adopter la pratique de la Cour Fédérale Allemande, ce que la présente CR a refusé dans sa décision.

La GCR n’agira contre cette décision que si elle est saisie de la question. La présente CR a refusé de saisir la GCR. Celle-ci ne peut qu’être saisie par une CR ou le président de l’OEB.

Anonyme a dit…

Excellente décision, qu'en en finisse à cette sale habitude de modifier la description inutilement et sans aucune base juridique, sinon une interprétation tortueuse de l'article 84.

Anonyme a dit…

Eu égard á la grande majorité des décisions sur l’adaptation de la description, la présente décision ne fait pas vraiment le poids malgré son développement et la citation de nombreuses décisions des chambres de recours et de tribunaux nationaux.

En ce qui concerne les modifications apportées à la description dans la notification selon la R 71(3) il convient de les passer à la loupe. Les DE ont une fâcheuse tendance à vouloir tordre le bras du déposant en promettant une délivrance aux prix de modifications qui sont tout sauf mineures, que ce soit dans la description ou même dans les revendications. Ces dernières sont d’ailleurs clairement proscrites.

En fait, seules des modifications mineures, par exemple d’erreurs typographiques sont autorisées au moment de la notification selon la R 71(3), et l’accord du déposant doit être requis au moyen d’un entretien, téléphone ou ViCo, à l'initiative de l’examinateur en charge du dossier.

Si les déposants formulaient plus de réclamations auprès du service réclamations de la DG1, cette pratique abusive pourrait s’arrêter.

Il est donc facile pour l’OEB de considérer qu’en l’absence de réclamations tout va pour le mieux (madame la marquise…..).

DXThomas a dit…

La grande majorité des CR n'appliquent pas l'Art de façon «tortueuse».

L'Art 84 comporte deux parties distinctes. La clarté au sens premier du terme et le support par la description. Ce qui est en cause ici est le support des revendications par la description. .

Si une revendication indépendante est limitée par une caractéristique désignée comme étant optionnelle dans la description, et qui se retrouve souvent dans une revendication dépendante, il me semble nécessaire de supprimer la désignation optionnelle dans description.

Si des modes de réalisation sont anticipés ou ne sont plus inventifs eu égard à l’art antérieur, il me semble nécessaire de correctement indiquer dans la description que lesdits modes de réalisation ne sont plus couverts par les revendications. Il ne faut pas nécessairement les supprimer, mais ils ne peuvent logiquement plus être compris dans l’étendue de la protection offerte par une revendication indépendante modifiée.

Eu égard à l’Art 69 et au Protocole d’interprétation il est alors facile pour le titulaire de prétendre en cas de contrefaçon, que ces modes de réalisation sont toujours encore couverts par les revendications.

La tâche de l’OEB est de délivrer des brevets qui soient solides et dans lesquels il ne reste pas d’ambiguïté quant à ce qui est couvert par les revendications.

Ceci n’empêche en rien un tribunal national ou la JUB de décider indépendamment de l’OEB s’il y a contrefaçon directe, indirecte ou par équivalents. Mais au moins les choses sont claires pour le tribunal et le contrefacteur présumé.

Que certaines modifications exigées, notamment la suppression de certains modes de réalisation, tiennent plus de la pédanterie que d’une application raisonnable de la condition de support est indéniable. Ceci n’empêche cependant pas que la condition du support par la description existe et se doit d’être respectée.

Anonyme a dit…

La décision T56/21, que je salue, fournit une analyse juridique détaillée et convaincante. Les commentaires sur ce site ne font que répéter, en substance, que les décisions allant dans le sens opposé sont nombreuses. Je regrette qu'il n'y ait pas plus d'analyse juridique.

Anonyme a dit…

"Si des modes de réalisation sont anticipés ou ne sont plus inventifs eu égard à l’art antérieur, il me semble nécessaire de correctement indiquer dans la description que lesdits modes de réalisation ne sont plus couverts par les revendications."

Pas nécessaire, non. Une revendication se doit d'être claire en tant que telle. Si un mode de réalisation n'est plus couvert par une revendication limitée, mais que la revendication est claire, il n'y a aucune raison de retirer ce mode de réalisation ni même d'indiquer qu'il n'est pas couvert par les revendications.

S'il était nécessaire d'adapter la description (au delà de la reprise littérale des revendications) pour avoir un titre solide sans ambiguïté quant à ce qui est couvert par les revendications, c'est que les revendications manquent de clarté.
L'adaptation de la description dans ce cas ne ressemble à rien d'autre qu'un manque de sérieux quant à l'examen de clarté.

 
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