Le présent recours est porté devant la Chambre juridique pour contester le refus par la division juridique d'inscrire un transfert de la demande au REB.
La Demanderesse avait déposé une copie électronique du contrat de cession, contenant des signatures sous forme de séries de caractères.
La question est de savoir si une telle signature est une signature au sens de l'article 72 CBE.
La Chambre rappelle que selon l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Le point de départ de l'interprétation est le libellé, c'est-à-dire le sens objectif des termes à interpréter, quelle que soit l'intention subjective originelle des parties. La Chambre note que les dictionnaires, donnent comme définition au terme "signature", notamment dans le contexte d'un contrat, la représentation manuscrite du nom d'une personne.
En outre, le but de l'article 72 CBE est de garantir la sécurité juridique en établissant un standard commun, qui s'impose aux Etats contractants. L'exigence de signature garantit que le contrat soit clairement attribuable aux parties, met en évidence la signification juridique de l'acte et est à la mesure de l'importance de l'acte juridique de cession.
Si l'on devait interpréter ce terme comme couvrant les signatures électroniques, la question se poserait de savoir quel type serait concerné: les simples séries de caractères, les signatures électroniques avancées ou qualifiées? Sans base juridique explicite, on ne peut considérer que tout type de signature électronique puisse être considéré comme une signature au sens de l'article 72 CBE.
La règle 2(2) CBE fait référence à d'autres moyens d'authentification, autorisés par la Président de l'OEB. Mais cette règle porte sur les documents à déposer dans le cadre des procédures devant l'OEB, donc des documents qui ne concernent que les relations entre l'OEB et le déposant, par exemple la requête en délivrance. Il s'agit dans ce contexte d'identifier la personne qui dépose le document, dans le contexte des outils de dépôts en ligne proposés par l'OEB. La règle 2 n'est donc pas une règle d'application de l'article 72 CBE, lequel concerne un contexte totalement différent.
La signature des documents de cession doit donc être manuscrite.
La Chambre fait également remarquer que cela n'est pas contradictoire avec la possibilité de déposer une copie électronique du document de cession. Les exigences concernant le document de cession et celles concernant son dépôt dans le cadre des procédures devant l'OEB ne doivent pas être confondues. Dans ce dernier cas, la règle 2 CBE s'applique, ainsi que les décisions concernant le dépôt électronique de documents.
[EDIT] un commentaire fait référence au Communiqué de l'OEB du 22.10.2021 qui autorise l'utilisation signatures électroniques qualifiées dans les documents de cession. La Chambre juridique mentionne ce Communiqué, faisant remarquer que ce communiqué s'écarte de l'article 72 CBE tel que présentement interprété. Un Communiqué, bien que source de confiance légitime, n'est qu'un document d'information et n'est donc pas un instrument juridique adopté par un organe législatif compétent, de sorte qu'il ne peut pas préciser des articles de la CBE. Son contenu n'a donc aucune incidence sur l'interprétation du terme "signature".
3 comments:
Est-ce à dire que le Communiqué de l'OEB en date du 22 octobre 2021 qui autorise les signatures électroniques qualifiées pour les cessions (cf Directives E, XIV-3) est désormais obsolète ?
@Anonyme de 11h09
Il y a une référence à ce communiqué dans la Décision. En résumé, ce communiqué n'a aucune valeur juridique.
Un commentaire de la Chambre de Recours était que la définition de "signature" dans l'article 72 peut-être altérée en incluant une définition dans les règles et laissent donc suggérer que le CA devrait passer par cette voie pour inclure les signatures électroniques (même s'il reste à déterminer la portée juridique de ce changement pour les pays de la CBE)
L'OEB s'arroge des droits qu'il n'a pas. La cession en question concernait des demandes/brevets dans plusieurs Etats:
https://register.epo.org/application?documentId=L0QWTAZJ1UU7JJE&number=EP21204983&lng=en&npl=false
Il n'est pas admissible de demander de respecter des critères différents pour chacun. La légalité d'une signature doit s'apprécier au regard du droit applicable à la signature.
Et ici, les parties à ce contrat ont à mon humble avis été négligentes: elles n'ont pas indiqué le droit applicable au contrat, ni ceux applicables aux signatures en indiquant "fait à [ville] le jj.mm.aaaa".
En droit japonais, la signature avec un sceau (hanko) est parfaitement légale (l'on me rétorquera sans doute que le sceau est tenu par une main, mais chacun aura bien compris ce que je veux exprimer).
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