Nous avons relaté quelques décisions dans lesquelles des Chambres n'ont pas admis dans la procédure des requêtes déposées en première instance mais non discutées dans la décision attaquée, ces requêtes étant considérées comme des "modifications" car elles n'avaient pas été "valablement" déposées en première instance (voir par exemple T246/22).
Dans le cas d'espèce, la division d'opposition avait rejeté l'opposition, mais la Chambre a décidé que l'invention de la requête principale n'impliquait pas d'activité inventive. Les requêtes subsidiaires 1 à 12 étaient identiques à celles déposées devant la division d'opposition, avant la date limite fixée selon la règle 116(1) CBE.
La Titulaire argumentait que ces requêtes faisaient automatiquement partie de la procédure, car elles étaient mentionnées dans la partie "faits et requêtes" de la décision. La Chambre n'est pas de cet avis, et fait notamment remarquer que dans ce cas, la première phrase de l'article 12(4) RPCR serait sans effet.
En application de cet article, la Chambre doit examiner d'abord si la partie a bien "démontré" que les requêtes ont été valablement soumises et maintenues en première instance, et ensuite si ces requêtes peuvent effectivement être considérées comme telles.
Sur la première partie, le législateur n'a pas voulu imposer aux Chambres l'obligation d'étudier d'office la procédure de première instance, d'identifier les requêtes, de comprendre la raison de leur dépôt. Cette tâche incombe à la partie concernée. Cette démonstration doit figurer dans le mémoire ou la réponse, puisque ces derniers doivent contenir l'ensemble des moyens des parties.
En l'espèce, la Titulaire n'a pas satisfait à cette exigence, ni par écrit, ni lors de la procédure orale.
Par écrit, la Titulaire a simplement donné la base des modifications et indiqué brièvement que les caractéristiques ajoutées ne se trouvaient pas dans les documents cités. Ceci n'est toutefois pertinent que sur la question de savoir si les requêtes ont été motivées en recours, pas celle de savoir si elles ont été valablement soumises en première instance. Même en procédure orale, la Titulaire n'a pas indiqué à quelles fins les requêtes ont été déposées, et notamment comment les modifications pouvaient résoudre les problèmes soulevés. Le fait que les requêtes aient été déposées avant la date fixée selon la règle 116(1) CBE n'est pas pertinent: de telles requêtes peuvent néanmoins être considérées comme tardives.
Les raisons pour lesquelles les requêtes ont été déposées en première instance ne ressortent pas non plus du courrier les accompagnant, puisque la Titulaire se contentait d'affirmer que les caractéristiques ajoutées mettaient davantage en évidence les différences par rapport à l'état de la technique.
Les requêtes subsidiaires 1 à 12 constituent donc des modifications au sens de l'article 12(4) RPCR, et leur admission dans la procédure relève du pouvoir discrétionnaire de la Chambre.
La Chambre admet dans la procédure la requête subsidiaire 6, car elle semble à première vue respecter les exigences des articles 56, 83, 84 et 123(2) CBE, et respecte donc les critères quant à la complexité des modifications, et leur aptitude à répondre aux objections et l'économie de la procédure.
Compte tenu du fait que la Chambre a adopté une interprétation fondamentalement différente de la revendication 1, l'affaire est renvoyée en première instance.
8 comments:
Si je comprends bien la décision, ces requêtes ont bien été redéposées dès que possible devant la Chambre de recours.
Cela devient lunaire : il en vient à être préférable de perdre en première instance, en tant que Titulaire, pour être sûr que toutes les requêtes soient "suffisamment' discutées en première instance au goût de la Chambre de recours, pour qu'elles soient considérées comme maintenues en première instance (en réécrivant bien dans le mémoire de recours tout ce qui a été écrit et dit en première instance).
On notera également que la Titulaire a demandé à ce que des questions à ce sujet soient posées à la Grande Chambre, ce qui a été refusé car une (sur 12 !!, et qui n'est pas la requête de rang supérieur) requête a été considérée admissible. Je cite : "Il n'est donc pas nécessaire de répondre aux questions posées pour pouvoir statuer sur l'objet de la réclamation." Eh bien si : si toutes les requêtes étaient admissibles, cela pourrait mener à une issue différente, donc il y a clairement besoin d'éclaircir ce point !
Une décision qui est incompréhensible de mon point de vue ! Les mandataires vont finir par écrire des centaines de pages à chaque courrier, en redisant tous leurs arguments à chaque fois, et déposer des centaines de requêtes, à jouer comme cela : vive la malmenée économie de la procédure !
Bonjour, je désire savoir si l'opposant a contesté l'admissibilité des requêtes auxiliaires 1 à 12 et si cela a joué un rôle dans la décision. Merci, c'est assez urgent.
Vous pouvez trouver ces renseignements sur le registre. On ne va quand meme pas lire le dossier pour vous.
Plus généralement, il ne faut pas stresser pour une seule décision, qui plus est vient d'une chambre connue pour ses décisions frappées au coin de la créativité et de l'innovation de pointe (oui, ça pique parfois). Si vous allez devant cette chambre, prenez-la au sérieux, sinon, attendez la confirmation par une autre chambre avant de vous lamenter.
Cette décision est en allemand (d'habitude notre blogueur favori le mentionne).
Mais ce qui est amusant est que, suivant le lien https://www.epo.org/de/boards-of-appeal/decisions/t221135du1 vers la décision, j'ai abouti à la page en allemand, avec une bannière annonçant:
Informationen
Diese Entscheidung ist nur auf Englisch verfügbar.
glb étant disposé à contribuer aux commentaires de manière constructive, je lui signale que nous attendons toujours sa réponse à la question urgente de l'anonyme du 30 avril à 18h15.
@Franco-belge
Je vois régulièrement ce message en lisant en ligne les décisions des CR.
À chaque fois que je le vois, je me dis que la qualité augmente.
@glb sauf que l'on ne connait pas la chambre de recours chez qui va tomber notre dossier au moment de l'opposition. Certes, nous connaissons le domaine, mais si l'on traite des dossiers dans le domaine, nous sommes concernés.
En outre, il y a déjà deux décisions avec les Chambres 3.5.03 et 3.5.05. Vous direz donc aux mandataires qui ont travaillé sur ces dossiers de "ne pas stresser", ainsi qu'à leurs clients qui ont dû être ravis que le dossier ne soit même pas discuté sur le fond.
Ensuite, vous semblez considérer cela normal que, selon la Chambre devant laquelle on tombe, le dossier peut prendre des directions diamétralement opposées. Alors certes, ces questions sont souvent "à la discrétion de la Chambre", mais en application de principes et en suivant une ligne jurisprudentielle (sauf raison particulière) : il ne serait donc pas aberrant que la Grande Chambre de Recours donne une ligne directrice plus claire sur ce sujet.
S'interroger sur le bien-fondé de décisions n'est pas se lamenter.
Le dernier anonyme dit qu'il y a déjà deux décisions avec les Chambres 3.5.03 et 3.5.05 (c'est le même président, si vous regardez bien). Je crois qu'il y en a d'autres, par exemple T 0364/20 (3.3.02), T 1220/21 (3.3.06), T 1800/20 (3.4.02). Stressons en choeur.
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