Les parties débattant de la question de savoir quel niveau de preuve était applicable pour décider si l'usage antérieur était suffisamment prouvé, la Chambre en profite pour donner son opinion sur le sujet.
Elle rappelle que lorsque l'OEB doit décider si un usage antérieur a eu lieu lorsque les preuves sont essentiellement entre les mains de l'opposante, la jurisprudence a essayé de concilier deux aspects: d'une part le principe de libre appréciation des preuves, qui interdit par exemple d'attribuer systématiquement une plus faible valeur probante à des déclarations de témoins qu'à des textes de brevet, et d'autre part le fait que la partie qui conteste l'usage antérieur ne peut que pointer des incohérences dans la chaine de preuves. La distinction classique entre la balance des probabilité et la preuve au-delà de tout doute raisonnable résulte de ces considérations.
Pour la présente Chambre, ce qui est décisif, selon le principe de libre évaluation de la preuve, et quel que soit le niveau de preuve appliqué, est que les membres de l'organe décisionnaire soient personnellement convaincus.
Le niveau de preuve porte sur le niveau de conviction : conviction qu'un fait est plus probable qu'un autre ou conviction au-delà de tout doute raisonnable qu'un fait est produit. Le terme "conviction" exclut donc des concepts tels que des "soupçons raisonnables". Comme le dit une décision britannique, le droit fonctionne selon un système binaire et les juges doivent décider si quelque chose s'est produit ou pas, pas si quelque chose aurait pu se produire. Le niveau de preuve correspond au niveau de persuasion que les juges doivent ressentir avant de décider que le fait s'est produit. Dit autrement, le niveau de preuve porte sur le niveau de conviction requis, pas sur l'objet de l'évaluation. Même si le niveau appliqué est la balance des probabilités, la question n'est pas de savoir si le fait allégué aurait pu se produire avec une certaine probabilité.
En outre, si un fait est considéré comme prouvé en appliquant le standard le plus strict (au-delà de tout doute raisonnable), il n'est pas besoin de trancher le niveau applicable.
Enfin, ce niveau de preuve n'exige pas la chaine de preuve théoriquement la plus complète possible. La question que l'organe décisionnaire doit se poser est plutôt de savoir si l'ensemble des preuves en l'état lui permet de considérer l'allégation factuelle comme vraie avec le degré de conviction requis, c'est-à-dire au-delà de tout doute raisonnable. Même s'il subsiste des doutes, le niveau de preuve est respecté dès lors que le doute subsistant n'est pas raisonnable, ce qui peut être compris comme globalement insubstantiel au regard de l'ensemble des éléments de preuve disponibles.
En l'espèce, et contrairement à la division d'opposition, la Chambre est convaincue au delà de tout doute raisonnable que le "produit 5" était accessible au public.
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