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lundi 28 août 2017

T1090/12 : pas d'obligation de fournir des documents pour prouver les connaissances générales


Le présent recours concerne un recours formé contre une décision de rejet d'une demande pour défaut de clarté.
La Chambre estime que la division d'examen s'est trompée, mais ne renvoie par en première instance, comme l'autorise l'article 111(1) CBE, en particulier car la division d'examen, dans un obiter dictum, avait émis un avis négatif quant à l’activité inventive. C'est d'ailleurs sur ce motif que la Chambre rejette définitivement la demande.

Le déposant souhaitait que la Chambre saisisse la Grande Chambre de deux questions.

Dans la première question, le déposant demandait dans quelle mesure une Chambre, lorsqu'elle exerce les compétences de la première instance au titre de l'article 111(1) CBE, est soumise aux mêmes contraintes que cette première instance, telles que l'obligation de suivre les Directives.

Dans la deuxième question, le déposant demandait dans quelle mesure la même Chambre peut s'appuyer sur des connaissances générales de l'homme du métier sans fournir de preuves, alors que cela est contesté et qu'il n'existe pas de possibilité de recours contre cette assertion.

Le déposant reprochait en effet à la Chambre de se baser sur des connaissances générales sans fournir de preuves documentaires, alors que selon les Directives (G-VII 3.1) les connaissances générales doivent être prouvées dès lors qu'elles sont contestées.

Sur la première question, la Chambre rappelle qu'elle n'est pas liée par les Directives, qui ne font pas partie de la CBE (article 23(3) CBE et article 164(1) CBE).

La Chambre rejette également la deuxième question, car une réponse claire peut selon elle être tirée de la CBE. Une Chambre doit respecter le droit d'être entendu et motiver ses décisions. Lorsqu'une Chambre se réfère à des connaissances générales, elle n'est pas obligée de systématiquement fournir des documents. Elle peut établir ce qui est selon elle réputé connu de manière à mettre le requérant dans la position d'essayer de la convaincre que sa position est erronée. Une telle manière de faire respecte le droit d'être entendu puisque le requérant a l'opportunité de fournir des arguments. Mais un simple démenti n'est pas suffisant. Dans le cas d'espèce, le requérant aurait pu essayer de prouver que la caractéristique litigieuse avait été introduite postérieurement.


Je remercie chaleureusement le lecteur qui m'a signalé cette décision.


Décision T1090/12
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5 comments:

Robin a dit…

Cette décision est problématique car une CR décide en dernier lieu du sort d'une demande.

Je ne pense pas que dans une procédure d'opposition, une CR permette à un opposant de raisonner de la sorte. Je doute qu’une CR accepte de révoquer un brevet alors que l’opposant se contente d’exciper des connaissances générales de l’homme du métier, sans en apporter aucune preuve écrite. Pourquoi une CR se permet alors d’agir de la sorte dans le cas d’un recours sur le rejet d’une demande ?

Que la CR n’ait pas accepté la saisine de la GCR sur le fait de savoir si les CR sont tenues par les Directives était prévisible, car la réponse est manifestement non. La question ne méritait simplement pas d’être posée.

C’est la réponse à la deuxième question qui pose problème.

Dans sa réponse à la seconde question, la CR se réfère à R 20/11, dans laquelle la GCR a conclu que dans un cas similaire, une CR qui a agi comme dans le cas présent, n’a pas commis d’erreur de procédure. La GCR ne s’occupe que de vérifier si la procédure appliquée est correcte. Dans le cas d’espèce, il est donc difficile de dire que le droit d’être entendu n’a pas formellement été respecté, puisqu’il y a eu une discussion sur les connaissances générales de l’homme du métier. Le problème de fond reste entier, car une décision a été prise qui n’était étayée par aucun élément de preuve.

Dans le cas d’espèce, tout comme dans R 20/11, il s'agit d'une question de fond, et une CR ne peut pas être en même temps juge et partie.

La propre jurisprudence des CR est pourtant claire en la matière :

T 2375/10
Bien que le cas soit différent sur certains aspects, la CR a tenu de rappeler dans T2375 / 10: «Puisque l'exigence de l'activité inventive définie à l'Art 56 est basée sur l’art antérieur, la décision de la Division d'examen en concluant au manque d'activité inventive sans référence à l'état de la technique, est insuffisamment raisonnée au sens de la R 111(2) », Voir dernier § du Point 2.

Dans le cas présent, ce ne sont que les connaissances générales de l’homme du métier qui ne sont pas documentées, mais le raisonnement de T 2375/10 s'applique en totalité.

T 2467/09
Dans l'affaire T 2467/09, la CR a déclaré: "L'argument selon lequel certaines connaissances sont notoires n'est une raison suffisamment convaincante que si elle satisfait un destinataire raisonnable, c'est-à-dire si, au moment où l'argument doit être évalué par le déposant et, dans le cas d’un recours, par une CR, il ne peut être raisonnablement contesté que ces connaissances faisaient partie des connaissances générale commune de l'homme du métier à la date de dépôt effective. Une telle connaissance sera presque nécessairement limitée aux caractéristiques génériques, définies de telle manière que les détails techniques ne sont pas importants (voir les décisions T 1411/08 du 6 juin 2011, raisons 4.2 et T 359/11 du 13 mai 2015, raisons 3.11). "

En tenant compte de T 2467/09, qui se trouve dans le domaine de l'informatique comme dans la décision présente, la décision actuelle est vraiment surprenante. Pourquoi les considérations menant à une violation substantielle de la procédure s'appliquent-elles dans le cas T 2467/09 et non dans le cas présent?

Autres juridictions

Je ne dis pas que la Cour suprême allemande (BGH) est la mesure de toutes choses, mais je me souviens d'une ancienne décision qui a dit plus ou moins ce qui suit: s'il une information relative aux connaissances générales de l’homme du métier est tellement connue, il devrait y avoir au moins deux sources distinctes.

Je vois un lien entre l'attitude présente d'une CR avec les questions posées devant la Cour constitutionnelle allemande (CCA) concernant l'absence de possibilité de révision quant au fond d’une décision de rejet d’une demande ou d'une décision de révocation par une CR. La CCA ne fera probablement pas sauter le système, mais demandera peut être des garanties, ce qui est souhaitable.

Anonyme a dit…

@Robin, la CdR conclut ici à un défaut d'activité inventive par rapport à D3 en combinaison avec les connaissances générales, rien à voir avec T2375/10 ou la DE avait refusé parce que "le problème n'était pas résolu" sans même citer d'état de la technique. Également rien à voir avec T2467/09, ou la DE n'a effectué aucune recherche et rejeté pour manque d'AI par rapport à des connaissances générales qui, pour des questions de fond, n'étaient pas convaincantes ("technologies for the dynamic building of web pages" en 2000).
Difficile ici de juger le bien-fondé des connaissances générales alléguées pour un non-informaticien. Il est toutefois entièrement justifié de mettre une limite au principe "connaissance générale contestée doit être prouvée": il faut mettre en balance la notoriété de ces connaissances (après tout la procédure s'adresse à des parties et CdR techniquement qualifiées) et la force du démenti, i.e pas un simple "ah bon vraiment, un document s'il vous plait". C'est une question de fond, pas une violation des droits fondamentaux.

Onurb a dit…

Pas d'accord avec Anonyme.
On ne peut pas prouver ce qui n'existe pas. Si une technologie fait partie des connaissances générales, il ne doit pas être compliqué de trouver deux documents montrant sa mise en œuvre.
Cette décision est problématique car elle ouvre la porte à l'arbitraire de la part des examinateurs ou des chambres et à des argumentations comme on peut parfois en voir aux US, sans grand raisonnement.
Par ailleurs, le droit d'être entendu, pour être respecté et effectif, ne doit pas être uniquement formel.
Dans le cas présent, si l'on demande à un demandeur de prouver la réfutation d'un argument, on pourrait attendre que cet argument soit lui-même argumenté, sinon on donne un droit non efficace au déposant, et on fait juste semblant de l'écouter.
J'espère qu'il y aura révision.

Robin a dit…

Je ne suis pas du tout d'accord avec Anonyme, justement parce qu’il s'agit une question de fond et pas juste de procédure.

Devant l'OEB nous ne sommes pas devant un tribunal civil, ou dans le futur devant l'UPC, où toute affirmation qui n'est pas réfutée devient un fait acquis.

La Chambre ne voulait pas dire qu'elle adoptait la position relative aux "connaissances notoires" telles qu'il est utilisé dans le domaine du traitement de l'information, mais c'est ce qu'elle a fait en pratique.

Ce qui est en cause ici est le caractère apodictique de la façon dont la CR traite le problème des connaissances générales de l'homme du métier:

there is also "no general obligation on a board to provide documentary evidence for the existence of a piece of common general knowledge". In proceedings before the EPO, a board of appeal has to respect the right to be heard and to give reasons for its decision. In cases where a board refers to common general knowledge as state of the art, "it is not obliged to provide documents in every conceivable case".

Les passages entre "" sont les plus significatifs. Ce genre d'obiter dictum n'est pas correct.

Pour Onurb, même si révision il y a, la GCR risque peu de changer sa position, car elle pourra se référer au cas R 20/11 qui est en tout point similaire.

Il n'en reste pas moins pour moi, qu'une CR ne peut être à la fois juge et partie. C'est là que le bât blesse.

Anonyme a dit…

Pour prouver que quelque chose ne fait pas partie des connaissances générales de l'homme de métier, la Chambre demande rien de moins que la démonstration que c'est entré plus tard dans l'état de la technique, et ce pour une demande de 2002.

Il est, à mon humble avis, tout simplement inacceptable qu'une Chambre puisse se contenter d'une simple affirmation. C'est pourtant ce qui résulte du mot "possibly" dans la phrase "It is also possible for a board to state what it deems to be known, and possibly where it is known from, …" (6.2)

 
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