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mercredi 4 décembre 2024

T1286/23: Faut-il garder G3/04 ? la Grande Chambre est saisie

La Grande Chambre de recours est saisie de la question suivante:

Après le retrait de tous les recours, la procédure peut-elle être poursuivie avec un tiers qui est intervenu durant la procédure de recours ? En particulier, le tiers peut-il acquérir un statut de requérant correspondant au statut d'une personne admise à former un recours au sens de l'article 107 CBE, première phrase ? 

La Grande Chambre avait répondu par la négative à cette question dans la décision G3/04. La présente Chambre ayant l'intention de s'écarter de cette décision, elle doit donc à nouveau saisir la Grande Chambre, en application de l'article 21 RPCR.

Pour la présente Chambre, un intervenant au stade du recours devrait être considéré comme une partie admise à former un recours au sens de l'article 107 CBE, car l'article 105 CBE établit une fiction selon laquelle l'intervenant est considéré comme un opposant. En outre, la décision n'a pas fait droit à ses prétentions du fait de l'existence même du brevet qu'on l'accuse de contrefaire. L'intervenant doit donc être autorisé à former son propre recours, ou à défaut rester partie de droit à la procédure.

En l'espèce, la société Geske avait déposé successivement deux déclarations d'intervention devant la division d'opposition. Les deux ont été rejetées, la première car elle venait en réponse à une simple lettre de mise en demeure, la deuxième car l'action en déclaration de non-contrefaçon, initiée quelques jours avant la procédure orale, n'avait pas encore été signifiée à la Titulaire et n'était pas encore considérée comme "engagée", en application de l'article 253 du code de procédure civile allemand.

Geske avait alors déposé une troisième déclaration d'intervention et formé recours contre la décision de maintien du brevet sous forme modifiée. L'Opposante avait préalablement formé recours, mais l'avait ensuite retiré.

La Chambre considère la troisième intervention comme recevable, et note qu'à ce moment la procédure de recours initiée par l'Opposante était pendante. En outre, s'agissant de la deuxième intervention, elle aurait pu être recevable si le tribunal avait transmis la demande en déclaration de non-contrefaçon plus rapidement, ou si la division d'opposition avait reporté la procédure orale.


Décision T1286/23

lundi 2 décembre 2024

JUB - La Haye - 22.11.2024 - Contrefaçon par équivalence

Depuis que la JUB existe, toutes les personnes intéressées se demandent comment cette nouvelle juridiction va traiter la contrefaçon par équivalence. Il existe en effet des divergences en la matière entre les différents tribunaux nationaux.

Dans la présente décision, la division locale de La Haye, tenant compte des pratiques de diverses juridictions nationales et après avoir interrogé les parties, propose le test suivant en 4 points:  

  1. Équivalence technique : la variante résout-elle (essentiellement) le même problème que l'invention brevetée et remplit-elle (essentiellement) la même fonction dans ce contexte ?
  2. L'extension de la protection de la revendication à l'équivalent est-elle proportionnée à une protection équitable du breveté compte tenu de sa contribution à l'art [et la manière d'appliquer l'élément équivalent était-elle évidente pour la personne du métier à partir de la publication du brevet (au moment de la contrefaçon)]* ?
  3. Sécurité juridique raisonnable pour les tiers : la personne du métier comprend-elle, à la lecture du brevet, que la portée de l'invention est plus large que ce qui est littéralement revendiqué ?
  4. Le produit allégué de contrefaçon est-il nouveau et inventif par rapport à l'état de la technique ? (défense Gillette/Formstein)
*: cette partie du point 2 n'est pas reprise dans le résumé donné en première page de la décision.

Le produit argué de contrefaçon (Bioo Panel, à gauche dans la figure ci-dessous) ne reproduisait pas littéralement toutes les caractéristiques de la revendication 11 du brevet EP2137782 car la plante et ses racines n'étaient pas disposées dans le compartiment anodique, mais dans un compartiment supérieur, le compartiment anodique étant quant à lui disposé dans la partie inférieure.

Pour les juges, la plante (ainsi que son positionnement) a la même fonction que dans le brevet et résout le même problème, et le fait de manière similaire car les matériaux organiques générés dans la partie supérieure peuvent atteindre l'anode dans la partie inférieure. 

Le brevet couvre une nouvelle catégorie de piles à bactéries, appelée P-MFC, en introduisant une plante dans le réacteur pour produire de l'électricité à partir des matières organiques venant de la photosynthèse par la plante. Un champ de protection assez large est donc conforme à la contribution de l'invention à l'état de la technique. Bioo argumentait que le système du brevet ne fonctionnait pas et qu'il avait amélioré ce système, mais les juges retiennent que la modification apportée par Bioo applique toujours l'enseignement du brevet.

La personne du métier comprendrait que l'enseignement du brevet est clairement plus large que le libellé de la revendication 11: l'enseignement du brevet est d'ajouter une plante à une pile microbienne, ce que le système de Bioo réalise. 

Enfin, le système de Bioo aurait été brevetable à la date de priorité du brevet. Bioo ne peut donc bénéficier d'une défense de type Gillette ou Formstein (moyen de défense constituant à démontrer que le brevet ne peut valablement couvrir l'objet argué de contrefaçon car ce dernier n'était pas brevetable compte tenu de l'état de la technique opposable au brevet). 

Il y a donc contrefaçon par équivalence.

Décision ORD_598516/2023