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vendredi 31 mai 2019

Offres d'emploi


3 offres d'emploi: Santarelli, Nanobiotix et Ex Materia

  • Santarelli recherche un ingénieur brevets généraliste (H/F), idéalement 3 ans d'expérience minimum, diplômé du CEIPI, CPI et/ou mandataire européen (ou en cours d'acquisition)


  • Nanobiotix is looking for a Senior Manager Intellectual Property for its Paris Office. The ideal candidate will have a PhD in Physics or Chemistry, CEIPI or equivalent. At least 3 years of prior law firm experience and/or in-house (Biotech) experience is required.

Pour accéder à l'offre complète  POSTE POURVU



  • Ex Materia recherche un ingénieur brevet. Au moins une première expérience dans un poste similaire est appréciée, mais les candidatures de junior seront également étudiées. Poste situé à Guyancourt, à 15 minutes à pied de la gare de St Quentin en Yvelines. 

mercredi 29 mai 2019

T778/16 : mémoire n'abordant qu'une partie des motifs de la décision


L'Intimée-opposante estimait que le mémoire de recours n'était pas suffisamment motivé car les arguments en matière d'activité inventive relatifs à la requête principale et à plusieurs requêtes subsidiaires ne portaient pas sur les deux exemples de D3 invoqués par la division d'opposition dans sa décision.

La Chambre note que la requête principale et la requête subsidiaire 6 correspondaient à des requêtes rejetées par la division d'opposition sur la base de D3 tandis que la requête subsidiaire 7 correspondait à la requête subsidiaire 9 rejetées pour défaut d'activité inventive au vu de D5.

Concernant justement cette dernière requête subsidiaire, le mémoire de recours expliquait en détail pourquoi la décision basée sur D5 comme état de la technique le plus proche devrait être infirmée. La Chambre juge par conséquent que le mémoire de recours satisfait les exigences de l'article 108 ensemble la règle 99(2) CBE.

Il est de jurisprudence constante que la recevabilité du recours ne peut être appréciée que dans son ensemble. Il suffit donc que les exigences en termes de recevabilité soient remplies à l'égard d'une requête. La question de savoir si les motifs de la décision à l'égard des autres requêtes a été suffisamment prise en compte dans le mémoire de recours est donc sans incidence quant à la recevabilité du recours.



Décision T778/16
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mardi 28 mai 2019

Offre d'emploi


Offre d’emploi CDI Ingénieur(e) Brevets Expérimenté(e) 

Environnement : 

Réputé tant en France qu’à l’étranger pour son expertise de la propriété industrielle (PI), le Cabinet Nony conseille et assure la gestion complète des démarches de ses clients pour obtenir et défendre leurs titres de propriété industrielle, brevets et marques. Le Cabinet est présent à Paris, Lyon, Grenoble, Nantes, Nice et Toulouse.

Missions : 

Pour accompagner son développement sur le site de Toulouse, le cabinet NONY cherche un(e) ingénieur(e) généraliste, à composante « Mécanique/Physique », « Electronique », « Logiciel » ou « Télécoms ». Vous travaillerez directement en relation avec l’équipe de Toulouse et les associés du cabinet.

Au sein de cette équipe, vous serez impliqué(e) dans :
- La rédaction de demande de brevets,
- Des analyses de brevetabilité d’invention,
- Des analyses de validité de brevets et de contrefaçons,
- L’instruction de procédures d’examen des demandes en brevets en France et à l’étranger,
- La prise en charge de procédures d’opposition et de recours,
- L’encadrement des ingénieurs juniors et leur formation.

Profil du candidat : 

De formation supérieure ingénieur et/ou docteur, diplômé(e) du CEIPI et mandataire européen (ou en cours d’acquisition), vous possédez une expérience d’au moins 2 ans en cabinet ou dans l’industrie.

Vous possédez de bonnes capacités rédactionnelles, un bon esprit d’équipe, des qualités pédagogiques et relationnelles et êtes autonome dans votre travail. Vous maîtrisez l’anglais couramment (écrit et oral), ainsi qu’idéalement une autre langue.

Ce poste en CDI est à pourvoir dès que possible à Toulouse. La rémunération sera déterminée en fonction du profil et de l’expérience du candidat.

Adressez votre candidature à rh@nony.fr

lundi 27 mai 2019

T2554/16 : could/would et choix parmi des solutions évidentes


La demande avait pour objet une méthode pour donner un aperçu d'un contenu multimédia diffusé en continu. Selon la durée d'une entrée utilisateur (par exemple d'un appui sur un écran tactile), la méthode ajoutait le contenu choisi dans une playlist (durée courte) ou en commençait la présentation (durée longue).

Dans l'art antérieur D1, l'utilisateur d'un téléphone mobile pouvait en tapotant sur l'écran arrêter une première chanson et en démarrer une deuxième, et en appuyant plus longuement pouvoir écouter pendant l'appui un échantillon de la deuxième chanson en même temps que la première.

Le fait que le contenu est diffusé en continu n'est pas considéré comme impliquant une activité inventive.

Sur la deuxième différence - l'ajout du contenu à une playlist en réponse à une entrée courte, le problème technique objectif partiel associé est "comment mettre en oeuvre une interface utilisateur qui améliore le contrôle sur le contenu multimédia".

La Chambre juge qu'il était bien connu d'associer différentes commandes à différents types d'entrées utilisateurs. Le fait d'associer une entrée particulière à une fonction particulière relève d'un choix de design qui peut varier arbitrairement d'une interface à l'autre. L'ajout à une playlist, mentionnée dans D1, était une fonction couramment utilisée, et le choix d'associer à cette fonction courante une action simple (un appui court) était une option de conception évidente et souhaitable.

La Demanderesse rappelait que selon l'approche "could-would", il ne suffit pas d'établir que l'homme du métier aurait pu aboutir à l'invention, mais qu'il l'aurait fait en espérant résoudre le problème technique ou obtenir une amélioration ou un avantage.

La Chambre rétorque qu'elle a bien établi pourquoi l'homme du métier aurait voulu remplacer dans D1 la fonction d'échange de deux chansons par la fonction d'ajout à une playlist: l'incitation provenait des connaissances générales, selon lesquelles les fonctions courantes devraient avantageusement être associées à des actions d'entrées faciles à mettre en oeuvre.

La Chambre ajoute que l'association revendiquée était une des nombreuses associations entrée/fonction possibles, beaucoup d'entre elles étant évidemment souhaitables en fonction des considérations de design et des fonctions prioritaires. Aucun effet technique inattendu n'est associé à cette association particulière. Cette dernière n'est donc que le choix non-inventif d'une solution parmi plusieurs solutions évidentes.



Décision T2554/16
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mercredi 22 mai 2019

T1690/15 : appréciation relative de la pertinence


La division d'opposition n'avait pas admis l'usage antérieur de la machine "Essenza" fournie tardivement au motif que cette machine n'était pas plus pertinente que D4 déjà dans la procédure.

La requérante contestait l'exercice d'appréciation de la division d'opposition en soumettant une erreur de critère utilisé, et une mauvaise appréciation du critère de pertinence prima facie, car elle avait conclu que cet usage antérieur "Essenza" n'était pas plus pertinent que les antériorités déjà présentes dans la procédure. Un tel manque de pertinence relative à d'autres antériorités n'était pas correct, dès lors qu'une certaine pertinence intrinsèque est présente.

La Chambre ne peut suivre l'avis de la requérante selon lequel la pertinence devrait être évaluée de manière absolue. Dans l'évaluation à première vue la division d'opposition évalue les caractéristiques apparentes de la divulgation par rapport à l'objet revendiqué. Si elle aboutit à la conclusion que ces caractéristiques ne lui apportent aucune preuve supplémentaire par rapport à celles déjà présentes dans la procédure, il est alors justifié de ne pas considérer cette divulgation.
En effet n'étant apparemment pas meilleure, elle n'a a priori pas plus de chances d'aboutir au défaut de brevetabilité que les antériorités déjà présentes. Cette simple et rapide évaluation suffit à écarter l'admission d'un tel moyen de preuve fourni tardivement. Dans le cas présent la Chambre ne voit donc aucune raison évidente de remettre en cause l'appréciation relative de la division d'opposition.


Décision T1690/15
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lundi 20 mai 2019

T1218/14 : grenadine et art antérieur non fortuit


Le brevet avait pour objet un procédé de préparation d'une boisson, d'une base de boisson, d'un concentré de boisson ou d'un additif pour boisson présentant une teneur réduite en gluten, comprenant la mise en contact avec des enzymes.

Le document D1 s'intéresse à la séparation de la farine de blé en une fraction riche en gluten et une autre fraction riche en amidon et mettant en oeuvre également une enzyme. Dans l'exemple 2, la fraction riche en amidon est liquéfiée puis saccharifiée et transformée en sirop. La Chambre considère que le produit obtenu, riche en glucose, est un additif pour boisson, une base de boisson ou un concentré de boisson au sens du brevet, de sorte que la requête principale est dépourvue de nouveauté.

La requête subsidiaire 1 contenait un disclaimer excluant la méthode de D1. La question était donc de savoir si D1 était un art antérieur fortuit.
Selon G1/16 et G1/03,  une antériorité est fortuite dès lors qu'elle est si étrangère à l'invention revendiquée et si éloignée d'elle que l'homme du métier ne l'aurait jamais prise en considération lors de la réalisation de l'invention. G1/03 exige également que l'antériorité fortuite doive être totalement dénuée de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive.
Si le cœur de D1 est bien la séparation du gluten et de l'amidon dans une farine de blé, et appartient donc à un domaine technique différent, D1 mentionne aussi les utilisations de la fraction riche en amidon, en particulier pour la production de sirop de glucose, donc d'un additif pour boisson. On ne peut donc pas dire que D1 est si étranger à l'invention que l'homme du métier ne l'aurait jamais pris en considération dans la réalisation de l'invention.

La requête subsidiaire 4 limitait le procédé à la préparation de boissons. Le brevet définissait une boisson comme un aliment pouvant être ingéré sous forme liquide. La Chambre trouve qu'une interprétation littérale de cette définition est trop large et ajoute que l'homme du métier, incluant également des particuliers non-professionnels, devrait également considérer qu'une boisson doit pouvoir être consommée directement.
Ainsi, un sirop pur n'est pas ce qu'un particulier envisagerait raisonnablement de consommer directement, quand bien même dans la série télévisée "The Office", Michael Scott décrit sa boisson comme étant "de la grenadine".



La Chambre en déduit que le sirop de glucose de D1 n'est pas une boisson. De l'eau sucrée obtenu à partir de ce sirop serait en revanche une boisson.

La Chambre juge également que cette requête implique une activité inventive au vu de D2 combiné avec D1.
La Chambre en profite pour expliquer en quoi ceci n'est pas en contradiction avec le fait que D1 ne serait pas un art antérieur fortuit. La présence d'une activité inventive compte tenu de D1 pourrait en effet laisser penser que D1 n'est pas pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive et donc que D1 serait finalement fortuit.
Il n'en est rien.
Le fait que selon G1/03 l'antériorité fortuite doive être être totalement dénuée de pertinence pour l'appréciation de l'activité inventive n'est pas un critère additionnel ou alternatif mais une conséquence du fait qu'elle est si étrangère à l'invention revendiquée et si éloignée d'elle que l'homme du métier ne l'aurait jamais prise en considération lors de la réalisation de l'invention. 
On ne peut toutefois en déduire qu'un art antérieur ne respectant pas ce dernier critère doit nécessairement amener à conclure au défaut d'activité inventive.


Décision T1218/14
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vendredi 17 mai 2019

L'invention de la semaine


Cette semaine je vous propose un dispositif anti-ronflements.
Ce collier génère un choc électrique en réponse à des bruits de ronflement.

US3480010




mercredi 15 mai 2019

T1668/15 : tardif, tardif et tardif


Dans cette décision la Chambre examine la recevabilité de documents et lignes d'argumentation soumis seulement au stade du recours.

Le document D12 a été cité pour la première fois dans le mémoire de recours.

La Chambre note que dans son avis provisoire la division d'opposition avait indiqué que D3 enseignait le contrôle de l'écartement des rouleaux et non celui de la force des rouleaux. La Requérante avait donc déjà eu l'occasion en première instance de rechercher un document plus pertinent que D3. D12 a été cité non pour soutenir l'attaque d'activité inventive basée sur D3 mais pour fonder une nouvelle ligne d'attaque. Une telle pratique n'est pas conforme à l'objet de la procédure de recours, qui est d'examiner le bien-fondé de la décision attaquée. Les parties ont en outre convenu en procédure orale que D12 n'était pas plus pertinent que D3.
D12 n'est donc pas admis dans la procédure en application de l'article 12(4) RPCR.


La Chambre se penche également sur la recevabilité d'un document D13 soumis après la convocation à la procédure orale et censé être destructeur de nouveauté.

Le motif de défaut de nouveauté avait certes été motivé en première instance, mais vis-à-vis de documents D1 et D8. Ici encore, la division d'opposition avait estimé dans un avis certes provisoire mais détaillé que l'attaque ne pouvait prospérer, de sorte que la Requérante avait déjà une raison de rechercher de nouveaux documents, ce qu'elle n'a fait qu'au stade du recours. D13 ne peut donc pas être admis, sur le fondement de l'article 12(4) RPCR.
La Chambre ne s'arrête toutefois pas là, et ajoute que le dépôt de D13 et l'attaque associée, de même qu'une objection au titre de l'insuffisance de description, constituent aussi une modifications des moyens au sens de l'article 13(1) RPCR car ils n'ont pas été développés dans le mémoire de recours. La Chambre note à cet égard que la requête principale est identique à celle du brevet délivré de sorte qu'il n'existait aucune justification à la soumission de nouveaux documents ou de nouvelles objections. La Chambre juge également que le document D13 n'est pas prima facie pertinent. C'est donc aussi sur le fondement de l'article 13 RPCR que D13 ne peut être admis.



Décision T1668/15 (en langue allemande)
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lundi 13 mai 2019

T116/14 : caractéristique relative à l'utilisation


La présente décision apporte un éclairage intéressant sur les caractéristiques de but à atteindre, ou relatives à une utilisation.

Le brevet avait pour objet une source lumineuse pour produire de la lumière blanche (A), comprenant une LED bleue (B) et au moins un luminophore absorbant une partie du bleu (C) et émettant dans le jaune-vert, le jaune ou l'orange (E,F), le luminophore étant en outre défini par sa composition (D) et sa granulométrie (G),

Le document D1 décrivait une source de lumière blanche comprenant une LED bleue (B), une LED rouge et un luminophore émettant dans le vert (C, E, F).

La Chambre juge que D1 ne décrit ni la composition spécifique du luminophore  revendiqué (caractéristique D) ni la taille de particules (caractéristique G). S'agissant de la composition du luminophore, plusieurs choix doivent être faits pour aboutir au silicate d'alcalino-terreux dopé à l'europium revendiqué.

Elle juge en outre, contrairement à la division d'opposition, que la caractéristique fonctionnelle (A) "pour produire de la lumière blanche" n'est pas non plus divulguée par D1.

A la Titulaire qui argumentait que D1 utilisait une LED rouge en plus de la LED bleue, et qu'une telle source n'était pas couverte par la revendication, la division d'opposition avait répondu que la revendication était ouverte et n'excluait pas la présence d'une LED rouge.

La Chambre rappelle que selon la jurisprudence constante, l'indication d'une utilisation dans une revendication de dispositif signifie que le dispositif revendiqué convient à cette utilisation.

Ce sont les caractéristiques revendiquées qui doivent permettre de convenir à l'utilisation revendiquée, et non des caractéristiques non-revendiquées, même si la revendication utilise des expression telles que "comprenant". Dans le cas contraire, la revendication manquerait de clarté.

Il en résulte qu'une antériorité ne peut divulguer une caractéristique relative à l'utilisation que si les moyens antérieurs correspondant aux caractéristiques revendiquées autres que la caractéristique d'utilisation, conviennent déjà, de par leur interaction, à l'utilisation revendiquée.

Or dans le cas d'espèce les moyens de D1 qui enseignent les caractéristiques B, C, E et F ne sont pas en eux-mêmes aptes à produire de la lumière blanche. Des LEDs rouges et des luminophores sont nécessaires.

La caractéristique relative à l'utilisation n'est donc pas divulguée.


Décision T116/14 (en langue allemande)
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vendredi 10 mai 2019

L’arrêt Conversant : les licences FRAND entre droit des brevets et secret des affaires, par Matthieu Dhenne

J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui Matthieu Dhenne. Avocat et docteur en droit, Matthieu est également président de l'Institut Stanislas de Boufflers.

L'article a également été publié sur www.dhenne-avocats.fr

L’arrêt Conversant : les licences FRAND entre droit des brevets et secret des affaires (CA Paris, 16 avril 2019) 

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 avril 2019 dans l’affaire Conversant c/ LG a suscité l’espoir de voir (enfin) le juge français se prononcer sur la fixation des redevances FRAND. Cet espoir fut vain. Il n’en demeure pas moins que cette décision comporte des aspects intéressants, en particulier à propos de l’analyse de l’essentialité et du secret des affaires. 


1. Conversant (anciennement Core) détient un portefeuille de brevets dont plus d'un millier de brevets ont été déclarés essentiels aux normes 2G, 3G et 4G auprès de l'Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI). Core a négocié durant plusieurs années avec LG en vue de parvenir à une licence sur ce portefeuille ; ces négociations ont échoué. Ainsi, en septembre 2014, Core a assigné LG devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris, afin d’obtenir des dommages-intérêts, d’une part, et de voir fixer le taux de redevance pour les appareils de télécommunication de LG, d’autre part. Cinq brevets européens étaient invoqués. Jugeant qu’aucune preuve de contrefaçon n’avait été apportée, le TGI a rejeté ces demandes en avril 2015. Des questions identiques étaient soulevées en appel, sauf que Conversant n’invoquait plus que deux des cinq brevets initiaux. La défenderesse opposait la nullité des brevets, l’absence d’offre FRAND ainsi que l’épuisement des droits en produisant une licence Nokia – Qualcomm

2. Bien que la Cour d’appel ne se soit finalement pas prononcée sur la fixation du taux de redevance FRAND (voir notre commentaire à paraître dans la revue Propriété Industrielle), son arrêt se révèle toutefois intéressant en raison de l’analyse de l’essentialité qu’il offre puis en ce qu’il est, à notre connaissance, le premier à appliquer la loi du 30 juillet 2018 sur la protection du secret des affaires dans un contentieux lié au droit des brevets.

3. Dans l’arrêt commenté c’est justement l’absence d’essentialité des brevets qui mit un terme (prématuré) aux développements de la Cour.

En l’occurrence, la revendication 1 du premier brevet, EP 0978210, portait sur un « procédé permettant de de sélectionner une station de base dans un système de communication mobile » comprenant les deux étapes suivantes : « identifier une mauvaise connexion radio entre une seconde station de base et un terminal multimode » et « sélectionner l’une des premières stations de base en fonction de la mesure d’au moins un signal de station de base dans le terminal multimode ». Selon les descriptions techniques pertinentes des normes UMTS (3G) et LTE (4G) si une connexion radio présentant une qualité inférieure à un seuil est identifiée, une étape de mesure comme revendiquée doit être effectuée. En revanche, le terminal peut décider de ne pas effectuer ou non ladite mesure si la qualité de la connexion radio est supérieure au seuil. La Cour en a conclu qu'un terminal qui effectue également la mesure lorsqu'il existe une bonne connexion serait conforme aux normes, mais n'enfreindrait pas le brevet, ce dernier ne serait donc pas essentiel auxdites normes.

Concernant le deuxième brevet, EP 0950330, il portait, selon sa revendication 1, sur un « terminal d'utilisateur comportant une interface sans fil et un dispositif de formatage pour formater un signal destiné à être transmis sur ladite interface sans fil conformément à un protocole de formatage de signal de bas niveau, caractérisé en ce qu’il comprend des moyens pour recevoir un signal de type, ledit signal de type indiquant un protocole de signalisation de haut niveau devant être utilisé pour transmettre ledit signal, et pour formater ledit signal conformément audit protocole de signalisation de haut niveau ». Les terminaux LTE sont capables d’accéder à la fois aux protocoles de réseaux dits « IPv4 » et « IPv6 », ce qui implique de mettre en œuvre l’étape de sélection visée par cette revendication. Ainsi, selon la demanderesse, l'objet de la revendication 1 est mis en œuvre. La Cour a jugé que le brevet lui-même, bien qu'il ait été déposé après la création d'IPv4 et d'IPv6, ne faisait pas la distinction entre ces versions et faisait uniquement référence au protocole Internet (IP). En outre, la norme ne stipule pas explicitement que le terminal doit choisir entre IPv4 et IPv6 lorsque les deux sont disponibles. Il n'est donc pas possible de considérer qu'une telle étape de sélection soit exigée par la norme et donc que le brevet la revendiquant soit essentiel.

4. Une question, et pas des moindres, demeure à la fin de ces développements : quid des redevances si le brevet est effectivement contrefait et pas essentiel ? A priori, dans une telle hypothèse, il ne serait plus tenu d’un engagement FRAND. Le breveté serait alors libre de fixer les redevances de son choix. Cela étant, cette hypothèse ne pourra voir le jour que si le breveté prouve la contrefaçon indépendamment de la seule mise en œuvre du standard. Nous en reviendrions donc aux règles du droit des brevets « standard ». Cette position rejoint celle également adoptée par le TGI dans l’affaire Vringo où un brevet avait été annulé tandis que l’autre avait été jugé non essentiel (TGI Paris, 30 oct. 2015, Vringo c/ ZTE, RG no 13/06691).

5. Par ailleurs, concernant le secret des affaires, à la suite d’une ordonnance sur incident rendue en octobre 2018, la Cour d’appel de Paris avait décidé d’appliquer la loi du 30 juillet 2018 et plus particulièrement le nouvel article L. 153-1 du Code de commerce. L’accès à certaines pièces (notamment les contrats de licence) a ainsi été réservé aux avocats des parties et à certaines personnes désignées ayant signé des accords de confidentialité (en particulier des interprètes et des économistes). Deux versions des communications écrites ont en outre été déposées : une complète et une privée de toute référence à des informations confidentielles relatives aux divers contrats de licence en cause. Enfin, l'audience s'est déroulée sur trois jours. Durant une partie de la première journée l'accès à la salle d'audience a été limité aux avocats des parties et à quelques représentants desdites parties. Cette séance à huis clos a été consacrée aux pièces les plus sensibles (l'accord Nokia-Qualcomm notamment). Le deuxième jour, la détermination du taux FRAND a été discutée. Là encore, l'accès à la salle d'audience a été limité aux personnes susmentionnées, ainsi qu'à un certain nombre d'experts désignés, pendant une partie de la journée – quand des contrats de licence comparables ont été divulgués. Le troisième jour, la validité, l’essentialité et la contrefaçon des brevets ont été discutées, sans aucune restriction d’accès cette fois-ci.

6. Rares sont les entreprises qui souhaitent divulguer les taux de licences comparables eux-mêmes souvent issus de longues négociations. Notons à ce propos qu’outre-Rhin la transposition de la directive sur le secret des affaires n’a pas encore abouti et que l’Oberlandesgericht de Düsseldorf a déclaré, dans la décision Sisvel c/ Haier, en 2017, que le titulaire d’un SEP était tenu de produire des contrats de licence comparables, bien qu’ils soient couverts par un accord de confidentialité (dit « NDA ») (OLG Düsseldorf, 30 mars 2017, Sisvel c/ Haier, aff. no I-15 U 66/15). Dans une autre décision également rendue en 2017, Unwired Planet c/ Huawei, la même Cour a déclaré que le refus du demandeur de produire un NDA pouvait laisser présumer des pratiques discriminatoires tandis que le refus du prétendu contrefacteur pouvait conduire à considérer qu'il ne s'agissait pas d'un preneur de licence volontaire. Il avait alors été jugé que les termes suivants étaient raisonnablement susceptibles d’être couverts par un NDA : (i) limiter la divulgation à seulement quatre employés du défendeur (à nommer explicitement), (ii) exiger que les obligations de confidentialité survivent à la résiliation du contrat de travail, (iii) imposer une sanction contractuelle de 1 million d'euros, et (iv) prévoir des exceptions restreintes aux obligations de confidentialité, exceptions qu’il revient au défendeur de démontrer (OLG Düsseldorf, 14 déc. 2016 et 17 janv. 2017, Unwired Planet c/ Huawei, aff. no I-2 U 31/16).

7. Le juge français pourra donc s’enorgueillir d’avoir appliqué les dispositions issues de la loi de transposition de la directive sur le secret des affaires avant que le juge allemand ne puisse en faire de même dans son pays. Non seulement la confidentialité n’est pas remise en cause, mais en outre les parties sont susceptibles de débattre des comparables à huis clos avec tous les éléments nécessaires. Nous ne pouvons donc, pour notre part, que nous féliciter de cette application de la loi du 30 juillet 2018, d’autant que cette confidentialité de la procédure constitue peut-être le seul aspect positif dans la transposition réalisée par le législateur français, par ailleurs fort lacunaire (cf. notre commentaire de cette loi au Recueil Dalloz 2018, page 1817).

8. Alors bien sûr nous n’aurons pas eu exactement la décision que nous espérions, mais autant les motifs touchant à l’essentialité que l’introduction exemplaire de la procédure propre au secret des affaires nous laissent à penser que la Cour tout en modernisant ladite procédure nous rappelle quelques bases touchant à la contrefaçon de brevets. Et peut-être qu'ainsi les brevets, déjà mis en valeur dans l'affaire Vringo, prendront davantage de place dans les négociations FRAND à l'avenir, en France comme ailleurs dans le monde.

jeudi 9 mai 2019

T1727/14 : déclaration soumise à un accord de confidentialité


Avec son mémoire de recours, la Titulaire avait fourni des essais comparatifs censés démontrer les avantages associés à la teneur en noir de carbone entre 1 et 2,5% revendiquée. Ces essais étaient présentés comme des résultats émanant d'un fournisseur.

En réponse, l'Opposante-Intimée a déposé une déclaration E1 signée par M.S., directeur général du fournisseur à l'origine des essais comparatifs. Le signataire explique dans cette déclaration que ses données ne valent que pour un type particulier de noir de carbone et pour des tubes particuliers, et ne peuvent donc servir à l'appui de l'activité inventive du brevet qui est très général.

La Titulaire a demandé à ce que la déclaration E1 ne soit pas admise, car du fait d'un accord de confidentialité entre elle et M.S., ce dernier n'était pas autorisé à communiquer publiquement sur ce point technique. M.S. avait bien tenté de résilier unilatéralement l'accord, mais une telle résiliation n'était possible qu'avec un consentement des deux parties.

La Chambre ne peut accéder à cette demande. Pour ce faire elle devrait examiner le contenu et la validité de l'accord ainsi que les effets de la résiliation unilatérale, questions qui ne relèvent pas de la compétence de la Chambre mais de celle d'un juge national.
En cas de manquement aux obligations de la part de M.S., la Titulaire pourrait le poursuivre devant les juridictions compétentes et demander des dommages-intérêts, mais l'existence d'un tel manquement est sans rapport avec la présente procédure.

Indépendamment de cette question, les essais fournis n'indiquent pas comment la "praticabilité", grandeur qualitative, est évaluée, de sorte que l'Intimée ne peut les reproduire. Il est par conséquent problématique de fonder l'activité inventive sur ces résultats. En outre, les essais montrent que cette grandeur dépend clairement du type de noir de carbone et pour certains types la praticabilité est la même que ce soit à l'intérieur ou en dehors du domaine revendiqué. L'effet allégué est donc considéré comme n'étant pas suffisamment prouvé.


Décision T1727/14 (en langue allemande)
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mardi 7 mai 2019

T1727/14 : connaissances générales


Avec son mémoire de recours la Requérante avait fourni 4 documents censés illustrer les connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine des caoutchoucs: un brevet D16, une publication scientifique D17 ainsi que deux extraits d'ouvrages de référence D18 et D19.

La Chambre rappelle que selon la jurisprudence établie, les brevets et articles scientifiques ne conviennent généralement pas comme preuve des connaissances générales de l'homme du métier. Ces dernières correspondent aux connaissances dont dispose l'homme du métier sur la base de sa formation et de son expérience professionnelle. Les publications scientifiques s'efforcent au contraire, en règle générale, de communiquer de nouveaux savoirs à l'homme du métier, donc des choses qui normalement ne font pas encore partie de ses connaissances générales, et qui n'en feront peut-être jamais partie. Cela ne signifie pas que le contenu d'une publication scientifique ne peut jamais faire la preuve de connaissances générales, mais le simple fait que quelque chose a été publié dans une revue ne permet pas de conclure qu'il fait partie des connaissances générales.
D16 et D17 ne sont en conséquence pas admis dans la procédure, au contraire de D18 et D19.

La décision est intéressante quant à un deuxième aspect que je discuterai jeudi.



Décision T1727/14 (en langue allemande)
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lundi 6 mai 2019

T1473/13 : pas de suspension du fait des plaintes constitutionnelles


La Requérante avait requis une suspension de la procédure de recours sur examen compte tenu des affaires en instance devant la Cour constitutionnelle fédérale allemande portant sur la question de l'indépendance judiciaire des Chambres de recours.

Pour la Requérante, si la Cour juge que les Chambres ne sont pas compétentes pour réviser les décisions des divisions d'examen, la Requérante serait privée de son droit constitutionnel à présenter son affaire devant une instance judiciaire indépendante et son droit d'être entendu serait violé.

Compte tenu de l'existence d'un intérêt général, la Chambre accepte d'examiner cette requête malgré son caractère tardif.

Il s'agit de mettre en balance d'une part les inconvénients pour la Requérante en cas de non-suspension et d'autre part les inconvénients en cas de suspension.

Pour la Chambre, il n'est pas évident que les plaintes constitutionnelles aient une chance de succès, mais la Chambre n'est pas non plus en position de déterminer si les plaintes constitutionnelles sont clairement dénuées de mérite.

S'agissant des inconvénients en cas de non-suspension, la Chambre estime que la Requérante n'a pas expliqué: sur quoi portent réellement les plaintes constitutionnelles; si la Cour constitutionnelle allemande est compétente pour statuer quant à des actes commis par l'Organisation européenne des brevets et quelle serait l'étendue d'une telle compétence; quelles seraient les conséquence d'un jugement de la Cour sur les recours autres que ceux faisant l'objet des plaintes, dont le présent recours; si de telles conséquences existent, pourquoi cela signifierait que la décision de la Chambre serait finale et priverait la Requérante de son droit à présenter son cas devant une juridiction indépendante et en quoi le droit d'être entendu de la Requérante serait violé car elle ne pourrait pas porter l'affaire devant un tribunal indépendant.

Les plaintes, qui concernent les décision T1022/09, R2/12 (voir la plainte) et T1676/08 (voir la plainte), ne portent pas sur la loi allemande du 21 juin 1976 portant approbation de la CBE.
Si les décisions des Chambres de recours sont bien soumises au contrôle de la Cour constitutionnelle allemande, il n'existe pour l'instant aucun cas dans lequel la Cour a jugé qu'une décision de l'OEB violerait la constitution allemande.
Il n'est pas évident que les décisions prises le cas échéant par la Cour auraient des effets juridiques directs au-delà des affaires concernées.

En outre, si la Cour constitutionnelle juge que les Chambres de recours ne sont pas suffisamment indépendantes et que leur décisions sont de nature administrative et non juridictionnelle, lesdites décisions devraient alors être soumises, en ce qui concerne l'Allemagne, au contrôle d'un tribunal, soit existant soit à créer. Des précédents existent, comme la décision de la Cour constitutionnelle de 1959, qui a conduit à la création du Bundespatentgericht. Une autre option serait de permettre la transformation de la demande européenne en demande allemande. La Requérante serait alors habilitée à présenter son cas devant une juridiction indépendante et ne serait pas privée de son droit d'être entendu.   

La Chambre en conclut qu'il n'existe pas d'inconvénients qu'une décision soit prise dans la présente affaire même en cas de succès des plaintes constitutionnelles.

Il existe en revanche des inconvénients à la suspension, en termes de délais. En outre, l'administration de la justice par les Chambres serait sérieusement entravée voire paralysée si d'autres Chambres décidaient aussi de suspendre les procédures.

La requête est donc rejetée.


Décision T1473/13
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vendredi 3 mai 2019

Offres d'emploi

2 Offres:
  • Le Cabinet Beau de Loménie recrute pour son site de Paris un ingénieur Brevets, dominante Mécanique, 3/5 ans d'expérience, ayant validé ou en cours de validation de l'examen de qualification européen et/ou français.

  • La SATT IDFINNOV recrute un Ingénieur Brevets Chimie / Pharmacie / Biotechnologies, titulaire d’un diplôme en Biologie / Biotechnologie / Santé / Pharmacie (PhD, école d’ingénieur ou autre) et du CEIPI. Une première expérience, notamment en rédaction, est souhaitée
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jeudi 2 mai 2019

T1662/14 : notion de première demande pour un art antérieur


Le brevet en cause ne revendiquait pas de priorité. Son contenu était toutefois identique à une demande antérieure US (D11), déposée par le prédécesseur en droit du breveté.

Une demande Euro-PCT (D2) revendiquait quant à elle la priorité d'une demande US (D3), déposée également par ce prédécesseur en droit. Les contenus de D2 et D3 étaient identiques, mais D3 était une continuation-in-part de D11.

Le point crucial était de décider si D2, ou au moins une partie de son objet, était opposable au titre de l'article 54(3) CBE. Etant déposé après le brevet en cause, D2 n'était opposable que dans la mesure où il pouvait valablement bénéficier de la priorité de D3.

Le breveté argumentait que c'est D11 qui est la première demande au sens de l'article 87(1) CBE, de sorte que D2 ne bénéficiait pas de la priorité de D3.
La Chambre est d'accord sur le fait que D11 enseignait déjà un système pour l'administration par voie intraveineuse de propofol et le contrôle de la quantité administrée, si bien que pour cet objet général D2 ne pouvait valablement revendiquer la priorité de D3.

D2 contient toutefois des éléments plus spécifiques non divulgués par D11, en particulier l'analyseur d'air expiré spécifique des figures 3A et 3B.
D11 n'est donc pas la première demande pour un système d'administration de propofol comprenant un tel analyseur. Pour un tel système D2 revendique valablement la priorité de D3, si bien que ce système appartient à l'état de la technique selon l'article 54(3) CBE. Il est en outre destructeur de nouveauté.


Décision T1662/14
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