Dans l'affaire T1994/22, dont une partie a été résumée la semaine dernière sur le blog, le brevet revendiquait la forme II du selexipag.
Dans l'affaire T672/21 en revanche, c'est la forme I qui est revendiquée.
Au vu des preuves soumises, la Chambre considère que le problème technique objectif est de fournir une forme cristalline du selexipag présentant un équilibre entre plusieurs propriétés avantageuses, à savoir une stabilité intermédiaire et en même temps une processabilité accrue et une pureté améliorée (réduction des quantités de solvants résiduels et d'impuretés).
L'Opposante citait la décision T777/08, selon laquelle, en l'absence de préjugé contraire et de propriété inattendue, la simple mise à disposition d'une forme cristalline d'un composé pharmaceutique connu ne peut impliquer d'activité inventive et la sélection arbitraire d'une forme particulière dans un groupe de polymorphes également appropriés ne peut impliquer une activité inventive. En l'espèce, il y a toutefois une propriété inattendue (le compromis entre plusieurs avantages) et le choix n'est donc pas arbitraire.
Elle citait également la décision T41/17, selon laquelle il était évident de réaliser un screening des différents polymorphes pour choisir la forme la plus stable. Mais en l'espèce la stabilité n'est pas la seule propriété améliorée. Ainsi, même si l'on pouvait s'attendre à une certaine stabilité pour la forme I, il n'en est pas de même pour le compromis obtenu. Comme indiqué dans la décision T1684/16, le fait que l'art antérieur incite à rechercher la forme cristalline ayant les meilleures propriétés n'est en soi pas suffisant pour considérer comme évidente une forme particulière ayant une certaine propriété désirée.
La Forme I est donc inventive.
Il n'en est pas de même pour la forme II traitée dans la décision T1994/22, car cette forme est simplement celle qui présente la meilleure stabilité, les autres propriétés étant intermédiaires. Dans ce cas la Chambre ne voit rien d'inattendu dans le fait de trouver un polymorphe qui soit le meilleur pour une propriété mais seulement intermédiaire pour les autres. Sinon, tout polymorphe serait brevetable, car il suffirait de faire suffisamment d'essais pour trouver la propriété pour laquelle le polymorphe est le meilleur. La forme II n'est qu'une sélection arbitraire et ne pouvait donc impliquer d'activité inventive.
Les décisions T672/21 et T1994/22, venant de la même chambre dans la même composition, me semblent – prima facie – totalement contradictoires et caractérisés par un dégrée de subjectivité difficilement acceptable. D’abord concernant les polymorphes il ne fait oublier qu’il n’y a jamais la certitude d’en trouver. Il y a des composés qui n’ont pas de formes crystallines. Et après, comment peut-on qualifier de plus ou moins inattendue une propriété d’un composé qu’on ne sait même pas s’il existe ? Une stabilité améliorée non, alors qu’un équilibre de propriétés oui ? Pourquoi ? L’avant dernier paragraphe du point 1.5 dans T672/21 contredit complètement le raisonnent de T1994/22, notamment l’avant dernier passage du point 1.8) :
RépondreSupprimer(T672/21) The board also notes that the mere fact that the skilled person would have carried out routine screening for polymorphs as such does not render the claimed Form I obvious. As set out in T 1684/16 (point 4.3.4 of the Reasons), the fact that the skilled person is taught in the prior art to investigate polymorphs in order to isolate the crystalline form having the most desirable properties is in itself not necessarily sufficient to consider a specific polymorphic form having a certain desired property or, as in the present case, balance of properties obvious (see point 4.3.4 of the Reasons).
(T1994/22) In the present case, the board sees nothing unexpected in finding a polymorph that is optimum for one property but only intermediate for several other properties. If this were unexpected and thus gave rise to an inventive step being acknowledged, an applicant or proprietor having identified a new polymorph would simply need to carry out tests for long enough to find one single property for which the identified polymorph performs best. As pointed out by the chairman during oral proceedings, this might result in a situation in which almost any polymorph in the world becomes inventive, which would render Article 56 EPC meaningless.
Je crois simplement que la chambre a bien suivi la jurisprudence OEB en matière d’activité inventive des formes crystallines dans T672/21 et a par contre cherché une façon créative de sanctionner le breveté dans T1994/22 pour tenter de s’appuyer sur un avantage, ainsi qu’une supériorité d’une forme par rapportes aux autres, pour lesquels il n’y a avait pas de trace dans la demande telle que déposée.
La chambre a peut-être tout simplement envie de refiler la patate chaude (ou la grenade dégoupillée, c'est à la mode...) à la Grande Chambre. Quoi de mieux qu'une divergence dans la jurisprudence pour justifier une saisine ?
RépondreSupprimer