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lundi 18 mai 2020

T890/17: sélection de plusieurs passages


Le brevet portait sur un film élastomère multicouches. Une première couche comprenait au moins un élastomère à base d'oléfine et 5 à 25% d'un premier polymère étiré choisi parmi les PE-LD, les PE-HD, PP et leurs mélanges. Une deuxième couche comprenait au moins un élastomère ainsi qu'un deuxième polymère étiré choisi parmi les PE-LD, les PE-HD, PP et leurs mélanges. Le film avait un poids de base d'au plus 40gsm et une déformation rémanente d'au plus 14% après étirement de 100%.

L'Opposante citait les documents D1 à D4 au titre de l'absence de nouveauté, énumérant pour chacun de ces documents les passages décrivant les caractéristiques du brevet en cause.

La Chambre rappelle qu'un document n'est destructeur de nouveauté que si la personne du métier peut dériver directement et sans ambiguïté de l'ensemble du document un objet tombant dans le champ revendiqué, en utilisant ses connaissances générales, le document étant vu de manière objective en fonction de sa date. Il faut donc déterminer si l'énumération des passages listés par l'Opposante est suffisante pour démontrer l'existence d'une divulgation de l'objet de la revendication 1 du brevet en cause.

Dans le cas d'espèce, il apparaît que les caractéristiques revendiquées apparaissent de manière séparée dans les documents antérieurs. Les passages cités n'enseignent toutefois pas, même  de manière implicite, que ces caractéristiques doivent être utilisées toutes ensemble. Une divulgation implicite est une conséquence directe et non ambiguë de ce qui est explicitement mentionné. Ici, l'Opposante n'a pas indiqué de pointeur, c'est-à-dire un passage incitant la personne du métier, par exemple à l'aide de préférences ou de références, à lire inévitablement certains des passages cités en combinaison. La présentation juxtaposée des passages cités donne l'impression d'une divulgation en combinaison, mais n'est que le résultat d'une interprétation a posteriori du document.

L'objet du brevet est donc nouveau car il résulte d'une multitude de sélections dans les documents de l'art antérieur.

Lors de la procédure orale, l'Opposante a souhaité discuter de l'activité inventive en partant de D3.

La Chambre n'admet pas cette objection dans la procédure car elle n'a pas été motivée dans le mémoire de recours. Elle n'a été soulevée que de manière formelle, par l'indication que si D3 n'était pas considéré comme destructeur de nouveauté, il pourrait servir d'état de la technique le plus proche car la conception du film n'utilisait que des matériaux courants. Cette observation générale n'est pas suffisante puisqu'elle n'identifie pas de quelle divulgation de D3 partir, les caractéristiques distinctives, le problème technique à résoudre, et pourquoi la personne du métier aurait abouti de manière évidente à l'invention. Admettre une telle objection à un stade aussi tardif serait contraire au principe d'équité (la Titulaire n'ayant pas la possibilité de préparer des contre-arguments ou de possibles amendements) ou au principe d'économie de la procédure (en cas de report).



Décision T890/17
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15 commentaires:


  1. Amusant de trouver les mots "incitation" et "a posteriori" dans une analyse de nouveauté.

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  2. Amusant aussi de lire comment l'objection de manque d'activité inventive est pulvérisée sans aucune discussion au fond.

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  3. Mon cher César,

    C'est faire un mauvais procès au rédacteur du blog en parlant d'"incitation" et de "a posteriri".

    La langue de la procédure étant l'anglais ce sont des traductions des termes employés dans la décision.

    L’opposant a pris quatre documents D1-D4 et s’est contenté de citer dans chacun des documents les passages séparés dans lesquels se retrouvaient les caractéristiques mentionnées dans la revendication 1. Par chance il les a retrouvés toutes.

    Pour D1, D2 et D4 la CR a noté: “in the absence of any indication for a pointer in D1 for a combination of the features highlighted by the appellant”….

    Pour D3 la CR a noté: “the features of the claim under attack have been selected and presented side by side out of their context giving the impression that such features are disclosed in combination in D3, can thus only be seen as the result of an ex post facto and therefore inadmissible interpretation of that document, i.e. made with the knowledge of the subject-matter of granted claim 1 in mind.

    Il n’y a donc pas lieu de critiquer la terminologie employée par le rédacteur.

    Conclusion: La critique est aisée quand l’art est difficile.
    Je ne pense pas que Philippe Néricault ait encore droit à du copyright…. il est d'ailleurs l'auteur d'autres expressions bien connues: "les absents ont toujours tort" et "chassez le naturel il revient au galop"

    Dire que si D3 ne détruit pas la nouveauté, l’objet de la revendication n’est pas inventif est un artifice souvent utilisé. Elle montre à tout le moins que l’opposant n’est pas sûr de son fait. Dans le cas d’espèce, il était convaincu, à tort, de l’absence de nouveauté, mais utiliser D3 comme art antérieur le proche eut exigé un raisonnement précis et circonstancié, qui probablement montrait l’inanité du propos.

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  4. @ Robin

    Je ne critique pas la traduction faite par l'auteur!
    Je veux juste dire qu'on ne trouve pas souvent ces mots dans une décision sur la nouveauté.

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  5. La critique est aisée (pour la Chambre, au moins) quand l'art (de démontrer l'absence d'activité inventive en partant d'un document utilisé contre la nouveauté) est difficile.

    En fait, c'est 'mission impossible'. Une étape de l'approche problème-solution requiert d'identifier les différences. Sans se tirer une balle dans le pied.

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  6. Hum il faudrait vraisemblablement descendre dans les détails du dossier, mais dans mon éducation, il a toujours été considéré que si on soulève le motif d'absence de nouveauté, alors celui d'activité inventive l'est également, précisément car argumenter AI et nouveauté c'est contradictoire...

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  7. Le copyright ayant pris naissance avec le Patent Act de 1790, il serait étonnant que Mr Néricault (qui est mort en 1754) ait encore droit à du "copyright" pour ses expressions...A force de vouloir contredire tout le monde, on en arrive à dire des ...

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  8. Il est clair qu'un opposant ne doive pas se contenter d'attaquer la nouveauté mais aussi l'activité inventive. Mais de grâce avec des documents différents.

    En utilisant l'art antérieur pour la nouveauté comme art antérieur le plus proche pour l'activité inventive, c'est se tirer une balle dans le pied comme l'a bien indiqué Franco-Belge.

    La seule exception est celle prévue en appliquant G 1/95 et T 131/01!

    Cher Hi Han, vous êtes manifestement un quadrupède ongulé de la famille des Équidés, car il convient de lire les commentaires avec l’intention de les comprendre et non de leur donner un sens abstrus, ce dont vous n’êtes manifestement pas capable.

    Je n’ai contredit personne, j’ai simplement expliqué pourquoi, dans le cas d’espèce l’utilisation des termes « incitation » et « a posteriori » est parfaitement justifiée vu la manière dont l’opposant a attaqué la nouveauté. Avant de prendre position il faut consulter le dossier, ce que vous n’avez manifestement pas fait. Alors âne pour âne, je ne suis pas sûr lequel d’entre nous deux l’est le plus….

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  9. @Robin

    "avec des documents différents"
    D'accord avec vous qu'on peut se tirer une balle dans le pied en utilisant le même document, mais si l'on utilise un document différent, alors on se prive d'utiliser le document cité au titre de la nouveauté comme point de départ pour discuter l'activité inventive.

    Or si on attaque la nouveauté / D1 et que la nouveauté est reconnue, il arrive que ce D1 devienne le meilleur point de départ et il serait dommage qu'on ne puisse pas développer une attaque partant de ce document simplement parce qu'on n'a pas pris la peine de la détailler avec le mémoire de recours ou la réponse.

    Je crois qu'il faut donc prendre en compte à l'avance les faiblesses éventuelles de l'attaque de nouveauté (en fonction des arguments du titulaire en première instance ou de la décision attaquée) et développer des attaques au cas où la chambre déciderait contre nous.
    Donc faire des attaques conditionnelles: "si jamais la chambre considérait que la caractéristique X n'est pas reproduite, alors..."

    Dans le cas d'espèce, l'opposant aurait pu dire "si jamais la chambre considérait que l'invention est nouvelle car les caractéristiques n'apparaissent pas en combinaison alors le problème serait xxxx et la solution serait évidente pour telle raison".

    Et puis je ne suis pas sûr qu'on se tire autant une balle dans le pied si on ne fait que prendre en compte des arguments développés par la partie adverse. On tient juste compte du fait que la chambre pourrait être d'accord avec ces arguments et on en tire les conclusions.

    Ce qu'il faut éviter c'est de laisser percevoir à l'avance des faiblesses non encore signalées par le titulaire. Donc oui, dans le mémoire d'opposition on utilise un autre document que D1, mais en réponse à d'éventuels contre-arguments /D1, on peut développer une attaque basée sur D1 "au cas où" ces contre-arguments se révéleraient persuasifs.

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  10. Beaucoup de commentaires ci-dessus sur le fait que l'opposant pourrait se contredire en disant que D3 détruit la nouveauté dans un premier temps, puis l'activité inventive dans un second temps.

    Il faut surtout regarder le dossier : la chambre a fait une jolie et longue opinion préliminaire en décembre, qui dit que D3 ne détruit pas la nouveauté.

    L'opposant n'a rien répondu par écrit et a attendu la PO de février pour constater que la chambre maintient son avis sur la nouveauté. C'est couru d'avance : on ne développe pas une attaque d'AI le jour de la PO, lorsque la chambre, 3 mois plus tôt a dit que c'était nouveau!

    Quand on a la chance d'avoir une opinion préliminaire de 13 pages en recours, on la lit, et on soumet par écrit en avance tous les arguments, y compris une attaque d'activité inventive détaillée si le raisonnement de la Chambre sur la nouveauté semble crédible... Il n'y a pas d'incohérence à prendre en compte l'opinion de la Chambre et à s'adapter.

    Je me souviens de ce cher Gérard Weiss qui, lors de mon séminaire EQE du ceipi, nous avait expliqué que le pouvoir Discrétionnaire de la chambre s'écrivait avec une majuscule dont la typo grandissait avec le temps écoulé dans la procédure : plus on attend, plus le Discrétionnaire devient prépondérant! Ici, l'opposant a beaucoup trop attendu avant de déposer une attaque crédible d'activité inventive, la Chambre avait tout le pouvoir Discrétionnaire d'en refuser l'admission dans la procédure...

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  11. Mon cher César,

    Je souscris tout à fait au cas que vous évoquez, mais je me permets de vous rappeler que ce cas est prévu dans la décision T 131/01 que j’ai déjà cité plus haut.

    Je cite l’exergue in extenso:
    "Si un brevet a fait l'objet d'une opposition au titre de l'article 100a) CBE pour absence de nouveauté et défaut d'activité inventive par rapport à un document de l'état de la technique et si l'absence de nouveauté a été motivée conformément à la règle 55c) CBE, [aujourd’hui R 76(2,c)] une motivation spécifique portant sur le défaut d'activité inventive n'est ni nécessaire - étant donné que la nouveauté est une condition préalable pour déterminer si une invention présente une activité inventive et que cette condition préalable ne serait pas remplie - , ni généralement possible sans contredire le raisonnement présenté à l'appui de l'absence de nouveauté.
    Dans un tel cas, l'objection de l'absence d'activité inventive n'est pas un nouveau motif d'opposition et peut donc être examinée durant la procédure de recours sans le consentement du titulaire du brevet (cf. point 3.1 de l'exposé des motifs)."

    Que faut-il de plus ?

    Je me permets simplement de rajouter que pour être sûr et certain de ne pas se voir balancer, il me semble, mais c’est un avis personnel, qu’il vaille mieux faire en outre une attaque d’activité inventive avec d’autres documents pour justement ne pas « contredire le raisonnement présenté à l'appui de l'absence de nouveauté ».

    Il ne peut y avoir alors aucun doute sur la volonté de l’opposant de ne pas se contenter d’une attaque de nouveauté mais de vouloir aussi attaquer l’activité inventive. S’il y a volonté manifeste de la part de l’opposant de ne pas se contenter de la nouveauté, alors le motif de défaut d’activité inventive est dans la procédure.

    Dans le cas d’espèce, l’opposant s’est contenté de dire que si l’objet de la revendication était nouveau par rapport à D3 alors il manquait à tout le moins d’activité inventive.

    Comme l'a expliqué l'Anonyme du 19 mai 2020 à 10:43, se réveiller au moment où lors de la PO la CR a décidé que D1-D4 ne pouvaient mettre en cause la nouveauté pour venir avec un manque d’activité inventive était bien trop tard. Les Art 13(1) et 13(3) RPCR 2007 étaient déjà très clairs à ce sujet. Le RPCR 2020 est encore bien plus draconien. À aucun moment de la procédure de recours cette nouvelle ligne d’argumentation n'aurait été tolérée, car elle contrevient à tous les critères de convergence.

    Que dans une procédure nationale dans le pays de résidence du mandataire de l’opposant ce genre d’argumentation tardive (ou de présentation de requêtes tardives) soit permise est sans importance. Les règles du jeu sont différentes devant une juridiction nationale et devant les CR.

    Dans le cas d’espèce, la discrétion de la CR a été utilisée à bon escient.

    Ce qui me gêne dans le RPCR 2020 et dans la CBE en général est que les CR ont reçu un pouvoir discrétionnaire très large qui ne peut être contrôlé que lors d’une procédure en révision selon l’Art 112bis.

    Sachant que dans sa jurisprudence présente la GCR se contente en général de dire que si une partie a été entendue sur la non-recevabilité d’une requête, alors le droit d’être entendu a été respecté et que la requête n’est manifestement pas fondée.

    Que les CR décident si les divisions de première instance ont appliqué à bon escient la discrétion qui est la leur est une bonne chose. Il faudrait en tout cas un mécanisme moins lourd qu’une requête en révision pour décider si une CR a appliqué á bon escient la discrétion qui lui est dévolue.

    Mais peut être comme dans G 3/19 la GCR a adopté une interprétation dynamique de la CBE et de sa jurisprudence, peut-être que dans une future décision R n/2m la GCR adoptera là aussi une interprétation dynamique de sa propre jurisprudence.

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  12. @Robin

    Pour moi T131/01 est différent; il s'agissait de savoir si l'activité inventive en soi était un nouveau motif ou pas.

    Dans la présente décision, la question n'était pas de savoir si l'activité inventive était un nouveau motif, mais celle de savoir si l'attaque partant de D3 était recevable ou pas, s'agissant d'une modification tardive des moyens.

    Et si T131/01 nous disait qu'il n'était pas nécessaire de motiver le défaut d'activité inventive, cette décision nous dit au contraire que si l'on n'a pas motivé on se fait renvoyer dans ses buts.

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  13. Entre T131/01 et la présente décision, beaucoup d'eau a coulé dans l'Isar, et les CR ont déménagé à Haar où il ne semble pas y avoir de rivière.
    Je doute que T131/01 soit encore de la jurisprudence utile depuis les nouvelles RPCR, de facto appliquées dès avant leur entrée en vigueur officielle.
    Il semble bien que nous devrons recourir aux attaques conditionnelles mentionnées par César.

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  14. Lisez l'Anonyme du 19 mai 2020 à 10:43. Il a tout compris. La décision T 131/01 n'est pas remise en cause, mais il y a un moment où c'est trop tard. Quand la chambre vous dit qu'elle estime que votre attaque de nouveauté ne tient pas, il est grand temps de sortir les arguments contre l'activité inventive. Si vous jouez aux sourds, vous verrez ce qu'on a vu ici.

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  15. Au point 2.2 de T 902/17 qui vient d'être publiée on retrouve exactement la même notion de raisonnement ex post facto en matière de nouveauté

    https://www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t170902eu1.html

    Il convient de préciser qu'il s'agit des mêmes parties et de la même CR.

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