Le 23, octobre 2008, la Présidente de l'OEB avait saisi la Grande Chambre d'un grand nombre de questions relatives à la brevetabilité des programmes d'ordinateur.
Sujet récurrent objet de passions, en témoignent les presque 100 amici curiae reçus.
La Grande Chambre a maintenant rendu son avis sur 61 pages : la saisine est irrecevable.
Reconnaissant l'existence de deux décisions divergentes (T424/03 - Microsoft et T1173/97 - IBM), la Grande Chambre est toutefois d'avis que la jurisprudence dans un nouveau domaine technique ou juridique ne se développe pas toujours de manière linéaire, et que des approches plus anciennes peuvent être abandonnées ou modifiées, ce qui constitue un développement légitime plutôt qu'un conflit de jurisprudences.
Le but de l'Art 112(1) b) CBE est de permettre à la Grande Chambre de rétablir une uniformité juridique qui aurait été rompue, pas d'intervenir dans le développement de la jurisprudence (pt 7.3.1).
D'un point de vue procédural, on peut donc conclure de cet avis qu'une saisine par le Président ne sera recevable que s'il existe un réel conflit entre deux jurisprudences, typiquement deux décisions contradictoires rendues par des Chambres différentes dans un espace de temps réduit.
Même si la Grande Chambre décide de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées, quelques principes importants ressortent des motifs.
Dans la décision T1173/97, la Chambre avait décidé qu'un "effet technique supplémentaire" était nécessaire pour qu'un logiciel soit brevetable, même s'il était revendiqué avec son support de données (sur ce dernier aspect, voir la dernière phrase de la décision). La Grande Chambre insiste sur le fait que cette décision n'a pas été suivie.
Dans la décision plus récente T424/03, la même Chambre, dans une composition différente et 7 ans plus tard, estime au contraire qu'un logiciel sur un support de données lisible par un ordinateur n'est pas exclu de la brevetabilité, la présence du support de données étant une caractéristique technique (pt 5.3). Cette décision est parfaitement en ligne avec la jurisprudence maintenant bien établie depuis la décision T258/03 - Hitachi, selon laquelle la présence d'une seule caractéristique technique suffit à satisfaire le critère d'invention. Le critère d'activité inventive demeure bien entendu (T154/04) : dans ce cas, seules les caractéristiques contribuant à la solution technique d'un problème technique sont prises en compte.
La Grande Chambre valide donc la jurisprudence la plus récente.
Pour rappel, les questions étaient les suivantes :
1. Un programme d'ordinateur ne peut-il être exclu à titre de programme d'ordinateur en tant que tel que s'il est revendiqué de façon explicite en tant que programme d'ordinateur ?
2. a) Une revendication relevant du domaine des programmes d'ordinateur peut-elle échapper à l'exclusion prévue à l'article 52(2)c) et (3) CBE en mentionnant simplement de façon explicite l'utilisation d'un ordinateur ou d'un moyen d'enregistrement de données déchiffrables par ordinateur ?
2. b) S'il est répondu par la négative à la question 2 a), un effet technique supplémentaire est-il nécessaire pour échapper à l'exclusion, ledit effet allant au-delà des effets inhérents à l'utilisation d'un ordinateur ou d'un moyen d'enregistrement des données en vue, respectivement, d'exécuter ou d'enregistrer un programme d'ordinateur ?
3. a) Une caractéristique revendiquée doit-elle produire un effet technique sur une entité physique dans le monde réel pour contribuer au caractère technique de la revendication ?
3. b) S'il est répondu par l'affirmative à la question 3 a), suffit-il que cette entité physique soit un ordinateur non déterminé ?
3. c) S'il est répondu par la négative à la question 3 a), des caractéristiques peuvent-elles contribuer au caractère technique de la revendication si les seuls effets auxquels elles contribuent sont indépendants de tout matériel informatique particulier qui est susceptible d'être utilisé ?
4. a) L'activité consistant à programmer un ordinateur implique-t-elle nécessairement des considérations d'ordre technique ?
4. b) S'il est répondu par l'affirmative à la question 4 a), les caractéristiques résultant de la programmation contribuent-elles par conséquent toutes au caractère technique d'une revendication ?
4. c) S'il est répondu par la négative à la question 4 a), les caractéristiques résultant de la programmation ne peuvent-elles contribuer au caractère technique d'une revendication que si elles contribuent à un effet technique supplémentaire lors de l'exécution du programme ?
Avis G3/08
La Conférence ASPI/CNCPI (- Paris 10 juin 2010 - 15 h - 18 h) sur la jurisprudence actuelle des chambres de recours concernant la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur sera de toute actualité !!
RépondreSupprimer(info sur la conférence diffusée par la CNCPI aux CPI par mail de ce jour)
L'avis de la grande Chambre me parait d'une grande sagesse ... Mme la présidente croyait elle vraiment obtenir une réponse tranchée sur ces questions ? Je suppose que non ...
RépondreSupprimerAlors, pour essayer de trouver une utilité à cette procédure, que peut-on trouver dans les 50 pages de la GC qui apportent des éléments d'appréciation intéressants dans le domaine de la brevetabilité des logiciels ? outre le fait qu'il faut laisser du temps pour que la jurisprudence se développe ....