La décision de révocation du brevet, rendue en 2018, n'avait pas été signée par l'examinatrice juriste.
Suite à une observation de la Chambre selon laquelle cette absence de signature constituait un vice substantiel de procédure, l'Opposante avait demandé à la division d'opposition de corriger cette erreur.
La division d'opposition avait fait droit à cette demande, expliquant qu'il n'y avait aucun doute sur le fait que l'examinatrice juriste avait participé au processus de décision et que l'absence de signature résultait d'une erreur due au fait que les membres de la division étaient répartis sur différents sites. L'examinatrice juriste ayant quitté l'OEB en 2019, la décision selon la règle 140 CBE faisant droit à la requête en correction d'erreur était signée par la présidente pour compte de l'examinatrice juriste.
La Chambre rappelle que selon la jurisprudence bien établie, une signature manquante est un vice substantiel de procédure et rend la décision invalide. Cette exigence de signature s'applique à la décision écrite, incluant la motivation de la décision. Il ne s'agit pas d'une simple formalité mais d'une étape essentielle du processus décisionnel, qui vise à prévenir l'arbitraire et les abus et à permettre de vérifier que c'est bien l'organe compétent qui a pris la décision.
L'objectif de l'exigence de signature au titre de la règle 113(1) CBE n'est atteint que s'il existe une chaîne ininterrompue de responsabilité personnelle manifeste, assumée par chaque membre de l'organe de décision chargé de l'affaire, tout au long du processus décisionnel, y compris pour la décision écrite. L'obligation de signature par tous les membres vise, en partie, à protéger une minorité de membres d'un organe décisionnel contre d'éventuels actes répréhensibles de la part de la majorité. Si la majorité pouvait, sans aucune limite, substituer sa déclaration aux signatures de la minorité, cette protection n'existerait pas. Au contraire, les signatures de la minorité sont nécessaires pour montrer qu'elle reconnaît que la décision écrite, y compris la justification, reflète correctement la décision collégiale. La capacité des parties et du public à faire confiance à l'intégrité des processus décisionnels de l'OEB est un intérêt fondamental, dont la protection est cruciale pour la crédibilité globale de l'OEB en tant qu'autorité publique internationale.
Une approche pragmatique, dans laquelle un autre membre de la division signe pour le compte d'un membre malade, décédé, ou qui a quitté l'Office est permise. Cette approche n'est toutefois pas applicable ici, notamment car l'examinatrice juriste était en position de signer la décision lorsqu'elle a été émise.
L'absence de signature ne peut être considérée comme une "erreur évidente" au sens de la rège 140 CBE. Le public lisant la décision ne pouvait en effet savoir la raison de cette absence: est-ce un oubli, ou l'examinatrice juriste a-t-elle décidé de ne pas signer, ou avait-elle même vu la décision?
L'affaire est donc renvoyée devant la division d'opposition.
Décision par une chambre à 5 membres.
RépondreSupprimerJ'adore la justification de l'erreur: "the missing signature was caused by EPO form 2339 being erroneously scanned into the electronic file, because the Opposition Division was split between EPO sites".
ps: à noter le courage de la Chambre qui a remboursé la taxe d'appel malgré l'absence de lien avec la nécessité de former un appel.
RépondreSupprimer@Franco-belge : il me semble qu'il n'y a pas grand-chose de remarquable à ce que la décision ait été rendue par une chambre à 5 membres, c'est l'application de l'article 21(4)b) CBE.
RépondreSupprimerPour le reste, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le formulaire 2339 (signatures) comporte une curieuse ligne horizontale, comme s'il avait été "bricolé" à la photocopieuse. Bizarre...
RépondreSupprimerL'opposition a été traitée à La Haye, tandis que la DG5 (Direction juridique) est à Munich, d'où l'éparpillement inter-site.
Sans creuser trop profondément le dossier, la présence d'un membre juriste dans la division me semble avoir été rendue nécessaire par la demande d'audition d'un témoin. Cette procédure est potentiellement délicate, une question posée de travers par la division pouvant facilement invalider le témoignage, donc on fait intervenir un expert mieux formé dans ces questions. (Les DO préfèrent éviter d'avoir recours aux témoins dans la mesure du possible.)
Or, au vu des pièces (PV et décision), il semble qu'il n'a pas été nécessaire d'interroger le témoin, et celui-ci n'a apparamment pas participé aux cérémonies, même s'il était disponible.
Donc, à mon avis, la présence du membre juriste s'est finalement avérée inutile, et il n'avait sans doute pas grand chose à ajouter à la décision, qui a été rendue sur des motifs ordinaires (Art. 83, 54/56, 123(2)) basés des preuves publiées.
La chambre n'indique pas tellement la marche à suivre pour la suite à donner. Suffirait-il de nommer un nouveau membre juriste? Ou peut-on le zapper tout simplement, puisqu'on n'a pas entendu de témoin? Doit-on refaire une procédure orale? (L'article 116(1), deuxième phrase, permet à l'OEB de refuser de convoquer une nouvelle PO, mais ne l'empêche pas.) Et la décision attaquée remonte à il y a 6 ans. Est-ce que les trois examinateurs originaux sont encore disponibles?
Commentaire partie 1
RépondreSupprimerLe fait que la PO ait été prévue sur deux jours montre qu’il y avait bien une intention d’auditionner un témoin. Il n’y a pas au dossier de procès-verbal d’audition de témoin, mais la membre juriste a assisté aux deux jours de la PO. Que la présence de la membre juriste ait été utile ou non ne change rien à la situation, elle devait signer la décision du seul fait de sa présence.
Lors d’une audition de témoin, la DO est toujours élargie d’un membre juriste et une décision d’audition de témoin est prise par la DO élargie. Si par après la DO décide de ne pas auditionner le témoin et que la présence d’un membre juriste n’est plus nécessaire, la DO élargie doit prendre une décision de modifier la composition de la DO et de revenir à la composition initiale. L’absence de la signature du membre juriste en l’absence d’une telle décision de réduire la composition de la DO, entraîne une violation de procédure substantielle.
Le problème est que, entretemps, la membre juriste de la DO a quitté l’office. Par contre elle était bien disponible après la PO et aurait pu sans problème signer la décision. La DO, notamment son président et l’agent des formalités, ont fait une erreur en ne vérifiant pas que toutes les signatures étaient apposées sur le document 2039.
La modification de la décision selon la R 140 entreprise par la DO était vouée à l’échec, car il ne s’agit pas d’une erreur mineure. Le fait qu’un autre membre de la DO ou même un supérieur hiérarchique signe à la place du membre empêché a toujours été considérée par les CR comme un vice substantiel de procédure.
Si une PO a eu lieu et qu’un membre ne peut pas signer la décision, pour des raisons diverses, la division doit demander aux parties si elles acceptent qu’un membre de la division signe en lieu et place du membre absent. Si les parties ne donnent pas leur accord, la PO est à refaire. Si la PO n’est pas refaite, alors la division commet un vice substantiel de procédure.
Commentaire partie 2
RépondreSupprimerPrétendre qu’une question posée de travers par la division peut facilement invalider le témoignage n’est pas correct. Un témoin peut simplement confirmer (ou non) les informations données dans le mémoire d’opposition. Il ne peut pas apporter de nouvelles informations. Après l’audition d’un témoin, le témoignage est évalué par les parties avec la DO. Celle-ci décide alors si le témoignage a confirmé ou non les informations données dans le mémoire d’opposition.
Si une décision peut être prise sur la base d’autres faits et preuves ne nécessitant pas d’audition de témoin, la DO peut se passer du témoin. Par contre, si la DO n’auditionne pas un témoin alors que son témoignage est nécessaire, alors la DO commet un vice substantiel de procédure.
Dans le cas présent, le problème est dû au fait que les PO en opposition sont en principe par ViCo. La séparation des membres de la DO a facilité le fait que la signature ait été oubliée. Si les membres de la DO avaient été assis ensemble, le problème ne se serait jamais posé, car la signature se fait sur place.
Il y a beaucoup à dire sur les PO par ViCo. Le temps du COVID est révolu et les PO devraient de nouveau avoir lieu à l’OEB. Si ViCo il y a, les membres des divisions de première instance et des CR devraient au moins se trouver ensemble dans un même lieu. Qu’elle est la base légale dans la CBE permettant aux membres d’un organe de décision de l’OEB d’être en des endroits différents? Imagine-t-on un tribunal dans lequel les trois juges ne sont pas assis ensemble lors d’une audience?
L’audition de témoins par ViCo pose elle aussi un problème. Il n’y a aucune garantie que le témoin ne suive pas le déroulement de la PO en tant que public ou à côté d’un membre du public. Lors de l’audition d’un témoin en personne celui-ci est identifié au début de la PO et attend devant la porte jusqu’au moment où sont témoignage est nécessaire. Il ne peut pas suivre le déroulement de la PO.
Comme la décision a été annulée, la PO est caduque et doit être refaite en entier. Dans le cas d’espèce la DO ne peut pas refuser de convoquer une PO. Si elle devait utiliser la seconde phrase de l’Art 116(1) pour refuser de convoquer une nouvelle PO, alors que la précédente a de fait été annulée par décision de la CR, elle commettrait une nouvelle violation substantielle de procédure, même si les parties et la cause sont les mêmes.
La seule question qui reste à trancher est l’audition du témoin. Il est possible de s’en passer, mais alors la décision ne doit pas reposer sur des faits que le témoin aurait pu confirmer ou non.
@DTXThomas : "Quelle est la base légale dans la CBE permettant aux membres d’un organe de décision de l’OEB d’être en des endroits différents?"
RépondreSupprimerEt quelle est la base légale obligeant les membres d'un organe de décision de l'OEB d'être physiquement présents au même endroit ?
Si j'entends bien le principe des bienfaits d'une PO en présentiel pour un organe judiciaire, il se trouve que c'est surtout crucial pour, par exemple, une affaire au pénal où je n'imagine effectivement pas à un seul moment que l'on puisse statuer sur la condamnation à de la prison d'un accusé sans la présence de tout le monde en audience. Ce serait déshumanisant et chacun doit pouvoir se défendre "en vrai".
Concernant des questions de brevet, je suis moins catégorique.
Je pense que s'il est acceptable que sur requête des parties la PO se tienne en présentiel, je n'ai pas d'a priori négatif sur le fait que le régime **par défaut** soit la ViCo. C'est une économie de coûts, et de bilan carbone.
En l'espèce, pour une audition de témoin, la ViCo me semble peu efficiente pour percevoir le langage non verbal d'un témoin, de nature à influer sur sa crédibilité.
@Anonyme du 14 octobre 2024 à 12:07
RépondreSupprimerVous demandez "quelle est la base légale obligeant les membres d'un organe de décision de l'OEB d'être physiquement présents au même endroit ?".
Ce n'est pas écrit en toutes lettres dans la CBE, mais je soutiendrais que cela découle sinon de la signification ordinaire de "procédure orale" dans l'A116(1) CBE, au moins de l'A125 CBE.
Dans un certain nombre d’États contractants de la CBE, il y a des décisions de juridictions suprêmes qui ont jugé que les audiences en visioconférence sans l'accord des parties étaient contraires aux droits de la défense, en matière pénale. Pour la France, c'est la décision n°2021-911/919 QPC du 4 juin 2021, reprise ensuite par le Conseil d'État (N°447916, 6ème - 5ème chambre réunies, lecture du 4 août 2021).
Vous y pensiez peut-être en écrivant votre commentaire.
Mais contrairement à vous, je ne vois pas pourquoi il faudrait circonscrire ces considérations à la seule matière pénale. Si l'audience obligatoirement par visioconférence porte atteinte aux droits des parties, elle le fait dans tous les cas, peu importe que ce soit leur liberté physique ou seulement leur propriété qui est en jeu.
Par ricochet, contrairement à vous, j'ai un a priori négatif sur les audiences par visioconférence par défaut : elles ont un droit à l'audience en présentiel. Elles peuvent bien sûr y renoncer pour des questions de coût. Mais si elles n'y renoncent pas, on ne peut leur retirer que dans des circonstances bien précises, voir G2/21, qui ne s'appliquent pas en ce moment.
@ Anonyme du 14 octobre 2024 à 12:07 et Mandataire extérieur
RépondreSupprimerJe suis bien d’accord que les PO par ViCo économisent des coûts et améliorent le bilan carbone.
Que la crise du COVID ait nécessité des mesures d’urgence et la tenue de PO sous forme de ViCo est indéniable. La crise est cependant terminée depuis longtemps et il n’y a plus de contraintes interdisant aux parties et à leurs mandataires de se déplacer et de venir à l’OEB.
Ce qui n’est pas normal est que les PO en première instance soient par défaut sous forme de ViCo, et que nombre de CR se moquent comme d’une guigne de G 1/21.
Si les parties préfèrent tenir une PO sous forme de ViCo, l’OEB peut accéder à cette demande. L’OEB se doit d’aller avec son temps et se doit de faire siens les progrès techniques. Encore en faut-il qu’il y ait pour ce faire une base légale.
Par contre, je ne trouve aucune base légale pour les PO sous forme de ViCo, ni dans la CBE, ni dans le Règlement d’exécution. Si vous en trouvez une, faites moi en part.
Lors de la PO pour G 1/21, les représentants du président n’ont cessé de répéter que la CBE pouvait être modifiée par un acte de droit dérivé (secondary légilation en VO). Rien n’est moins vrai.
La seule manière de procéder à une modification de la CBE est une révision par une conférence diplomatique des Etats Contractants, cf. Art 172. L’Art 164(1) impose des limites très strictes aux modifications du Règlement d’exécution par le Conseil d’Administration. .
Il convient aussi de rappeler que l’OEB avait introduit la possibilité de tenir les PO sous forme de ViCo, mais uniquement pour l’examen. Pour pouvoir tenir une PO par ViCo, le déposant devait expressément renoncer au droit à une PO en personne. Il devait bien y avoir une bonne raison. Tout cela a été jeté par-dessus bord.
Dans le cas d’une PO en personne, les membres de l’organe de décision, divisions de première instance ou CR se tenaient toutes au même endroit.
Dans le cas des PO sous forme de ViCo prévues à l’origine, les trois membres de la DE se trouvaient ensemble dans une salle de ViCo de l’OEB. Il n’est donc pas concevable que dans les temps actuels que les membres des divisions de première instance et des CR se trouvent éparpillés aux quatre coins de l’Europe.
Je soutiens donc pleinement la position du « Mandataire extérieur » quant aux Art 116 et 125.
La situation est un peu différente pour les CR car l’Art 15a(1) RPCR autorise les membres des CR à ne pas se réunir au même endroit. L’Art 15a(1) RPCR a été décidé avant la publication de G 1/21. Il aurait donc dû être modifié par après. Il n’en a rien été.
Certaines CR sont allé jusqu’à affirmer que G 1/21 était devenue caduque eu égard aux progrès faits dans les ViCo. Ceci est en pleine contradiction avec l’Art 21 RPBA. Je sais que les membres des CR, même présents au siège à Haar, restent dans leurs bureaux respectifs lors d’une PO par ViCo.
Certaines CR décident ex-officio de tenir les PO sous forme de ViCo et exigent des parties de démontrer que les sujets à discuter ne se prêtent pas à la tenue d’une PO sous forme de ViCo. Cette exigence a été créée de toutes pièces. Elle n’a aucune base légale.
Si l’on analyse les vices substantiels de procédure, il est manifeste que les PO par ViCo y ont contribué. La présente décision en est un exemple frappant. De plus, sous lu rubrique «rapprocher les équipes», les examinateurs ne sont plus guère présents dans les locaux de l’OEB. S’ils veulent se rendre à l’office ils doivent réservr un bureau. Ceci favorise le fait que le 1er examinateur rédige une décision, que le second rédige un PV qui n’a pas grand-chose à voir avec la décision et le président signe le tout sans ciller.
Je comprends vos arguments. Et je pensais effectivement à une décision du CE pour le pénal (décision avec laquelle je suis moralement en phase : on parle d'êtres humains).
RépondreSupprimerToutefois, il en découle de vos propos à tous les deux qu'il n'y a pas de base légale (en tout cas univoque) pour l'instant obligeant les membres d'un organe de décision de l'OEB d'être physiquement présents au même endroit.
Tout au plus des indices. A125 CBE en est un, mais ténu.
Les seules réelles questions de fond c'est : quel est le mode de PO (vico ou présentiel) qui devrait par défaut être proposé ? Si les parties souhaitent un mode plutôt qu'un autre, lequel (ViCo ou présentiel) devrait prévaloir ?
Une modification du règlement pourrait clore le problème faute de mieux.
@Anonyme du 16 octobre 2024 à 10:09
RépondreSupprimerJe pense qu'il ne faut pas oublier que si les textes sont silencieux sur un point de ce genre, c'est de temps en temps parce que la réponse était tellement évidente à l'époque que l'écrire aurait été superflu.
Il me semble évident que quand la CBE a été rédigée, la signification ordinaire de "procédure orale" / "oral proceedings" / "Mündliche Verhandlung" impliquait que l'organe chargé d'entendre les parties est réuni physiquement au même endroit. Je sais que j'ai l'air anglo-saxon quand je parle de signification ordinaire, mais cette notion peut aider à répondre à des questions de ce genre.
Là où je vous rejoins, c'est pour considérer que la CBE devrait être modifiée. Après tout, quand le législateur n'est pas satisfait de l'interprétation d'un texte qui a été donnée par le pouvoir judiciaire, il peut toujours modifier le texte pour rendre caduque cette interprétation. Il est regrettable (euphémisme) que ce principe de base soit oublié (ou pire) pour la CBE au prétexte qu'il est "compliqué" de la modifier.
Pour le reste, je considère que les parties ont et devraient toujours avoir un droit à la procédure orale en présentiel, tout en ayant la possibilité d'y renoncer ensuite si elles le souhaitent.