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lundi 3 juillet 2023

T438/19: saisine de la Grande Chambre sur l'accessibilité au public des usages antérieurs

 La Chambre 3.3.03 pose les questions suivantes à la Grande Chambre:

  1. Un produit mis sur le marché avant la date de dépôt d'une demande de brevet européen doit-il être exclu de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE au seul motif que sa composition ou sa structure interne ne pouvait pas être analysée et reproduite sans efforts excessifs par la personne du métier avant cette date ?
  2. Si la réponse à la question 1 est négative, l'information technique sur ledit produit rendue accessible au public avant la date de dépôt (par exemple par la publication d'une brochure technique, d'une littérature brevet ou non brevet) fait-elle partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE, indépendamment du fait que la composition ou la structure interne du produit pouvait être analysée et reproduite sans efforts excessifs par la personne du métier avant cette date ?
  3. Si la réponse à la question 1 est positive ou si la réponse à la question 2 est négative, quels sont les critères à appliquer pour déterminer si la composition ou la structure interne du produit pouvait ou non être analysée et reproduite sans effort excessif au sens de l'avis G 1/92 ? En particulier, est-il exigé que la composition et la structure interne du produit soient entièrement analysables et reproductibles à l'identique ?

L'exemple 3 de la demande internationale D1, utilisant le produit commercial ENGAGE® 8400, était cité comme état de la technique le plus proche, mais la Titulaire contestait la reproductibilité de ce produit commercial, faisant référence à l'avis G1/92. Selon cet avis, la composition chimique d'un produit fait partie de l'état de la technique dès lors que ce produit en tant que tel est accessible au public et qu'il peut être analysé et reproduit par la personne du métier. Elle argumentait que la rétro-ingénierie d'un polymère commercial sans connaître ses conditions de synthèse (catalyseurs, conditions de réaction) nécessiterait un vaste programme de recherche.

La Chambre note que des décisions divergentes ont été rendues sur le sujet. 

S'agissant de G1/92, le point 1.4 semble indiquer qu'un produit commercial ne fait partie de l'état de la technique que si sa composition ou structure interne peut être analysée et reproduite sans efforts indus. La question se pose toutefois de savoir si l'exclusion d'un produit commercial a pu être envisagée par la Grande Chambre, étant donné qu'une condition préalable à l'analyse est que le produit en tant que tel soit "accessible au public". Cela serait en outre en contradiction avec le sens du terme "accessible" défini par les décisions G2/88 (pt 10) et G6/88 (pt 8). Un défaut de nouveauté existe lorsque toutes les caractéristiques techniques ont été communiquées au public ou ouvertes à l'inspection, ce qui est le cas lorsque le produit est disponible sur le marché. 

La Chambre note aussi que selon les travaux préparatoires, l'accessibilité au public se comprenait comme la possibilité pour le public de prendre connaissance de l'état de la technique, sans exigence quant à la possibilité de le mettre en œuvre. 

Plusieurs décisions ont divergé, sur l'accessibilité au public, le niveau de détail requis pour l'analyse et les exigences à remplir pour la reproductibilité. Sur le premier point, la distinction entre l'accessibilité du produit seulement ou également de sa composition est importante pour le cas d'espèce, D1 montrant que le produit commercial convient au même but que le brevet en cause. Sur la question de l'analyse, certaines décisions ont exigé une analyse complète du produit (T946/04, T2068/15) tandis que d'autres se sont contentées d'une analyse des éléments principaux ou démontrant que le produit tombait sous la revendication (T877/11, T952/92, T1452/16). De même sur la reproductibilité, certaines décisions ont exigé que le produit soit reproduit à l'identique (T977/93, T1833/14) et d'autres non (T1540/21, T1452/16). Certaines décisions n'ont pas examiné la question de la reproductibilité.


5 commentaires:

  1. Trees intéressant également par la nécessaire différence d’approche avec la notion f’de divulgation destructrice de nouveauté en droit des dessins et modèles.

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  2. J'ai toujours été choqué par G1/92. Si un produit est sur le marché, il est accessible au public, point. Pourquoi exiger en plus que l'homme du métier puisse le reproduire ? Je ne vois pas ça dans l'article 54 CBE.

    On se retrouve alors dans des situations absurdes où un petit malin peut breveter un produit qu'un de ses concurrents vend depuis des lustres, sous prétexte que lui aurait divulgué la manière de le faire (sachant qu'en plus les exigences de suffisance de description sont légères).

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  3. Les questions proposées sont très intéressantes. Il serait en effet souhaitable d’avoir la position de la GCR sur le rôle de la reproductibilité dans l’appréciation de l’état de la technique, qu’il s’agisse de documents ou de produits. Là-dessus, je partage le point de vue d’Hercule Poirot.

    Elles impliquent des facteurs de complexité qui peuvent être épineux.

    Les techniques d’ingénierie inverse sont en progrès constant. Elles mettent en jeu aujourd’hui des moyens d’analyse très diversifiés et puissants utilisés par des prestataires spécialisés. Cela pose d’abord la question de la date pertinente : il semble logique que ce soit à la date de dépôt ou de priorité qu’il faille apprécier si l’homme du métier pouvait obtenir certaines informations à partir d’un produit commercial, et donc se baser sur les techniques d’ingénierie inverse disponibles à cette date. Cela peut être difficile à déterminer avec certitude.

    D’autre part, dans le cas d'espèce EP2626911, le produit commercial ENGAGE 8400 est présent non pas directement, mais par le biais de sa citation à de nombreuses reprises dans le document D1. Rien ne garantit la pérennité d’un produit commercial. Le produit pourrait n’être plus disponible à la date à laquelle une analyse d’ingénierie inverse doit être effectuée.

    A noter l’importance de la question pour la protection des secrets d’affaires (article L.151-3 de la loi de transposition de la directive européenne).

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  4. M. Hagel a écrit: "il semble logique que ce soit à la date de dépôt ou de priorité qu’il faille apprécier si l’homme du métier pouvait obtenir certaines informations à partir d’un produit commercial, et donc se baser sur les techniques d’ingénierie inverse disponibles à cette date"

    Pour mémoire, on se place à la date de dépôt (ou priorité) pour l'activité inventive, mais à la date de la divulgation pour la nouveauté.

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  5. Le produit ENGAGE 8400 est suffisamment décrit dans la documentation technique pour que l'homme de métier n'ait pas besoin d'ingénierie inverse, tout au plus une analyse élémentaire pour identifier le type de catalyseur.

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