Le procédé de fabrication du dispositif auditif revendiqué se distinguait du procédé de l'art antérieur E1 par des étapes d'encapsulation du module électronique 10 dans une coque thermoformée 30 et par le fait que la batterie était connectée au module électronique.
La deuxième différence est vue comme une sélection évidente parmi différentes possibilités connues et tout aussi probables, cas où l'approche could-would ne s'applique normalement pas (T894/19).
S'agissant de la première différence, la Chambre considère également que le choix d'une coque thermoformée était une option évidente et faisant partie des connaissances générales, étant entendu que la personne du métier aurait compris que la coque de E1 devait être rigide et compatible avec le moulage silicone.
La Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la Titulaire car cette dernière défend une interprétation de la revendication basée sur la description du brevet. L'objet du brevet est défini par les seules revendications. La description et les dessins sont typiquement utilisés pour déterminer la personne à qui le brevet est destinée, et donc le point de vue à partir duquel les revendications sont interprétées. La description et les dessins ne peuvent pas être utilisés comme une sorte d'outil de repli ou de guide supplémentaire pour combler les lacunes ou résoudre les incohérences d'une revendication à l'avantage du titulaire du brevet.
Dans le cas d'espèce par exemple, on ne peut interpréter le terme "encapsulé" comme devant nécessairement conduire à réduire les risques de pénétration d'humidité.
Il est grand temps de clarifier l'utilisation de la description en vertu de l'Art 69 et de son protocole car nous sommes en présence de deux lignes de jurisprudence divergentes.
RépondreSupprimerSelon la première ligne de jurisprudence, l'Art 69 et son protocole doivent être pris en compte lors des procédures devant l'OEB. Celle-ci est représentée par T 1473/19 qui se réfère à T 1167/13 et T 2773/18. Cette ligne de jurisprudence remonte à T 16/87.
Selon la deuxième ligne de jurisprudence, l'Art 69 et son protocole ne devraient pas être pris en compte au cours des procédures devant l'OEB. Celle-ci est représentée par T 169/20 et T 821/20, ce dernier se référant à T 169/20 et T 1127/16.
Selon T 1279/04, confirmé par T 1778/17, l'application des principes d'interprétation des revendications tels qu'énoncés à l'Art 69 et au protocole doit être limitée à la détermination de l'étendue de la protection qui est principalement en cause devant un tribunal national ou dans la procédure d’opposition á l’OEB au titre de l'Art 123 (3).
Selon ce deuxième courant de jurisprudence, il n'est pas justifié de s'appuyer sur la description pour restreindre la portée de la revendication en excluant les interprétations qui sont à la fois raisonnables et techniquement sensées dans le contexte technique du brevet.
Afin de clarifier la situation, il serait intéressant d'avoir la position de la GCR sur les questions suivantes :
1) Dans les procédures devant l'OEB, l'Art 69 et son protocole devraient-ils être utilisés exclusivement pour déterminer l'étendue de la protection au titre de l'Art 123(3) ?
2) L'Art 69 et son protocole peuvent-ils être utilisés pour
2.a) déterminer si une revendication contient une extension d’objet ajouté au sens de l'Art 123(2),
2.b) décider si une revendication manque de nouveauté
2.c) évaluer l'activité inventive, par exemple en interprétant les revendications de manière à incorporer un effet fonctionnel cité dans la description.
3) Si une réponse à la question 2 est positive, quelles sont les conditions à appliquer?
Les commentaires de M. Thomas me semblent exagérer grandement la divergence entre les chambres de recours sur l’application de l’article 69 à l’examen. Si on se reporte à la jurisprudence des chambres de recours, point 6.3.2, la ligne dominante est clairement que l’OEB n’a pas compétence pour appliquer l’article 69, ceci étant du ressort des tribunaux, sauf dans le cas très spécifique de l’application de l’article 123(3) après délivrance.
RépondreSupprimerDes décisions récentes qui exposent le régime d’interprétation des revendications lors de l’examen sont cohérentes avec cette ligne.
T 2502/19 du 19 décembre 2022 (Reason 2.2): “…the claims should be taken by themselves, i.e. without relying on the description and drawings, and tested against the broadest possible or objectively reasonable construction which would occur to the skilled reader. This is because Article 84 EPC stipulates that the matter for which protection is sought is defined by the claims. It does not require to rely on any other part of the application documents.“
Cette explication distingue bien le contexte de l’examen, axé sur l’objet pour lequel la protection est demandée, tel que défini par les revendications, du contexte post-délivrance auquel s’applique l’article 69. Dans le premier cas, il n’y a pas lieu de recourir à la description pour interpréter les revendications, en particulier s’il s’agit d’incorporer dans les revendications en tant que limitation ayant un effet juridique une caractéristique exposée dans la description. Cela n’implique nullement pour autant une approche binaire qui nierait tout rôle de la description. Bien évidemment, la description complétée par les dessins est utile et généralement nécessaire pour comprendre les termes des revendications et l’objet revendiqué.
T 1553/19 du 24 novembre 2022 : « Selon la jurisprudence établie, la règle normale d'interprétation des revendications est que les termes utilisés dans une revendication doivent recevoir leur sens techniquement le plus large possible, dans le contexte des revendications où ils apparaissent. Dans le cas d'une caractéristique négative, la portée la plus large est donnée en considérant la définition techniquement sensée la plus étroite possible pour l'élément à exclure. »
Si la question se pose de prendre en compte des caractéristiques décrites mais non revendiquées, c’est selon mon expérience dû au fait que les divisions d’examen n’exigent pas systématiquement du déposant qu’il inclue dans les revendications les caractéristiques décrites sur lesquelles il s’appuie dans son argumentation. Si une caractéristique qu’il met en relief a un rôle essentiel pour convaincre la division d’examen, celle-ci devrait conditionner son accord à une modification correspondante des revendications.
Il y a là un problème de qualité de l’examen, auquel la direction de l’OEB devrait être plus attentive. Lors des audits de dossiers auxquels j’ai participé récemment dans le cadre du groupe de travail qualité du SACEPO, j’ai été surpris de constater que le problème était courant.
Mr Hagel,
RépondreSupprimerVous avez publié dans IPKat un commentaire similaire. Ne vous étonnez donc pas que le mien soit similaire à la réponse que je vous ai donnée sur IPKat.
Que vous ne soyez pas d'accord avec certaines de mes positions n'est pas nouveau. Mais prétendre que j'exagère va un peu trop loin et n'est pas correct.
Au vu de la jurisprudence divergente que j'ai présentée lorsque j'ai introduit un renvoi possible, il est manifeste que certaines chambres ne limitent pas l'application de l'article 69 et de son protocole à l'évaluation du respect de l'article 123, paragraphe 3, dans le cadre de la procédure d'opposition.
L'utilisation de l'article 69 et de son protocole remonte, entre autres, à la décision T 16/87. Il est donc notable que certaines chambres souhaiteraient, en quelque sorte, redonner vie à la décision T 16/87 et voir l'Art 69 et son protocole appliqués de manière générale dans les procédures devant l'OEB.
Un autre exemple récent est la décision T 2475/18 que j'ai commenté en même temps que la décision T 1473/19. J'y ai déjà présenté une proposition de renvoi devant la GCR.
Dans la décision T 1473/19, motifs 3.7-3.9, la chambre a explicitement désapprouvé les déclarations de la décision T 1279/04, et donc de la décision T 30/17, toutes deux représentatives de la deuxième ligne de jurisprudence.
Les décisions que vous citez, T 2502/19 et T 1553/19, appartiennent à ce que j'appellerais la deuxième ligne de jurisprudence. Elles ne rendent cependant pas caduque la première ligne de jurisprudence. J'ajouterai T 821/20.
Quoi qu'on en pense, il y a clairement deux lignes de jurisprudence et il me semble important, du moins à moi, mais je sais que je ne suis pas le seul, que la situation soit clarifiée par la GCR.
Si l'article 69 et son protocole sont utilisés pour évaluer la conformité d'une revendication avec l'Art 123(2), il y a un réel danger que toute la construction de la jurisprudence de la GCR en matière de nouveauté/extension d’objet devienne obsolète. Il convient de noter que ni G 1/03 ni G 2/10 ne mentionnent l'Art 69. L'Art 69 est mentionné, mais seulement en passant, dans G 1/16.
L'interprétation systématique des revendications à la lumière de la description correspond en fait à la pratique de la Cour fédérale allemande (BGH). Dans l'arrêt X ZR 161/12 et les décisions qui la précèdent, la CFA a considéré qu'un brevet ne doit pas être systématiquement révoqué si une revendication contient une extension d’objet. Le caractéristiques correspondant à l’extension d’objet ne doivent cependant pas être prises en compte lors de la décision sur N ou l’AI. Dans une décision plus récente (X ZR 158/18), la CFA semble s'aligner davantage sur la position de la GCR.
Lorsque vous discutez de la question de savoir si les caractéristiques divulguées mais non mentionnées dans les revendications peuvent être prises en compte, il est évident que vous voulez indirectement ramener la question de l'adaptation de la description. Votre position sur ce sujet est aussi connue et claire que la mienne.
Je suis cependant d'accord avec vous pour dire que si la brevetabilité dépend d'une caractéristique qui n'est pas revendiquée, cette caractéristique doit être ajoutée dans la revendication. Mais cela n'empêche pas le demandeur/propriétaire d'indiquer clairement ce qui est revendiqué ou non.
Cher M.Thomas,
RépondreSupprimerLes décisions que j’ai citées, auxquelles il faut ajouter T 169/20 du 30 janvier 2023, constituent un bloc qui offre une doctrine d’interprétation des revendications pendant l’examen parfaitement logique, claire et cohérente. Il est remarquable que ces quatre décisions aient été publiées dans un laps de temps de quelques mois et qu’elles émanent de trois chambres différentes. C’est pourquoi je suis quelque peu surpris que vous les considériez comme des jurisprudences de la « seconde ligne », donc à ne pas prendre très au sérieux. J’aimerais savoir sur quoi vous basez cette appréciation. A noter que la décision T 169/20 a fait l’objet d’une diffusion B, le niveau le plus élevé en dehors de la publication au JO OEB.
J’ai eu d’autre part le plaisir de noter que vous essayez de lire dans mes pensées, en m’attribuant une fixation sur l’adaptation de la description. Mais vous faites erreur. Je peux supposer que votre « lecture » tient en fait à une projection de vos propres préoccupations.
La question traitée dans ces décisions, et sur laquelle ont porté mes commentaires, est la primauté des revendications et le refus de considérer la description comme un réservoir d’arguments où le déposant peut puiser sans conséquences sur la rédaction des revendications. Cela pointe indirectement un manque de vigilance des divisions d’examen sur ce point, que j’ai constaté comme je l’ai dit dans des audits de dossiers que j’ai effectués récemment dans le cadre du SACEPO.
Puisque vous évoquez le débat sur l’adaptation de la description, je me permettrai un commentaire. Je considère que le problème de qualité de l’examen que je pointe ci-dessus est de loin plus important que l’adaptation de la description aux modifications de la description, sauf dans les cas où l’adaptation est véritablement justifiée par un défaut de clarté et que la division d’examen en apporte la preuve. Et il me semble que l’accent, excessif à mon point de vue, de la direction de l’OEB sur l’adaptation de la description crée une sorte de déséquilibre, car il tend à réduire l’attention consacrée par les divisions d’examen à l’exigence que les revendications incluent bien toutes les caractéristiques essentielles, y compris celles sur lesquelles le déposant s’appuie dans son argumentation.
Mr Hagel,
RépondreSupprimerJe n’ai pas l’intention de commencer une diatribe publique avec vous, mais je me dois de répondre à votre dernier commentaire.
Quand je parle de deux lignes de jurisprudence, je n’ai jamais dit que l’une était sérieuse et que l’autre ne l’était pas. D’où tenez-vous cette incongruité ?
J’aurais tout aussi bien pu mettre celle qui est pour moi la seconde ligne de jurisprudence comme première, cela n’aurait rien changé à mon propos. Le fait de donner un ordre n’est qu’un artifice de présentation. J’aurais pu dire qu’il existe une autre ligne de jurisprudence, le résultat était le même. Je pense néanmoins qu’un lecteur moyennement attentionné ne s’est jamais mépris et aura aisément compris mon propos.
Le fait est qu’il existe deux lignes de jurisprudence qui divergent manifestement. Et cette divergence peut avoir des conséquences dommageables pour les utilisateurs du système selon que l’une prévale sur l’autre et vice versa. Les deux lignes se tiennent et il n’y a aucune exagération dans ce constat.
Je trouve pour ma part ce que j’ai nommé la première ligne de jurisprudence est beaucoup plus dangereuse pour les utilisateurs du brevet européen. Je l’ai souligné dans ma première intervention.
Je me permets de la rappeler ici : « Si l'Art 69 et son protocole sont utilisés pour évaluer la conformité d'une revendication avec l'Art 123(2), il y a un réel danger que toute la construction de la jurisprudence de la GCR en matière de nouveauté/extension d’objet devienne obsolète. Il convient de noter que ni G 1/03 ni G 2/10 ne mentionnent l'Art 69. L'Art 69 est mentionné, mais seulement en passant, dans G 1/16 ».
Vous me forcez en quelque sorte à prendre position, ce que je fais volontiers, mais ma position pouvait transparaître dans mes précédents propos.
Pour ma part, c’est la seconde ligne de jurisprudence qui est pour moi est à suivre et c’est celle que je souhaiterai voir triompher. C’est la seule qui pour moi garantit un minimum pour la sécurité des tiers. Si toute la description peut être interprétée à l’aune de l’Art 69 et de son protocole durant les procédures devant l’OEB, il n’y a plus aucune possibilité d’évaluer la portée d’un brevet. En tant que propriétaire la solution est idéale, en tant que tiers, elle l’est beaucoup moins.
Sauf cas exceptionnel, ce sont uniquement les revendications qui sont à prendre en compte. Si celles-ci sont claires, il n’y a effectivement pas lieu de se reporter à la description pour en tirer des conclusions qui permettraient soit d’en limiter la teneur, soit de leur donner une portée plus large. C'est pourquoi la clarté des revendications n'est pas une question de forme mais bien de fond.
Je suis tout à fait d’accord avec vous que les caractéristiques essentielles doivent se trouver dans la revendication indépendante. D’un autre côté, un bon rédacteur de demandes n’utilisera jamais le mot « essentiel » dans la description. Par contre, toute caractéristique de l'entité ou de l'action, qui est indispensable pour produire l'effet de l'invention ou résoudre le problème à la base de celle-ci, peut être considérée comme une caractéristique essentielle et doit être incluse dans la revendication indépendante.
Toute caractéristique comprise dans une revendication indépendante ne peut être qualifiée de facultative dans la description et toute caractéristique, énoncée comme limitative ou essentielle dans le contexte de l’invention, doit être présente dans la revendication indépendante. La description se doit donc d’être en accord avec la description ou en d’autres termes, toute revendication doit trouver son support dans la description. Nos points de vue divergent à ce sujet et je ne m’étendrai donc pas dessus.
Je me permets d'attirer l'attention sur la décision T 2968/19 que je viens de commenter dans mon blog.
RépondreSupprimerhttps://blog.ipappify.de/t-2968-19-no-recourse-to-the-description-in-case-of-lack-of-clarity-limited-application-of-art-69-in-procedures-before-the-epo/
Cette décision, fort bien argumentée, limite le recours à la description pour l’interprétation des revendications à la procédure d’opposition dans les deux cas suivants :
- évaluation de l'étendue de la protection au titre de l'Art 123(3)
- lorsque des caractéristiques ne peuvent plus faire l'objet d'une objection au titre de l'Art 84, mais doivent néanmoins être interprétées.
Elle précise que l’Art 69 ne saurait être appliqué en procédure d’examen.
T 2968/19 appartient à ce que j'ai appelé dans mon blog ou dans des commentaires précédents la "deuxième ligne de jurisprudence".