La Chambre 3.3.04 a saisi la Grande Chambre sur la question du droit à revendiquer la priorité.
Dans le cas d'espèce, la priorité US a été déposée par les inventeurs (A), puis une demande PCT a été déposée avec A comme déposants pour les US et la société B comme déposant pour les autres pays, revendiquant la priorité de la demande US.
La division d'opposition avait estimé que la priorité n'était pas valable, faute de cession du droit de priorité de A vers B concernant EP. En conséquence, le brevet avait été révoqué au vu de documents publiés avant la date de dépôt.
En recours, la Titulaire entend se prévaloir de "l'approche des codemandeurs", suivie par l'OEB (Dir. A-III 6.1) dans le cas de demandes déposées par des codemandeurs (il suffit dans ce cas qu'au moins un des codemandeurs ait déposé la demande prioritaire). Cette approche devrait à ses yeux être valable pour les demandes PCT. La Titulaire s'appuie notamment sur le fait que la demande PCT doit avoir les mêmes effets qu'une demande EP et que dans le cas d'une demande EP des demandeurs différents selon les Etats sont considérés comme codemandeurs (Article 11(3) PCT, Articles 118 et 153(2) CBE).
La Chambre n'est pas convaincue par ces arguments et mentionne comme alternative l'approche suivie par le Tribunal de La Haye dans sa décision du 30.7.2019. Selon cette approche, la loi applicable est celle du lieu où l'on cherche une protection (lex loci protectionis), donc la CBE, laquelle ne prescrit aucune formalité particulière quant à la cession du droit de priorité. Dans ce cas, le dépôt même du PCT pourrait être la preuve que le droit de priorité a été implicitement cédé pour les autres pays, puisque A a consenti à ce que B soit demandeur pour ces pays.
Les faits se distinguent de ceux de la décision CRISPR T844/18, car dans cette affaire certains déposants des demandes prioritaires n'étaient pas déposants de la demande ultérieure.
Les questions posées sont les suivantes:
I. La CBE confère-t-elle une compétence à l'OEB pour déterminer si une partie prétend valablement être un ayant cause au sens de l'article 87(1)b) CBE ?
Sur cette question de compétence, la Chambre fait remarquer qu'elle a fait souvent débat, et que ce débat devrait être tranché.
II. En cas de réponse affirmative à la question I
Une partie B peut-elle valablement se fonder sur le droit de priorité revendiqué dans une demande PCT dans le but de revendiquer des droits de priorité selon l'article 87(1) CBE dans le cas où
1) une demande PCT désigne la partie A comme demandeur pour les Etats-Unis seulement et la partie B comme demandeur pour d'autres Etats désignés, y compris la protection par brevet européen régional et
2) la demande PCT revendique la priorité d'une demande de brevet antérieure qui désigne la partie A comme demandeur et
3) la priorité revendiquée dans la demande PCT est conforme à l'article 4 de la Convention de Paris ?
RépondreSupprimerUne partie avait soumis une question intéressante, mais qui n'a hélas pas été retenue: la contestation de la priorité du fait d'une absence de cession de A vers B peut-elle être faite par un autre que A (ou un ayant cause de A)?
Je trouve personnellement choquant qu'un tiers opposant, qui n'a rien à voir dans les relations entre A et B, se permette de tirer profit du fait que soi-disant B pourrait avoir "volé" le droit de priorité de A.
En particulier dans le cas de sociétés d'un même groupe, peut-on sérieusement penser une seconde qu'une filiale refuserait à sa maison-mère d'utiliser son droit de priorité? Cela relève des relations internes entre ces sociétés, et un tiers opposant n'a pas à y mettre son nez.
Le nez de l'opposant permettrait-il de sécuriser les tiers ??? La sécurité juridique des tiers n'a pas à pâtir de la mauvaise gestion interne du droit de priorité entre sociétés. La détermination de la date effective d'une demande est un fait objectif, qui ne peut tenir compte de relations supposées.
RépondreSupprimerLa question de la bonne cession du droit de priorité, même entre deux sociétés issues d'un même groupe peut être pertinente si on a un document A54(3). J'ai déjà eu le cas avec le doc prioritaire (EP) qui avait été publié. Si la cession n'était pas valable, il antériorisait tout le brevet. Donc l'opposant est en droit de contester si aucune preuve de cession n'est apportée. Mais la question du comment doit être la cession est pour l'instant "refuser" du débat par l'OEB (si les Chambres peuvent éviter d'en parler, ils ne s'en privent pas)
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RépondreSupprimerCe qui met à mal la sécurité juridique, c'est l'incertitude sur la loi applicable et le formalisme à respecter.
Si B ne voulait pas céder son droit de priorité, c'est à lui de se plaindre. C'est lui qui est lésé, pas les tiers. Un tiers opposant n'a rien à voir là-dedans, si ce n'est évidemment pour lui permettre de faire tomber un brevet parce que soit disant on n'est pas sûr que Trucmuche SA était bien d'accord pour que Trucmuche AG revendique la priorité de sa demande...
Bien sûr que la validité de la priorité peut être pertinente: si le critère de "même invention" ou le délai de 12 mois n'est pas respecté, bien sûr que l'opposant peut le faire valoir. Mais les questions de cession c'est autre chose.
Pour établir un parallèle, le fait que le brevet ait été obtenu par B alors que c'est A qui y avait droit est un motif de nullité relatif en France (et dans d'autre pays): seul A peut faire valoir ce motif.
Je comprends la difficulté de l'OEB à aborder le problème de la cession du droit de priorité. En effet, selon son préambule, la CBE n'est qu'un arrangement au sens de l'article 19 de la Convention de Paris; conséquemment, un tel arrangement ne peut contrevenir aux dispositions de la Convention de Paris. De plus, selon le Guide d'Application de ladite Convention du Professeur Bodenhausen, le droit de priorité mentionné à l'article 4.A.1 de la Convention de Paris peut être transféré indépendamment du transfert ou non de la première demande sur laquelle est fondé ce droit; en France, voir par exemple, l'arrêt de la Cour de Cassation du 18 juin 1996 dans le pourvoi 94-18.909 confirmant que le droit de priorité n'est pas l'accessoire de la demande ("qu'en décidant, après avoir rappelé que le droit de priorité unioniste constitue un droit distinct et indépendant de celui conféré par la première demande de brevet, qu'en l'absence de stipulation expresse, le contrat litigieux ne portait que sur l'exclusivité de l'exploitation du brevet en France, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes invoqués"). Sur l'approche "lex loci protectionis", je suis curieux de lire les amicus curiae relatifs à cette saisine G2/22 des différents pays membres de l'OEB...
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RépondreSupprimeroui, sur la lex locis protectionis on pourrait s'amuser. Pourquoi la CBE et pas la loi de chaque état contractant ? (et pour le brevet unitaire on fait quoi ?)