Dans cette décision la Chambre juridique remet en question une ligne jurisprudentielle bien établie concernant la recevabilité des requêtes en restitutio in integrum.
La recevabilité de telles requêtes est régie par la règle 136 CBE, qui pose 5 conditions: requête écrite, 2 mois à compter de la cessation de l'empêchement (mais pas plus que 1 an à compter de l'expiration du délai non observé), indication des motifs et des faits, accomplissement de l'acte, délai non exclu par la règle 136(3) CBE.
Concernant le délai de 2 mois, la jurisprudence considère comme point de départ le moment où la personne responsable (ici le déposant lui-même car non représenté par un mandataire agréé) aurait dû remarquer l'erreur si elle avait fait preuve de toute la vigilance nécessaire.
La Chambre juridique considère que cette approche devrait être abandonnée, et que le critère de vigilance ne devrait être pris en compte que pour l'examen au fond de la requête.
Tout d'abord cette approche ne trouve pas sa source dans le libellé de la CBE, les exigences de la règle 136 CBE étant de nature formelle, à distinguer des exigences de fond prévues par l'article 122(1) CBE. La règle 136 CBE ne mentionne pas la vigilance nécessaire. La vigilance de l'article 122 CBE porte sur le délai non observé, pas sur la cessation de l'empêchement. Il faut distinguer les raisons pour lesquelles un délai n'a pas été observé de celles pour lesquelles l'erreur n'a pas été décelée. Il ne faut donc pas prendre en compte la question de la vigilance nécessaire pour déterminer la cessation de l'empêchement, qui est une question purement factuelle. En outre, le fait de prendre en compte des considérations liées à la vigilance nécessaire crée une présomption de connaissance qui est quasiment impossible à réfuter. La cessation de l'empêchement est une question de connaissance réelle et non de présomption de connaissance: c'est le moment où la personne responsable prend réellement conscience qu'un délai n'a pas été observé.
Dans le cas d'espèce, le déposant n'avait pas soumis d'observation en réponse au rapport de recherche européen ni ultérieurement requis une poursuite de procédure. L'employé en charge n'avait pas transmis les notifications au management. L'agent de brevet local recevant les notifications n'avait en outre pas transmis la notification de perte de droit. Ce n'est que plus tard qu'un mandataire agréé prenant la suite de l'agent après sa retraite a informé le déposant qu'une poursuite de procédure aurait été possible.
Pour la Chambre, la cessation de l'empêchement ne remonte pas à la réception de la perte de droit par l'agent de brevet local ou de la notification concernant le remboursement de la taxe annuelle (comme l'a décidé la section de dépôt) mais, du fait de l'absence de transmission au déposant et aux erreurs de droit concernant le manque de remèdes juridiques, au moment où l'erreur de droit a été corrigée par un mandataire agréé consultant le registre en ligne. La cessation de l'empêchement remonte donc au moment où le déposant a pris conscience que le délai de poursuite de procédure était expiré.
La requête est donc recevable.
Elle n'est toutefois pas fondée, car il n'a pas été prouvé que le déposant et l'agent de brevet local ont fait preuve de la vigilance nécessaire. Les erreurs de fait (notamment la non-transmission de la perte de droit) et de droit (non-connaissance de la possibilité de demander une poursuite de procédure), ne sont pas excusables.
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