Un lecteur me signale cette décision très intéressante, dans laquelle la Chambre n'admet dans la procédure aucun argument, ni ceux déjà déposés en première instance, ni ceux déposés pour la première fois en recours en réaction à la décision, en application du RPCR 2007.
La division d'opposition avait fait droit à la requête principale de la Titulaire. Elle avait notamment décidé de la présence d'une activité inventive en partant de D13 ou D39 (point 1.5.2.4) et en partant de D3 ou D5 (point 1.5.2.5). Elle avait en outre décidé au point 1.5.2.6 que D36 ne pouvait être considéré comme un point de départ valable.
Dans son mémoire de recours de 22 pages, l'Opposante avait recopié ses arguments au titre de l'activité inventive contenus dans son mémoire d'opposition puis répondu aux points 1.5.2.4 à 1.5.2.6 de la décision.
La Chambre note que les arguments de l'Opposante sont de 3 types:
a) les arguments qui reprennent mot pour mot ceux du mémoire d'opposition (défaut d'activité inventive au vu de D3, D5, D13, D39 ou D36),
b) les arguments qui reprennent mot pour mot les dernières écritures avant la procédure orale (en réponse à certains points de l'opinion provisoire - arguments présentés dans le mémoire de recours comme étant une réponse aux points 1.5.2.4 et 1.5.2.5 de la décision),
c) les nouveaux arguments au stade du recours, en réponse au point 1.5.2.6 de la décision (arguments expliquant pourquoi D36 peut être considéré comme état de la technique le plus proche).
Concernant les arguments de type a) et b), n'étant que des répétitions d'arguments déposés en première instance, avant la décision, ils ne peuvent présenter les motifs pour lesquels il est demandé d'annuler la décision, puisqu'ils ont été rédigés avant la décision. Ils ne sont donc pas admis au titre de l'article 12(4) et (2) RPCR 2007.
S'agissant des arguments de type c), la Chambre considère que l'Opposante aurait pu les présenter dès la première instance, au moins durant la procédure orale, à laquelle l'Opposante n'a toutefois pas assisté. L'absence à la procédure orale ne peut justifier le dépôt de nouveaux arguments en réponse aux motifs de la décision et à des requêtes déjà présentées en première instance. Ces arguments ne sont donc pas admis au titre de l'article 12(4) RPCR 2007.
Faute d'argument recevable susceptible de démontrer que la décision de première instance n'était pas correcte, la Chambre rejette le recours.
RépondreSupprimerAlors là je dis BRAVO !
Voila une manière élégante d'augmenter la productivité et de réduire l'arriéré, mais en ne cédant rien sur la qualité.
En ne regardant ni les arguments déposés avant la décision ni ceux déposés après on peut traiter très efficacement un dossier sans s'embêter à regarder le fond. Et puis à quoi sert de regarder le fond, ils font ça très bien en première instance.
Que les CR ne veulent pas voir l’opposant simplement répéter, sans les adapter à la décision entreprise, les arguments déjà avancés en opposition est compréhensible et justifié.
RépondreSupprimerPar contre, le mémoire exposant les motifs du recours contenait également des considérations soulevées directement en réponse à la décision de la DO et prenait donc position sur celle-ci. Ces considérations sont conformes à T 1914/12 et auraient dû être admises par la CR.
Dans T 1914/12, il a été jugé que les chambres de recours n'ont pas de pouvoir discrétionnaire quant à l'admissibilité d'arguments tardifs basés sur des faits déjà dans la procédure.
Bien que cette décision s'écarte des décisions T 1621/09 et T 1069/08, elle a été dûment motivée et a même fait référence aux « Travaux préparatoires » du RPCR 07. Elle a été suivie par une série de décisions récentes de même teneur : T 47/18, T 1381/15, T 315/15, T 13/3/19, T 1359/14, T 369/12, T 1875/15, T 691/16, T 128/15.
Prendre prétexte que l'opposant n'a pas participé à la procédure orale devant la DO n'est pas une raison valable pour rejeter ces arguments.
Il est clair que les CR veulent se débarrasser de leur arriéré le plus rapidement possible. Cet objectif n'autorise cependant pas une CR à ignorer l'Art 20(1) RPCR20 qui était déjà présent dans le RPCR07.
Comme les CR ont décidé qu’elles n’ont pas besoin de prouver les connaissances générales de l’homme du métier si celles-ci sont connues des membres de la CR, plus rien ne m’étonne.
Tout cela sera probablement couvert par une série d’ « interprétations dynamiques » à venir. Alors allons-y gaîment, d’autant qu’il n’existe aucune instance de révision de la discrétion très grande attribuée aux CR par le RPCR20.
RépondreSupprimerJe ne vois pas bien le rapport avec T1914/12, qui traite des arguments déposés tardivement.
Ici les arguments rejetés n'ont pas été déposés tardivement: ils ont été déposés en première instance et répétés dans le mémoire de recours.
Vraiment je ne vois où est le problème dans le mémoire de recours, l'opposant y explique de manière détaillée pourquoi ce n'est pas inventif et répond aux motifs de la décision. Qu'aurait-il dû faire de plus?
Si on rejette les arguments déposés en première instance et les arguments déposés pour la première fois en recours, il reste quoi?
Que le mandataire reprenne des parties de ses précédentes écritures, bien évidemment, il ne va non plus facturer du temps à tout réécrire. Les mandataires aussi doivent être productifs.
Si la DO fait un copier-coller de son opinion provisoire dans sa décision, pourquoi le mandataire ne ferait pas un copier-coller de sa réponse à l'opinion?
Avec les chambres maintenant c'est face je gagne et pile tu perds.
Robin a dit..."Dans T 1914/12, il a été jugé que les chambres de recours n'ont pas de pouvoir discrétionnaire quant à l'admissibilité d'arguments tardifs basés sur des faits déjà dans la procédure."
RépondreSupprimerCertes, cette décision devrait aider mais dans les faits, certaines chambres font abstraction (j'ai d'ailleurs vu le cas très récemment). Elles peuvent refuser des nouveaux arguments et comme personne ne pourra contester devant la Grande Chambre par après.
Cela donne l'impression que les Chambres de Recours ne regardent que la forme et non le fond et donc, sauf s'il y a une grosse erreur de fond de la 1ère instance (document pas A54(3), priorité..), elles peuvent ne rien faire et décider que tous les arguments ne sont que des répétitions de la première instance ou nouveaux arguments non recevables...
RépondreSupprimerje tombe de ma chaise.
J'avais intégré qu'en recours ce serait de plus en plus difficile de présenter des arguments différents de ceux de la première instance, OK.
Mais là si on ne peut pas non plus réutiliser les arguments présentés en première instance, on fait quoi du coup? Quelqu'un peut m'expliquer? ça vaut encore la peine de faire un recours? il faut rédiger comment un mémoire de recours?
RépondreSupprimerIl y a forcément des arguments de première instance qui sont répétés en recours. On dirait que la chambre sanctionne en fait la pratique du copier-coller.
Je pense que pour éviter ce désagrément il faut à chaque phrase faire une référence à la décision.
Par exemple, au lieu d'écrire:
D1 enseigne les car. a, b et c (en recopiant son mémoire d'opposition)
En réponse au point 1.6 de la décision, nous soumettons que D1 enseigne la car. c pour telle et telle raison.
écrire:
D1 divulgue les caractéristiques a et b à tel endroit, comme correctement décidé par la DO au point 1.5 de sa décision.
La DO a décidé au point 1.6 que la car. c n'était pas enseignée par D1. Ce n'est pas le cas pour telle et telle raison.
C'est de la pure forme on est d'accord
Je pouvais prévoir chacun des commentaires précédents rien qu'en lisant le résumé. Je me demande vraiment si les commentateurs réagissent par réflexe ou s'ils ont étudié le cas.
RépondreSupprimerLa volonté par les CR de ne pas accepter une resucée des arguments utilisés en première instance ne date pas du RPCR20, elle a déjà été valable sous l’emprise du RPCR07.
RépondreSupprimerPar exemple, au Point 19 des raisons de T 1311/13, la CR a rappelé une ligne de jurisprudence ancienne selon laquelle (traduction deepl.com) « une simple référence à des conclusions antérieures d'une partie et/ou la répétition mot à mot des arguments présentés dans ces conclusions ("motifs par copier-coller"), y compris les conclusions ou arguments présentés lors de la procédure orale devant la division d'opposition, mais sans traiter ou entrer dans une discussion des motifs invoqués dans la décision attaquée par la division d'opposition pour parvenir à sa décision, ne suffit pas à étayer un motif de recours ».
Ce point de vue est répété dans les notes explicatives de l’Art 12(5) RPCR20: « une partie est tenue, comme c’est le cas en application de l'actuel règlement de procédure, d'"exposer expressément" toutes les requêtes, tous les faits ou autres éléments invoqués. Si elle ne le fait pas et qu'elle se contente de faire référence aux éléments soumis devant l'instance du premier degré, la chambre peut décider de ne pas prendre ces requêtes, faits ou autres éléments en compte ».
La CR pouvait donc à bon droit refuser de tenir compte des arguments de type a) et b). Il n’en est pas de même pour les arguments de type c). Ceux-ci auraient dû être admis, même s’ils ne pouvaient emporter la décision.
T 1914/12 parle certes des arguments tardifs, mais si les arguments qui se fondent sur des faits qui sont déjà dans la procédure ne peuvent être considérés comme tardifs et donc doivent être admis, ceci est d’autant plus le cas si des arguments sont avancés en réponse à la décision. C’est le cas des arguments définis par c), c.-à-d. les nouveaux arguments présentés au stade du recours en réponse à la décision.
Français in BE a bien montré la perversité de la position prise par certaines CR, et certainement celle qui a pris la décision en cause, car « Elles peuvent refuser des nouveaux arguments et comme personne ne pourra contester devant la Grande Chambre par après ».
Pour moi, les arguments avancés sous c) sont certes nouveaux, mais comme ils répondent à la décision et sont dans la ligne de ceux qui ont déjà été avancés, le minimum de décence aurait voulu qu’ils soient pris en compte. Je dirais que la CR a manifestement violé le droit d’être entendu en ne tenant pas compte des arguments de type c). Une requête en révision pourrait encore être déposée, mais je doute qu’elle ait une chance car l’appelant, ni d’ailleurs l’intimé, n’a pas répondu à la notification selon l’Art 15(1) RPCR20. Les dispositions de l’Art 20(1) RPCR auraient elles aussi voulu que la CR justifie correctement pourquoi les arguments de type c) n’étaient pas convaincants. Mais en déclarant qu’ils ne sont pas recevables, c’est autant de travail d’économisé.
Il est trop facile, pour ne pas dire incorrect, de dire que ces arguments auraient dû être soumis en première instance, puisqu’ils tiennent compte de la décision!
Les errements en matière de production/productivité qui ont cours à la DG1 ont hélas atteint les CR. Les membres ne seront renouvelés que s’ils répondent à des critères de performance qui ne sont pas publics. Le seul élément public est la liste des décisions à prendre au cours de l’année. Une manière très « élégante » de définir l’objectif à atteindre par chaque membre des CR.
Je peux rassurer l’Anonyme du 26 avril 2021 à 16:06 que je n’ai pas réagi par réflexe mais bien étudié le cas. Je ne me suis certainement pas contenté du résumé.
@ Robin
RépondreSupprimerJe ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.
Dans T1311/13, des motifs d'opposition n'ont pas été admis car insuffisamment motivés; le mémoire ne discutait pas du tout les motifs de la décision.
Le cas ici est différent, ce n'est pas un motif qui globalement n'est pas admis: chaque argument d'un même motif est saucissonné.
Imaginons le cas de figure suivant: défaut d'activité inventive au vu de D1+D2
La décision de la DO me donne raison sur le choix de D1 comme état de la technique le plus proche et sur la définition du problème technique objectif, mais juge que l'homme du métier n'aurait pas été incité à aller voir D2.
Dans mon mémoire de recours, je réitère l'argumentation comme quoi D1 est un bon point de départ, je réitère la formulation du PTO, et je critique la décision en expliquant pourquoi à mon avis la DO a eu tort de dire que l'homme du métier n'aurait pas été voir D2.
Mon mémoire respecte parfaitement T1311/13: j'explique pourquoi à mon avis la DO a eu tort.
Mais il ne respecte pas cette nouvelle décision:
1. le choix de D1 et la définition du PTO étaient déjà dans mon mémoire d'opposition, on va me dire que ça ne peut pas traiter de la décision
2. si mon argument sur l'incitation à aller voir D2 était déjà dans mes dernières soumissions (en réponse à l'opinion provisoire de la DO), on va aussi me dire que j'avais déjà écrit ça avant la décision.
Franchement, je ne sais pas si vous avez déjà écrit des mémoires de recours, mais là je ne vois pas comment faire. Je pense que je vais suivre le conseil d'un des anonymes au-dessus: sur le choix de D1 et la définition du PTO, dire que la décision était correcte sur ce point; au moins j'aurai parlé de la décision pour chacun des arguments.
@ Anonyme Sherwood
RépondreSupprimerJe comprends bien votre embarras.
La différence pour moi est subtile. Pour moi il est clair que le mieux est en effet d’approuver le choix de D1 et du PTO. Cela évite des répétions inutiles.
Par contre la décision comportera certainement un nombre d’arguments pourquoi l’homme du métier n’ira pas prendre en compte D2. C’est sur ce point qu’il faudra prendre position.
Si il y a une raison A et une raison B, alors il faut dire pourquoi les raisons A et dans la décision ne sont pas valables. Ce que les CR veulent est que les parties fassent référence à la décision.
Il est certainement inévitable qu’il y ait des répétitions, mais un simple renvoi aux écritures anciennes est ce qui n’est pas souhaité.
D’un autre côté, si les CR ne veulent pas se pencher plus avant sur une question, elles ont la discrétion de ne pas le faire.
Et c’est là que le bât blesse. Il n’y aucun organe de révision de la discrétion des CR. Entrer dans une discussion sur la discrétion peut porter sur la substance. Et cela la GCR siégeant sur requête en révision n’en veut pas.
Nous sommes ici confrontés au péché originel de la CBE. La CBE 2000 a bien introduit une possibilité de révision mais uniquement pour des raisons d’ordre procédural. On peut le regretter, mais il s’agit d’un fait.