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mercredi 23 décembre 2020

T1818/16: de l'intérêt de déposer des requêtes subsidiaires en examen

Lors de la procédure orale devant la division d'examen, le demandeur avait remplacé deux fois sa requête principale par une requête plus limitée afin de répondre aux objections de défaut de nouveauté. Sa dernière requête principale n'avait pas été admise par la division d'examen en application de son pouvoir d'appréciation selon la règle 137(3) CBE.

Avec son mémoire de recours, le demandeur a soumis à nouveau ces différentes requêtes, ainsi que de nouvelles requêtes subsidiaires 3 à 8.

C'est ici l'article 12(4) RPCR 2007 qui s'applique encore, et non l'article 12(4) à (6) RPCR 2020, puisque le mémoire a été déposé avant l'entrée en vigueur du RPCR 2020. 

L'article 12(4) RPCR 2007 confère à la Chambre un pouvoir d'appréciation lui permettant de considérer comme irrecevables les faits, preuves et requêtes qui auraient pu être produits ou n'ont pas été admis au cours de la procédure de première instance.

La requête principale et la requête subsidiaire 1 ne sont pas admises car elles ont été retirées en première instance, remplacées par d'autres requêtes.

La requête subsidiaire 2 n'est pas admise car le demandeur n'a pas indiqué dans son mémoire pourquoi il considérait comme incorrecte la décision de ne pas l'admettre sur le fondement de la règle 137(3) CBE.

La Chambre refuse en outre d'admettre les requêtes subsidiaires 3 à 8 pour les raisons suivantes:
- si le demandeur avait souhaité que la Chambre traitât ces requêtes, il aurait dû les déposer à temps (il en a eu l'opportunité), permettant à la division d'examen de prendre une décision motivée à leur égard,
- attendre de la Chambre qu'elle décide pour la première fois sur ces requêtes serait contraire à l'objectif premier des procédures de recours, qui est de procéder à une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée,
- les procédures de recours ont pour but de vérifier le bien-fondé d'une décision de première instance, pas de poursuivre l'examen.

On voit ici que la Chambre, bien que les articles 12(4) à (6) RPCR 2020 ne soient pas applicables, applique déjà un "premier niveau de convergence", d'une manière qui préfigure peut-être la manière dont il sera appliqué à l'avenir. 

En application du pouvoir d'appréciation selon l'article 12(4) RPCR 2007, les Chambres ont généralement pris en compte les circonstances particulières de chaque affaire: elles ont très souvent admis de nouvelles requêtes lorsqu'elles constituaient une réponse légitime aux motifs de la décision, et le refus d'admettre de nouvelles requêtes était généralement occasionné par le comportement du demandeur en première instance, qui en quelque sorte n'avait pas "joué le jeu" en se gardant de modifier ses revendications pour répondre aux objections ou encore en demandant une décision en l'état du dossier.

Dans le cas d'espèce le demandeur avait successivement modifié plusieurs fois ses revendications en phase écrite et lors de la procédure orale. Il ressort implicitement de cette décision qu'il aurait dû au contraire déposer une série de requêtes subsidiaires suffisamment tôt avant la procédure orale devant la division d'examen.

6 commentaires:

  1. Je souhaite à Laurent et ses collègues, ainsi qu'à tous les lecteurs et commentateurs de bonnes fêtes de fin d'année!

    Fêtez bien, mais restez en bonne santé!

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  2. J’allais presque ressentir de la peine pour le déposant, quand en regardant le dossier j’ai remarqué que la première inventrice était Elizabeth Holmes et le déposant original sa société Theranos: https://korii.slate.fr/biz/vilains-du-net-theranos-elizabeth-holmes-scandale-silicon-valley-medecine-mensonge

    Le plus cocasse est que, pendant presque toute la procédure, ils ont été représentés par un cabinet nommé...”Avidity IP”. Ça ne s’invente pas.

    Bonnes fêtes à tous, en tout cas!

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  3. Effectivement, il faut à présent déposer toutes ses requêtes subsidiaires en examen, mais aussi ne pas abandonner les requêtes déjà déposées (ne serait-ce que pour avoir une décision motivée quant au fond).

    La lecture de la décision montre cependant un aspect non mentionné ici:
    The appellant did not reply to the Board's preliminary opinion. The appellant only announced, by letter dated 10 December 2020, that it would not be attending the oral proceedings.

    Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que la Chambre n'ait pas cherché à voir si une des requêtes subsidiaires pouvait éventuellement être acceptable.

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    1. C'est certainement un comportement bizarre: à ce stade-là, tant qu'à faire, autant retirer le recours et recevoir le remboursement au moins partiel de la taxe de recours...

      Après, déjà en circonstances normales il peut être difficile d'obtenir des instructions de certains clients, surtout américains, alors quand on connaît l'histoire turbulente du déposant...d'autant plus qu'entre Theranos et ses cabinets de PI, ça n'a jamais été très simple : https://legaltimes.typepad.com/blt/2013/08/malpractice-suit-against-mcdermott-dismissed.html

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  4. Et dire que Theranos et sa chef ont failli être nommé au concours de l'inventeur de l'année!

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  5. Merci à Revocator d'avoir attiré notre attention. Un autre article plaide pour que l'USPTO (et indirectement les autres Offices) refusent les demandes de brevet basées sur des fraudes:
    https://blog.petrieflom.law.harvard.edu/2020/07/01/patent-fakes-fraud-inventions-covid/

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