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lundi 25 mai 2020
T314/18: refus d'entendre un témoin
L'Opposante avait soumis un usage antérieur, sous la forme de ventes de machines à enrouler des ressorts dans des poches, pour la fabrication de matelas à ressort. L'Opposante avait déposé les modes d'emploi des machines, des copies de commandes et de factures pour 3 de ces ventes. Elle avait également proposé l'audition d'un témoin, M. Nussbaum, afin de corroborer la date, l'objet et les circonstances de l'usage et d'expliquer le fonctionnement des machines.
Dans son opinion provisoire annexée à la convocation à la procédure orale, la division d'opposition avait indiqué que l'usage antérieur n'était pas suffisamment étayé quant à la date, l'objet et les circonstances de l'usage et que cette justification inadéquate ne pouvait être corrigée par l'audition d'un témoin, lequel ne pouvait que corroborer des faits et non en fournir à la place de l'Opposante.
Pour la Chambre, la première question est celle de la pertinence de l'usage, qui doit être décidée sur la base de l'objet de l'usage ("quoi"). Les informations concernant la date ("quand") et les circonstances ("comment") deviennent ensuite importantes pour déterminer si l'usage faisait partie de l'état de la technique. Ces informations doivent figurer au dossier, au moins à première vue, mais n'ont pas besoin d'être exhaustives ni de permettre de conclure.
La Chambre note que l'Opposante a dans son mémoire d'opposition fourni les faits et les informations nécessaires pour permettre une évaluation de la pertinence de l'usage. L'Opposante a donc suffisamment motivé l'usage dans son mémoire. La division d'opposition a en fait confondu les notions de motivation et de preuve.
La Chambre juge que l'usage est à première vue extrêmement pertinent.
Elle juge en outre que compte tenu des preuves au dossiers et des doutes de la division d'opposition quant à leur valeur probante, le témoin aurait dû être entendu. Il ressort clairement des termes employés par l'Opposante que le témoin était proposé uniquement pour corroborer les faits déjà au dossier.
Aucune disposition de la CBE n'impose qu'un usage antérieur soit prouvé de manière concluante dans le délai d'opposition. La division d'opposition a mélangé la soumission des faits et les preuves requises pour les établir.
En refusant d'entendre le témoin, la division d'opposition a en fait procédé à une évaluation d'une preuve qui n'a pas encore été établie, alors qu'elle apparaissait hautement pertinente pour la décision. Elle a donc violé le droit d'être entendu de l'Opposante, ce qui justifie le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition et le remboursement de la taxe de recours.
Décision T314/18
Accès au dossier
Très intéressante décision. À garder précieusement en mémoire pour référence éventuelle.
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RépondreSupprimerRéaction classique en première instance: "votre usage antérieur n'est pas suffisamment prouvé, donc on ne veut pas entendre votre témoin"
Wait... le témoin n'est pas justement un moyen de preuve? Et l'article 117(1)d) CBE ? Comment décider que l'usage n'est pas prouvé avant d'avoir eu "en main" tous les moyens de preuve ?
Si l'usage était suffisamment prouvé par les pièces écrites, oui, pas besoin d'entendre le témoin. Mais dans le cas contraire...
Merci à cette décision de remettre les pendules à l'heure.
Dans T 385/14, l’usage antérieur public était pertinent et les témoins proposés n’ont pas été entendus. Le dossier a simplement été renvoyé devant la DO pour entendre les témoins, mais pas de violation de procédure.
RépondreSupprimerIl est clair que l'audition d'un témoin est longue et fastidieuse, et il est manifeste qu'une DO veuille l'éviter autant que possible, ne serait-ce que pour le temps nécessaire pour l’audition du témoin et le fait que la DO doit être élargie d’un membre juriste.
Le renvoi de l'affaire ne permet donc pas de gagner du temps si l’audition des témoins apparait nécessaire.
Lorsqu'on examine la jurisprudence, il n'est pas rare que les DO s'abstiennent d'entendre des témoins en cas d’usage antérieur public. Cela se termine généralement par une violation substantielle de de procédure comme dans le cas présent. Quelques exemples récents T 273/16, T 1551/14.
Par contre si l’usage antérieur public n’est pas pertinent, alors il n’y a pas besoin d’entendre le témoin et donc pas de violation de procédure, cf. T 140/13.
Il n’y a pas non plus besoin d’entendre un témoin, et donc pas de violation de procédure si celui devait donner des informations allant au-delà de ce qui est décrit dans le mémoire d’opposition, cf. T 1231/11