L'interprétation des termes de la revendication ayant posé débat, la Chambre fait au point 3 de la décision un certain nombre d'observations préliminaires intéressantes, que je reproduis partiellement ci-après. Si la Chambre considère que l'Art 69 n'a pas vocation à s'appliquer, cet article n'est qu'une illustration d'un principe d'interprétation général qui, lui, est applicable.
[...] la Chambre s'est attachée à rechercher dans le fascicule du brevet, considéré dans son intégralité, le sens que l'homme du métier leur aurait attribué. Ce faisant, la Chambre a fait application d'un principe général d'interprétation, dont l'article 69 CBE n'est qu'une illustration, en vertu duquel une partie d'un document ne saurait être interprétée indépendamment de son contexte, mais qu'il convient au contraire de considérer l'intégralité du document, dès lors que l'on recherche le sens de telle ou telle affirmation dont il est fait état (cf. décision T 556/02, section 5.3, non publiée). Par conséquent, même si les dispositions de l'article 69 CBE concernant l'étendue de la protection n'ont, hormis le cas particulier de contestations dans le cadre de l'article 123(3) CBE, pas vocation à s'appliquer aux instances ayant à statuer sur des cas d'oppositions, le principe énoncé dans cet article n'en demeure-t-il pas moins applicable.
Aussi, n'est-il pas justifié de donner aux termes d'une revendication un sens particulier, et notamment un sens mathématique, dès lors que rien dans la description ne le justifie. En effet, l'application du principe d'interprétation précédemment évoqué conduit à rechercher dans le document entier, le sens que l'homme du métier aurait attribué aux termes utilisés. [...]
Le principe d'interprétation rappelé ici s'impose à tous, c'est-à-dire aussi bien aux opposants qu'au titulaire, ainsi qu'aux tiers. Le titulaire du brevet ne saurait donc conférer, aux termes utilisés ou aux caractéristiques reproduites dans une revendication, un sens que le contexte général du brevet ne permet pas véritablement d'établir. Il n'est donc pas justifié, à ce titre, de retenir un passage de la description au détriment d'un autre, afin de donner une coloration particulière à certains termes utilisés.
Dans le même temps, il ne saurait être fait abstraction de la particularité du fascicule de brevet pour lequel les revendications ont vocation à généraliser les modes de réalisation particuliers effectivement divulgués dans le fascicule de brevet. Dans quelle mesure, cette particularité intervient dans l'exercice d'interprétation relève du cas d'espèce. [...] Il n'en demeure pas moins que les termes choisis dans les revendications sont supposés avoir été choisis pour servir cet objectif de généralisation des modes de réalisation particuliers. En conséquence, dès lors que le titulaire du brevet aura omis, sciemment ou non, de définir certains concepts, ou aura accepté de laisser subsister certaines ambiguïtés dans la description du brevet inhérente à la requête considérée, celui-ci sera alors mal fondé à se retrancher derrière une interprétation limitative des termes de la revendication, tout au moins dans la mesure ou l'interprétation générale retenue est techniquement sensée et conforme à l'enseignement général du brevet.
La Chambre applique ces principes au cas d'espèce, en estimant par exemple que le procédé de D1 (opposable au titre de l'Art 54(3)) conduit à un "blanchiment" du signal acoustique dans la mesure où une certaine amélioration de la qualité sonore et de l'intelligibilité du signal est également obtenue dans D1.
Ces principes conduisent également la Chambre à généraliser le procédé revendiqué au-delà de son interprétation littérale. Dans D1, les opérations de normalisation et de mise en forme du signal sont concomitantes, contrairement à ce qu'exige la formulation de la revendication 1, laquelle stipule que la mise en forme s'applique à un signal à spectre transposé, donc préalablement mis en forme. La prise en compte du paragraphe 33, qui décrit la possibilité de procéder en une seule opération conduit toutefois la Chambre à interpréter la revendication de manière plus large. La Chambre souligne qu'il est regrettable que la description n'ait pas été correctement adaptée, mais que la version du brevet relève de l'entière responsabilité du breveté. Si aucune objection de clarté ne peut être soulevée, le titulaire doit néanmoins accepter que toute contradiction, ambiguïté ou imprécision soit exploitée par les opposantes. L'argument selon lequel D1 reproduit le procédé revendiqué, tel qu'interprété à la lumière de la description, est donc justifié.
Décision T1871/09
Cette décision peut être considérée comme la suite logique de décisions plus anciennes selon lesquelles il ne peut être donné aux caractéristiques des revendications une interprétation plus restrictive de ces dernières à la lumière de la description. Si les caractéristiques d'une revendication sont en tant que telles claires, il n'y a pas besoin de recourir à la description pour leur donner un sens différent.
RépondreSupprimerVoir par ex: T 197/10, T 760/10 ou T 2319/11.
Une interprétation "large" des caractéristiques d'une revendication qui ne tient pas compte d'une définition plus restreinte se trouvant dans la description, peut conduire à un manque de nouveauté, cf. T 551/12 ou T 1810/12.