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mercredi 10 juin 2015

T756/09 : répartition des frais et autorisation de s'exprimer pour un non mandataire


Une dizaine de jours avant la première procédure orale qui s'est tenue devant la Chambre le 14.11.2014, l'Opposante avait soulevé un nouvel argument au titre de l'Art 123(2) CBE, occasionnée selon elle par l'interprétation donnée à la revendication 1 par la Titulaire lors d'un litige en cours en Allemagne.

Le jour de cette procédure orale, la Chambre a accepté d'introduire le nouvel argument dans la procédure. Le mandataire de la Titulaire s'étant déclaré prêt à soumettre une requête subsidiaire, mais nécessitant au préalable une consultation avec la Titulaire et son mandataire australien, la Chambre avait accepté de poursuivre la procédure par écrit et de convoquer une seconde procédure orale, le 18.3.2015.

La Chambre n'accède pas à la requête en répartition des frais formulée par la Titulaire. Elle relève en effet que la nécessité de convoquer une seconde procédure orale n'est pas seulement imputable aux soumissions de dernière minute de l'Opposante, mais aussi au fait que la Titulaire, bien que prête à contrer le nouvel argument, par écrit ou lors de la première procédure orale, n'avait pas préparé de requête subsidiaire qui aurait pu surmonter la nouvelle objection. Ainsi, les deux parties portent une part de responsabilité dans la poursuite du recours après la première procédure orale.

Autre point intéressant de cette décision : la Titulaire avait demandé 9 jours avant la procédure orale que M. Morton, ingénieur brevet australien, soit autorisé à parler en son nom et sous son contrôle.
L'Opposante avait demandé que M. Morton ne soit pas autorisé à s'exprimer, faute d'avoir respecté le délai d'1 mois posé par la décision G2/94.
La Titulaire avait rétorqué que M. Morton n'était pas un expert technique, mais un ingénieur brevet très familier du dossier, qui avait conseillé le mandataire européen avant la procédurale, et qui continuerait à le faire durant la procédure orale. Compte tenu des circonstances, la Chambre accède à la requête de la Titulaire. M. Morton n'étant pas un expert technique, il ne prendra pas l'Opposante par surprise en mettant en donnant des détails sur des aspects techniques du cas, ne la mettrait pas en position désavantageuse, et pourrait même contribuer à l'efficacité des débats. La Chambre accepte donc que M. Morton s'exprime, à condition qu'il soit stoppé s'il tente d'introduire de nouveaux faits techniques ou arguments.

Décision T756/09

7 commentaires:

  1. Cette décision est problématique à plusieurs titres, car elle va à l'encontre de deux dispositions clés de la décision G 4/95:
    1) si la personne accompagnante n'est pas présentée correctement dans les délais, et que la partie adverse refuse son audition, l'OEB n'a pas de discrétion lui permettant d'entendre une personne accompagnante!
    G 4/95 indique clairement dans le sommaire 2.b.iii) "Une requête qui est déposée peu de temps avant la procédure orale ou lors de cette dernière doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être rejetée, à moins que toutes les parties adverses n'acceptent l'exposé oral demandé".
    Eu égard au refus de la partie adverse, la Chambre n'avait pas autorité pour autoriser l'exposé de Mr Morton.
    2) selon le sommaire 2.d.c) Aucun critère spécial ne s'applique à la présentation d'un exposé oral par des conseils en brevets habilités exerçant dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE. Ceci signifie que les conseils en brevets de pays externes à la CBE ne sont rien de plus que des personnes accompagnantes.
    Or la Chambre prend prétexte de la qualité de mandataire australien de Mr Morton pour l'autoriser à prendre la parole!

    Il ne faudra pas s'étonner si dans le futur les mandataires européens seront forcés par leurs clients américains de requérir le droit de parole pour des patent attorneys américains devant les divisions d'opposition et les Chambres de Recours en excipant cette décision. Il n'y a même plus besoin de respecter le délai d'un mois!

    Je suis d'avis que la Chambre a commis une violation de procédure substantielle en ne respectant pas les critères fixés dans la décision G 4/95 sur l'audition de personnes accompagnantes.

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  2. Je ne vois pas de faille dans le raisonnement de Raoul... verra-t-on un requête en révision A 112bis. Suivant la R104b, il faudrait que le refus de l'opposante puisse être considéré comme une requête pertinente pour la décision.

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  3. @ Raoul et Resp PI:

    Non, cette décision ne va pas à l'encontre de G 4/95. La Chambre peut exercer son pouvoir discrétionnaire et accepter les présentations de la "personne accompagnante". Voir 2.b).iii):

    "Une requête qui est déposée peu de temps avant la procédure orale ou lors de cette dernière doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être rejetée, à moins que toutes les parties adverses n'acceptent l'exposé oral demandé."

    Même si la partie adverse refuse les présentations de la "personne accompagnante", la Chambre peut considérer que des circonstances exceptionnelles sont applicables et peut donc accepter l'exposé de la personne accompagnante. Dans le cas présent, la Chambre a considéré que des circonstances exceptionnelles étaient bien applicables. En l'occurrence, voir points 3.2 et 3.3:

    "3.2 ... Dr. Morton would not make submissions in the capacity of a technical expert, but as a patent attorney who was very familiar with the case, had advised the professional representative before the oral proceedings and would continue to do so during the oral proceedings.

    3.3 Taking into account the circumstances of the case, in particular that Dr. Morton was not a technical expert and thus was not expected to elaborate on technical aspects of the case in a manner which might take the appellant by surprise, the Board concluded that submissions made directly by Dr. Morton under the supervision of the professional representative would not put the appellant at a disadvantage and might contribute to an efficient debate. ..."

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  4. La réponse á Anonyme est la suivante et se trouve dans G 4/95 elle-même, ainsi que dans la réponse de celui-ci:

    G4/95-Point 10 des raisons-Dernier alinéa:
    Une requête qui est déposée peu de temps avant la procédure orale ou lors de cette dernière doit, en l'absence de circonstances exceptionnelles, être rejetée, à moins que toutes les parties adverses n'acceptent l'exposé oral demandé.

    Dès lors que toutes les parties n’ont pas accepté l’exposé oral demandé, il s’ensuit que l’OEB, que ce soit une DO ou une Chambre de Recours n’a plus de pouvoir discrétionnaire du tout. La personne accompagnante n’a pas le droit de parler.

    Dans les points 5 à 7 de G 4/95, la Grande Chambre de Recours insiste bien sur la nécessité pour les parties, notamment non-européennes de se faire représenter par des mandataires qualifiés. En fait il s’agit de protéger la profession de mandataire qualifié.
    De plus G 4/95 a bien précisé qu’aucun critère particulier ne s'applique à la présentation d'un exposé oral par des conseils en brevet habilités à exercer dans des pays qui ne sont pas parties à la CBE. Ceci signifie en clair qu’un mandataire qualifié dans un pays non-membre acquiert au plus le statut d’une personne accompagnante.

    Cette décision est donc non seulement contraire à la lettre, mais aussi à l’esprit de de G 4/95.
    Il est à souhaiter qu’elle reste une exception et devienne tout sauf la règle.

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  5. L'anonyme du 13 juin15 juin 2015 à 21:39

    G 4/95, point 10, contient les mots "en l'absence de circonstances exceptionnelles", ce qui signifie bien que dès que des circonstances exceptionnelles existent, il n'y a plus lieu de considérer si toutes les parties adverses acceptent l'exposé oral demandé ou non. La structure de la phrase ne laisse aucun doute selon moi.

    Les circonstances exceptionnelles sont ici clairement exprimées par la Chambre aux points 3.2 et 3.3. Même si elles n'apparaissent à première vue peut-être pas vraiment exceptionnelles, elles semblent avoir été considérées comme telles par la Chambre: "...the Board concluded that submissions made directly by Dr. Morton under the supervision of the professional representative would not put the appellant at a disadvantage and might contribute to an efficient debate. ..." Il parait effectivement exceptionnel que l'exposé d'une personne accompagnante puisse contribuer à l'efficacité des débats sans désavantager la partie adverse -peu importe que la personne accompagnante soit mandataire étranger ou non.

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  6. L'anonyme du 13 juin16 juin 2015 à 20:13

    Ma réponse d'hier soir a-t-elle été censurée?

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  7. Il est difficile de croire que dans G 4/95 la Chambre ait considéré comme circonstance exceptionnelle le fait que la personne accompagnante soit un mandataire d'un état non membre de la CBE.
    Elle a bien insisté sur la qualité de personne accompagnante de mandataires non européens. Ce n'est certainement pas pour les laisser parler, même sous le contrôle et la responsabilité du mandataire européen.
    Elle a pris cette décision afin de protéger la profession en Europe. Si un mandataire européen accepte de se faire assister de la sorte, alors, ou il scie la branche sur laquelle il est assis, ou il montre qu'il ne maîtrise pas suffisamment le dossier. Dans les deux cas, il y a problème!
    Si demain les mandataires US excipent de cette décision, que faudra-t-il répondre, s'ils veulent s'adresser à une division ou à une chambre de recours. Se laisser faire? Je ne le pense pas.
    Cette décision crée un dangereux précédent. Même si l'on peut être amené à considérer la décision conforme à la lettre de de G 4/95, ce que je conteste, elle reste clairement contraire à son esprit.
    Je suis surpris de la véhémence avec laquelle cette décision est défendue par un anonyme, mais chacun voit midi à sa porte.

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