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lundi 24 septembre 2012

T2346/10 : une mauvaise classification n'est pas un vice de procédure


La demande avait été rejetée pour contrariété à l'Art 123(2) CBE et défaut d'activité inventive.

Dans son acte de recours, le requérant a requis :
- que la Chambre 3.4.01 soit saisie du recours
- que "le rejet soit retiré"
- que l'invention soit classée en "G01S"
- que la demande soit examinée par des examinateurs compétents dans le domaine de l'invention (G01S)
- que l'inventeur ait droit à un examen équitable
- que la pratique de l'OEB soit modifiée dans les cas où la préclassification est erronée
- que la Chambre analyse la demande du début jusqu'à la fin.

Dans son mémoire, le requérant a expliqué que la demande ayant été mal classifiée, la division d'examen n'était pas compétente, ce défaut de compétence se traduisant notamment par le fait qu'elle exigeait une base "mot-à-mot" pour l'examen de l'Art 123(2) CBE.

La Chambre 3.5.01, d'abord saisie, a transféré le recours à la Chambre 3.4.01 (satisfaisant partiellement le requérant !), ce qui n'est toutefois pas une reconnaissance d'une mauvaise classification de l'invention.

La prétendue mauvaise classification ne représente pas un vice substantiel de procédure, et ne peut constituer "les motifs pour lesquels il y a lieu d'annuler la décision" (R.99(2) CBE). Des exemples de vices substantiels sont la violation du droit d'être entendu (Art 113(1) CBE), la non-tenue d'une procédure orale demandée (Art 116(1) CBE), l'absence de motivation de la décision (R111(2) CBE), une composition incorrecte de la division d'examen (Art 19(2) CBE), la prise d'une décision sur la base d'un texte non accepté par le déposant (Art 113(2) CBE). La classification n'est pas liée à une disposition juridique fondamentale de la CBE.

Si une division d'examen n'est pas techniquement qualifiée, le manque d'expertise technique se retrouvera dans les arguments à la base du rejet, et la décision serait annulée si le requérant persuadait la Chambre que la décision était fausse en substance. Si une mauvaise classification peut contribuer à ce qu'une décision ne soit pas correcte, ce n'est pas en soi une raison pour annuler une décision.

Concernant les motifs du rejet, la Chambre considère que le mémoire de recours est trop général et ne présente pas les raisons spécifiques réfutant chaque argument concret de la division d'examen. Le recours est donc rejeté comme irrecevable.

Décision T2346/10

6 commentaires:

  1. Bon sang, l'ensemble du dossier dans le registre est assez juteux. Le moins qu'on puisse dire est que l'inventeur n'était pas commode...
    Ceci dit, tant lui comme l'OEB peuvent remercier le "joli" travail de l'office suédois dans la phase internationale, délivrant des rapports préliminaires de recherche et d'examen de pure complaisance. Ce ne pas la première, ni la deuxième fois que je vois ça, et il serait temps que l'OEB révise son accord avec l'office suédois par lequel il reconnaît les recherches internationales de ce dernier comme si elles étaient propres. Ce traitement de faveur est d'autant plus outrageux que l'office espagnol, pour obtenir le même traitement, a été mis à l'épreuve pendant des années. Mise à l'épreuve qu'au vu de dossiers comme celui-ci, l'office suédois n'aurait jamais réussi...

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  2. Roufousse T. Fairfly25 septembre 2012 à 00:06

    Partie 1/4

    Quel magnifique divertissement pour un lundi soir. On retrouve dans ce dossier deux des grands classiques de l'inventeur-demandeur non-représenté:

    - mettre en doute la compétence de la division ou de la chambre;
    - ne pas acquitter à temps les annuités.

    Il aurait pu encore notamment:

    - insulter l'examinateur;
    - crier au complot.

    (Un exemple tiré des archives: un inventeur souligne la consonnance française du nom de l'examinateur responsable du dossier, et en déduit qu'il s'agit d'un pochetron, ce qui explique tout...)

    L'affaire a été transférée de la chambre 3.5.01 à la 3.4.01 (alinéa 1.2 de la décision), qui a la responsabilité des domaines A61N; C40B20/08, 30/10; G01P, R, S, T; G06K; G09 (excepté B, F, G); G10, 12, 21, 99; H01P, Q; H05 (excepté B, F, G, K). Cet inventaire à la Prévert (on passe des antennes aux cornemuses en passant par les cartes de téléphone, le traitement des calculs biliaires par ultrasons, les ampoules incandescentes et la chimie combinatoire) comprend aussi le G01S, le domaine de "l'invention" tel qu'allégué par le demandeur. A-t-on voulu démontrer la polyvalence, l'impartialité et la magnanimité de l'OEB, ou serait-ce plutôt les présidents des chambres qui se sont fait plaisir? Oh qu'il est mignon, peux-tu me le prêter? Je voulais justement organiser un dîner...

    On ne semble avoir soulevé à aucun moment dans cette affaire que la classification internationale contestée a été attribuée non pas par l'OEB, mais par l'office suédois agissant comme ISA et IPEA. Selon le PCT, c'est l'ISA qui attribue la classification, et selon la CBE, la publication internationale remplace l'européenne. Il ne s'agit donc pas d'une décision de l'office susceptible de recours au sens de l'article 106.

    La demande avait initialement été classée par Stockholm dans le G06F17/60, l'ancien lieu de résidence des bizenèsseméthodes. L'IPER a attribué à la demande un code en G06Q, nouvellement introduit à cette époque.

    Dans un livre écrit par des examinateurs de l'OEB on peut lire (p. 51):

    Whilst the field of G06Q in the European system is frequently termed generically "business methods", these are normally understood by the examiners mostly involved in this field, to relate to buying/selling type applications where actions, marketing and trading are involved. A frequently intertwined application type is that of the administrative method. Such applications are, when "pure", suggestions on how to organise paperwork, structure a business (in human terms and very much theoretically) or how to handle and process administrative data within a business flow.

    Dans l'ancien système IPC, les codes inscrits sur les documents publiés étaient immuables. La division d'examen en phase régionale n'a pas prérogative à revenir sur les données du fascicule A, mais peut par contre arrêter les classes du brevet délivré tel qu'inscrites sur le fascicule B, sur le registre, et dans le bulletin. Le système IPC est désormais dynamique, et reflète généralement la classification ECLA courante, qui est l'objet de raffinements continus.

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  3. Roufousse T. Fairfly25 septembre 2012 à 00:08

    Partie 2/4
    Le code de la publication internationale détermine l'acheminement d'une demande en phase régionale à l'OEB, et court-circuite (à ma connaissance) le service de préclassification. La destination finale de la demande n'est toutefois pas figée. Quand les intéressés en prennent connaissance, il arrive fréquemment qu'elle soit transmise à une autre direction. («Ce machin là n'est pas du tout pour nous, [noms d'oiseaux supprimés]») La plupart du temps c'est une affaire de routine, mais ce réacheminement est parfois un tantinet chaotique (les examinateurs, directeurs, ou directions qui se chamaillent pour savoir qui aura le plaisir de traiter la demande), mais en général le dossier finira par aterrir sur le bureau de quelqu'un qui se sentira capable de dompter le monstre. (Ou bien il aura été désigné volontaire, ou alors il ne trouve plus personne à qui faire suivre le colis piégé...)

    Je n'ai rien à redire sur la décision sur les motifs sur lesquels elle se fonde. Le recours est manifestement irrecevable, et il n'appartient pas au demandeur de mettre en cause la répartition des dossiers à l'OEB, ni de faire effacer ce code G06Q sans doute ressenti comme un stigmate.

    Je ressens néanmoins un grand malaise à la lecture de ce dossier, et je m'interroge sur le travail des chambres ainsi que de l'OEB.

    Primo: L'OEB s'est malgré tout laissé impressionner par les hurlements du demandeur. La DQMS a formulé une opinion sur la compétence de l'examinateur:

    Please be informed that the EPO does not intend to meet your request to entrust another examiner with the examination of the above referenced application. The primary examiner entrusted with the examination of the present application, Mr. [...], has an excellent reputation as a qualified examiner in the technical field of the present application. There is no doubt as to his technical competence. There is no sign of any prejudice or "negative purpose".

    Même si cette appréciation était positive (l'intéressé s'en est sans doute réjoui), il n'appartient pas à l'administration d'admonester ses agents en public. Le fonctionnaire de l'OEB jouit d'une immunité de fonction, et ses décisions sont prises au nom de l'administration, qui les endosse quelle que soit leur qualité. Il appartient alors aux chambres de les retoquer, si nécessaire.

    Quel message aurait-on transmis par si l'opinion avait été négative plutôt que positive? Qu'il y a moyen de faire dégommer un examinateur gênant si on râle suffisamment fort et longtemps? Que le Président, par l'entremise de la hiérarchie, a le pouvoir d'influer directement sur les instances décisionelles? (Ce qui me rappelle qu'il y a quelques années il y avait eu un communiqué de presse de l'Office dans lequel le Président de l'époque semblait désavouer la division qui avait rendu une décision controversée. Pas fameux non plus).

    Le directeur du département qualité ajoutait dans sa lettre du 02.09.2009:

    The Director responsible for the technical field in question is also responsible for drafting staff reports on the functioning and quality of the examiners of his Directorate. This Director is consequently pre-eminently qualified to express an unbiased opinion on the work performed by the primary examiner entrusted with the examination of the present application.

    Gardons en mémoire le passage qui précède et passons maintenant à mon secundo:

    J.M., co-auteur du bouquin mentionné ci-dessus, est directeur de l'unité responsable des demandes en G06F17/60 ou G06Q depuis au moins 2003 selon mes renseignements.

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  4. Roufousse T. Fairfly25 septembre 2012 à 00:09

    Partie 3/4
    Le même J.M. a aussi agit en qualité de président de la division d'examen dans la présente affaire, tel qu'on peut le constater sur la convocation à la procédure orale, le procès-verbal de la dernière, ainsi que la décision de refuser la demande.

    Est-ce que la division d'examen peut-elle dans ces conditions rendre une décision collégiale en toute sérénité, lorsque deux de ses membres sont, virtuellement sans l'ombre d'un doute, des subordonnés de son président? Tel que relevé dans le passage cité, le président/directeur est directement responsable de l'avancement responsable hiérarchique des "collègues" de la division par l'entremise du rapport de notation.

    Le directeur peut-il quant à lui être légitimement membre de la division lorsqu'il a été impliqué dans les échanges relatifs à la plainte du demandeur? Il est alors juge et partie.

    Le mélange des genres est à son comble dans la lettre du 17.03.2010, dans laquelle J.M. écrit au demandeur en réponse à sa plainte sur du papier à lettre dont l'entête indique son titre de directeur!

    Au point 2, il commente les actions de la division à laquelle il appartient: There is no evidence that the Examining Division [...] is lacking competence and in view of point 1 above, the Examining Division will stay in its present composition. Le directeur J.M. a le pouvoir de nommer les membres de la division, et y a affecté un certain président J.M., avec lequel il partage le caleçon et les chaussettes, et dont il n'a aucune raison de douter de la compétence...

    J.M. annonce au point 3 de la lettre: The reasons given by you do not justify postponement of the oral proceedings in accordance with [the] published practice. The date fixed for oral proceedings is maintained. S'agit-il ici d'une décision de la division, ou du directeur? Le reste de la lettre est à l'avenant. Est-ce que le directeur assume également les fonctions du premier examinateur au sens de l'article 18?

    Est-ce qu'on peut imaginer dans ces conditions que la division dans son ensemble puisse rendre une décision un tant soit peu impartiale, quand son président/directeur prend position en son nom?

    On notera que le directeur J.M. dans l'entretien téléphonique du 05.03.2010 portait alors un galure de président. Il n'est pas courant qu'un autre membre de la division prenne l'appel d'un demandeur, mais ça arrive. En général c'est parce que le premier examinateur n'est pas disponible et que le demandeur est pressé (lire "désespéré") de savoir à quoi s'en tenir après avoir déposé 254 pages de nouvelles requêtes un mois pile, voire deux semaines, avant la procédure orale...

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  5. Roufousse T. Fairfly25 septembre 2012 à 00:10

    Partie 4/4
    Il me semble que les conclusions de G5/91 sont pertinentes à la présente affaire, et qu'il aurait été intéressant que la chambre utilise son pouvoir en vertu de l'article 114 pour jeter un coup d'oeil sur l'impartialité de la décision. Le département DQMS aurait aussi dû s'interroger sur le déroulement de l'affaire. Si le demandeur s'était adressé à un professionnel il aurait peut-être réussi à retarder l'inévitable issue, tout en permettant d'enrichir la jurisprudence, en établissant ce qui est licite de la part d'un directeur.

    Il arrive qu'un directeur remplace au pied levé un examinateur empêché (par exemple par la grande faucheuse), et il arrive aussi qu'un examinateur termine sa pile de dossiers après avoir été promu directeur. Dans ce dernier cas il ne se pose pas de problèmes de hiérarchie, car il sera généralement affecté à une direction distincte de celle de ses anciens collègues.

    Mais ici on est dans un cas où un directeur s'est invité dans une division de manière durable. On est en droit de se demander si:

    a) c'est une pratique généralisée dans cette direction,

    ou

    b) le directeur a décidé de s'occuper personnellement d'un casse-pied.

    Ni (a) ni (b) ne représentent pour moi des alternatives acceptables. Les données permettant de répondre à cette question ne sont, hélas, pas disponibles hors des murs de l'OEB.

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  6. On retrouve dans ce dossier deux des grands classiques de l'inventeur-demandeur non-représenté:

    - mettre en doute la compétence de la division ou de la chambre;
    - ne pas acquitter à temps les annuités.

    Il aurait pu encore notamment:

    - insulter l'examinateur;
    - crier au complot.


    Oh Roufousse, vous êtes trop gentil. L'inventeur ne s'est pas contenté de mettre en doute la compétence des examinateurs et des membres des chambres de recours: il les traite d'incompétents dans tous les sens du terme. A tel point que la chambre de recours s'est sentie obligée de le rappeler à l'ordre...

    Quant à l'intervention du directeur dans la Division d'Examen, ou le transfert du recours, je pense que ce sont des réactions exceptionnelles à un casse-pieds exceptionnel. Le fait qu'un directeur participe dans une Division d'Examen ne me choque de toute manière pas outre-mesure: si cela peut mettre un peu à mal la collégialité de la Division d'Examen (collégialité de toute manière toute théorique), je ne vois pas en quoi cela peut affecter l'impartialité de ses décisions, ni avec quelle provision de la CBE cela serait incompatible.

    Il faut aussi ajouter que la classification du dossier était, à mon avis, parfaitement correcte, l'objet de la demande étant des plus abstraits. Ce qui est absolument effarant (à part le fait que des brevets correspondants ont bien été délivrés aux Etats-Unis et en Suède) est que l'inventeur travaille, paraît-il, pour l'armée suédoise dans le développement d'un logiciel pour aider les officiers dans la prise de décisions dans la lutte antiterroriste. Projet qui semble même être à l'origine de la demande de brevet.

    A ce que je ne peux répondre que comme ceci...

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