Le deuxième volet de la présentation sur la nouvelle loi américaine, aujourd'hui un tour d'horizon des procédures post-délivrance, actuelles et futures
par Philippe Signore et Scott McKeown, du cabinet Oblon, Spivak, McClelland, Maier & Neustadt, L.L.P
Compte tenu de la longueur de l'article, ce billet est découpé en 3 parties. Les deux autres parties seront publiées mercredi et jeudi.
La nouvelle loi américaine sur les brevets dite America Invents Act (AIA), récemment promulguée (cf. billet du 21 septembre 2011), a prévu de nouvelles procédures utilisables après la délivrance des brevets et a modifié les procédures existantes. Elle offre une grande diversité de moyens d’action auprès de l’Office Américain des Brevets et des Marques (USPTO). Elle permet ainsi aux titulaires de brevets et aux tiers, de revoir les titres délivrés. Le présent article résume ces procédures nouvelles ou modifiées. En particulier, la nouvelle procédure dite Post Grant Review, qui fait l’objet de la section 3, intéressera sans doute les Européens car elle se rapproche de la procédure d’opposition des brevets européens.
1. Réexamen du brevet, procédure ex parte (procédure existante)
En vigueur depuis les années 80, la procédure ex parte de réexamen d’un brevet permet au titulaire d’un brevet ainsi qu’à tout tiers de requérir le réexamen d’un brevet délivré, et ce pendant toute la période où le brevet est en vigueur. Cette requête ne peut s’appuyer que sur des brevets ou des publications imprimées. Elle n’est accordée que si l’art antérieur soumis soulève une question de brevetabilité nouvelle et substantielle (substantially new question of patentability ou SNQ en abrégé). Le tiers qui conteste le brevet peut déposer sa requête de manière anonyme. Il n’est pas rare de voir déposer, en même temps que la requête, une déclaration d’expert sur la portée et le contenu de l’art antérieur, appréciés à la date de dépôt de la demande correspondant au brevet à réexaminer. Au cours du réexamen, les revendications peuvent être amendées, supprimées ou confirmées, mais elles ne peuvent pas être élargies.
Lorsque la requête a été accordée, celui qui conteste le brevet ne peut intervenir dans la procédure qui s’ouvre.
La procédure de réexamen est menée de manière accélérée par trois examinateurs appartenant à un groupe de réexamen spécial de l’USPTO (Central Reexamination Unit). La procédure dite de Discovery, utilisée dans les litiges, n’est pas autorisée ici. Il ne peut non plus y avoir de demande en Continuation après un rejet définitif, comme c’est le cas dans une procédure ordinaire d’examen. Le rejet final des revendications peut faire l’objet d’un appel de la part du titulaire du brevet (mais pas de la partie tierce), auprès du Board of Appeals de l’USPTO. Un réexamen complet peut prendre quelques années. Cette procédure ne crée pas d’empêchements (estoppels). Cependant, en pratique, un art antérieur qui aurait été rejeté par l’USPTO aurait peu de chances d’être pris en compte dans une procédure postérieure (par exemple dans un litige auprès des tribunaux).
La pratique de cette procédure de réexamen ex parte n’a guère été modifiée par la loi AIA. La seule modification apportée précise qu’un appel de la part du breveté de la décision du Board of Appeals ne peut être porté que devant la Cour d’Appel pour le Circuit Fédéral (Court of Appeals for the Federal Circuit ou CAFC). Cette modification a pris effet immédiatement.
2. Réexamen du brevet, procédure inter partes (procédure existante)
La procédure de réexamen inter partes permet à un tiers de requérir le réexamen d’un brevet délivré pour les brevets dont la date de dépôt de la demande est postérieure au 29 novembre 1999. La requête peut être déposée tant que le brevet est en vigueur. Cette requête ne peut s’appuyer que sur des brevets ou des publications imprimées. Avant la promulgation de la loi AIA, cette requête n’était accordée que si l’art antérieur soumis soulevait une question de brevetabilité nouvelle et substantielle. Des déclarations d’expert sont généralement déposées tout au cours de la procédure, par le breveté ou par le tiers contestant.
Le tiers requérant ne peut rester anonyme, comme dans la procédure ex parte (cf. § 1). Par ailleurs, il participe activement à la procédure. Comme dans la procédure ex parte, il n’y a pas de Discovery, et les revendications ne peuvent être élargies. La procédure inter partes se déroule devant trois examinateurs appartenant à la Central Reexamination Unit. Ses décisions de rejet des revendications peuvent faire l’objet d’un appel par la tierce partie ou par le titulaire du brevet, auprès du Board of Appeals de l’USPTO. Une procédure inter partes complète peut prendre quelques années.
Contrairement au réexamen ex parte, un réexamen inter partes peut créer des empêchements (estoppels) pour toute question de fond soulevée ou qui aurait pu raisonnablement être soulevée, mais seulement après que toutes les voies de recours auront été épuisées. Les défenseurs dans une action en contrefaçon utilisent souvent la procédure de réexamen inter partes pour tenter de retarder le litige, ou pour échapper à la contrefaçon, ou pour réduire les dommages et intérêts par l’effet d’amendements réduisant la portée des revendications.
La loi AIA substitue au critère standard de question de brevetabilité nouvelle et substantielle, un nouveau critère selon lequel il existe une probabilité raisonnable que le requérant l’emporterait en ce qui concerne au moins une des revendications contestées dans la requête. Cette modification a pris effet immédiatement.
La procédure de réexamen inter partes disparaîtra progressivement à partir du 16 septembre 2012, et sera remplacée par une nouvelle procédure, analysée ci-après (cf. § 4) et dite révision inter partes. Comme l’adoption de cette nouvelle procédure apporte avec elle de nouvelles limitations dans la révision effectuée par l’USPTO pendant qu’un litige parallèle est en cours, les défenseurs actuels ont encore le choix entre requérir un réexamen inter partes avant le 16 septembre 2012, ou requérir une révision inter partes après cette date. En outre, les défenseurs engagés dans une action en contrefaçon de brevets anciens (demande déposée avant le 29 novembre 1999), qui ne sont pas habilités à requérir un réexamen inter partes, auraient intérêt à attendre le 16 septembre 2012, date à partir de laquelle ces brevets pourront être soumis à une révision inter partes.
Dans le billet de demain : Post-Grant Review,Révision Inter Partes et Examen supplémentaire
Merci à Philippe Signore et Scott McKeown de nous offrir ce memo, et à Laurent de l'héberger.
RépondreSupprimerJ'attends avec impatience la suite de cette remarquable synthèse, même s'il y a abus de la lettre "e". (Gare à l'usure du générateur de caractères)
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