L'autorité de la chose jugée (res judicata) est un principe de procédure général ayant pour fondement la volonté d'empêcher les parties de recommencer un nouveau procès qui porterait sur un différend qui aurait déjà été jugé.
Dans le droit issu de la CBE, la seule référence à ce principe est contenue dans l'Art 111(2) CBE : "Si la chambre de recours renvoie l'affaire pour suite à donner à l'instance qui a rendu la décision attaquée, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits de la cause soient les mêmes. Si la décision attaquée a été rendue par la section de dépôt, la division d'examen est également liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours."
En cas de renvoi en première instance, cette dernière ne peut remettre en cause ce qui a été jugé par la Chambre de recours (à moins que de nouveaux faits soient intervenus). Il en est de même en cas de recours sur la décision rendue après ce renvoi. La décision T1018/03 en donne un exemple concret (pts 2 des motifs).
L'Art 125 CBE permet également de prendre en compte le principe d'autorité de la chose jugée, en tant que principe de procédure généralement admis : "En l'absence d'une disposition de procédure dans la présente convention, l'Office européen des brevets prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les Etats contractants."
Dans la décision T167/93, la Chambre s'est demandée si la décision d'une Chambre de recours pendant la procédure d'examen s'imposait ultérieurement en cas d'opposition ou de recours sur opposition. Après analyse du principe de l'autorité de la chose jugée dans différents Etats (GB, FR, DE), elle en déduit qu'une condition essentielle (identité des parties) n'est pas remplie, puisque l'opposant n'était pas partie à la procédure d'examen. L'autorité de la chose jugée irait en outre à l'encontre du droit d'être entendu consacré à l'Art 113(1) CBE : "Les décisions de l'Office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position."
La décision T694/01 a pu juger que lorsqu'une Chambre renvoie devant la division d'opposition pour adaptation de la description à des revendications modifiées (et jugées valables), l'intervention d'un tiers au stade du recours contre la décision de la division d'opposition ne pouvait remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée à la décision de la Chambre, y compris lorsque l'intervenant soulève de nouveaux motifs d'opposition. Plus que l'application du principe d'autorité de chose jugée (qui ne devrait pas s'appliquer ici puisque nouvelle cause et nouvelle partie), il s'agit plus d'appliquer un principe selon lequel l'intervention est limitée aux questions encore en discussion au moment où elle est engagée.
La toute récente décision T194/05 s'intéresse également à l'application de la res judicata.
Une première décision de recours sur opposition (T499/00) n'avait porté que sur les questions de suffisance de description et de vice de procédure, avant renvoi en première instance. Selon le breveté, le fait que la Chambre ait pris une décision sur la suffisance de description impliquait qu'elle avait préalablement admis l'admissiblité des revendications au regard des conditions de de forme (Art 84, 123(2) et (3), R57bis) , et que remettre cette admissibilité formelle en question s'opposait au principe d'autorité de la chose jugée.
Pour la Chambre au contraire, l'examen préalable de l'admissibilité formelle des modifications introduites dans les revendications n'est pas une exigence nécessaire pour pouvoir décider sur la suffisance de description. La Chambre n'ayant pas explicitement délibéré sur ce point dans sa décision précédente, l'exception tirée de la chose jugée n'est pas fondée.
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